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Action collective rejetée pour absence de lien étroit avec le Québec

Dans l'affaire Ranger c. Aphria inc., 2021 QCCS 534, la Cour supérieure du Québec (la « Cour ») a rejeté une action collective intentée par des investisseurs ayant acquis les titres d'Aphria sur le marché secondaire, estimant que les tribunaux québécois n'avaient pas compétence pour entendre la cause.

L’action collective proposée, qui n'incluait que les investisseurs résidant au Québec, a été intentée suite à la publication d'un rapport de la firme Hindenburg Research, qui faisait état d’allégations à l’effet qu'Aphria aurait dépensé des centaines de millions de dollars pour acquérir des actifs dont la valeur était artificiellement gonflée ou simplement inexistante. Dans les dix jours suivant la publication de ce rapport, la valeur des actions d'Aphria avait chuté d'environ 25%. L’action collective était fondée sur des allégations de fausses représentations en vertu des dispositions relatives au marché secondaire de la Loi sur les valeurs mobilières (« L.v.m. »), ainsi que sur la prétention qu'une faute avait été commise en vertu de l'article 1457 du Code civil du Québec (« C.c.Q. »).

Les défendeurs ont, avant même qu’un débat sur l’autorisation n’ait lieu, présenté une requête en rejet au motif que les tribunaux québécois n'étaient pas compétents pour entendre la cause, car Aphria n'était pas un émetteur assujetti en vertu de la L.v.m. pendant la période visée par l’action collective et que toute faute commise ou tout dommage subi l’aurait été hors du Québec.

Absence de compétence en vertu du Code civil du Québec

Après avoir évalué les facteurs de rattachement prévus par l'article 3148 C.c.Q., la Cour a déterminé que seul le troisième critère, soit le situs de la faute ou du préjudice, était susceptible de donner lieu à la compétence des tribunaux québécois sur l’action collective proposée. Cependant, suite à une analyse détaillée des faits et du droit, la Cour a déterminé que ni la faute ni le préjudice ne se sont produits au Québec.

Tout d'abord, la Cour conclut sans effort que les transactions et les fausses déclarations alléguées ont eu lieu en dehors du Québec. 

Deuxièmement, afin de conclure que les dommages n'ont pas été subis au Québec, la Cour adopte et adapte l’analyse de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, 2013 CSC 59 et détermine que le véritable situs des dommages subis était l'Ontario. En effet, bien que les investisseurs québécois aient enregistré ou comptabilisé les pertes au Québec, aucun préjudice n'a été subi au Québec, puisque les comptes de courtage des demandeurs étaient administrés à partir de l'Ontario et que les transactions ont été effectuées en Ontario.

Absence de compétence en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières

Malgré le fait qu'Aphria n'était pas un émetteur assujetti au Québec pendant la période pertinente, les demandeurs ont soutenu qu'Aphria avait néanmoins «lien étroit » avec le Québec, ce qui, en vertu de l'article 225.2 L.v.m., leur a permis de porter cette action devant les tribunaux québécois.

La Cour a déterminé que ce n'était pas le cas, et a rejeté certaines théories proposées par les plaignants :

  • Le terme « lien étroit » doit nécessairement se rapporter à la distribution de titres; les activités commerciales d'Aphria au Québec ne sont pas pertinentes pour déterminer l'existence d'un "lien étroit" avec la province en vertu de la L.v.m.;
  • Les allégations de fausses représentations sur le marché secondaire ne sont pas reliées au "placement" de titres en vertu de la L.v.m. (qui donnerait aux tribunaux du Québec compétence en vertu de l'article 236.1), mais concernent plutôt les fausses représentations faites à l'égard de titres déjà placés; et
  • Il existe une distinction entre la vente d'actions au Québec et la vente d'actions aux résidents québécois; les actions d'Aphria n'ont pas été vendues au Québec aux fins de la L.v.m., mais ont plutôt été mises à la disposition des résidents du Québec sur le marché secondaire des bourses de Toronto et de New York.

Conclusion

Il s'agit d'une décision importante pour les actions collectives multi-territoriales, car elle confirme que malgré le faible seuil au stade de l'autorisation les tribunaux rejetteront les actions n’ayant lorsqu’il y a peu ou pas de lien avec le Québec, et que la charge de démontrer ce lien incombe aux demandeurs. Cette décision sert également à clarifier certains facteurs de rattachement en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières du Québec.

 

McCarthy Tétrault LLP a agi pour Aphria avec une équipe dirigée par Julie-Martine Loranger, qui comprenait Sarah-Maude Demers et Dominique Paiement, et soutenue par Dana Peebles et Bryn Gray.

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