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Wal-Mart devra dédommager les ex-employés de son établissement de Jonquière

Par Guylaine Lacerte et Julie C. Fortier

Le vendredi 27 juin dernier, la Cour suprême du Canada a tranché : Wal-Mart devra dédommager les ex-employés de son établissement de Jonquière.

Dans une décision rendue à cinq contre deux, c’est sur la base d’un grief déposé en mars 2005 que les juges du plus haut tribunal du pays ont confirmé la décision de l’arbitre en concluant que la résiliation de l’ensemble des contrats de travail des employés de l’établissement de Jonquière constituait une modification unilatérale des conditions de travail prohibée par l’article 59 du Code du travail du Québec (Code).

L’article 59 du Code qui prévoit le gel des conditions de travail à compter notamment du dépôt d’une requête en accrédiation a pour objectif de favoriser l’exercice du droit d’association et la négociation de bonne foi entre les parties.

Dans cette affaire, le syndicat des ex-employés est parvenu à se décharger de son fardeau de preuve en démontrant « (1) qu’une condition de travail existait au jour du dépôt de la requête en accréditation ou de l’expiration d’une convention collective antérieure; (2) que cette condition a été modifiée sans son consentement; (3) que cette modification est survenue pendant la période prohibée ».[1]

En établissant l’incompatibilité entre le prétendu changement et les pratiques usuelles de gestion de l’employeur, l’arbitre a rendu une décision que la Cour suprême du Canada juge raisonnable puisqu’elle « s’inscrit clairement parmi les issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit », soulignant que la déférence s’impose face à une telle décision.

Considérant qu’il s’agit en l’espèce d’une plainte portée en vertu de l’article 59 du Code, l’arbitre se voit conférer de larges pouvoirs de réparation par l’entremise des articles 100.12 du même Code et 1590 du Code civil du Québec. Celui-ci est donc habilité à ordonner une réparation subsidiaire sous forme de dommages-intérêts, la fermeture de l’entreprise n’empêchant pas l’octroi d’un dédommagement découlant de l’article 59 du Code. Le dossier est ainsi renvoyé à l’arbitre pour la détermination de la réparation appropriée, celui-ci ayant réservé sa compétence aux fins d'établir le redressement adéquat dans le dispositif de sa sentence datée du 18 septembre 2009.[2]

Bien que la législation québécoise contraste fréquemment au niveau national, il appert que le mécanisme de l’article 59 du Code se transpose à la situation législative des autres provinces canadiennes, en plus d’avoir son équivalent fédéral. Ainsi, cette décision rendue par la Cour suprême du Canada aura des échos à travers le Canada, s’étendant à tous les régimes généraux de relations de travail au pays. Désormais, une gestion de son entreprise modulée par l’introduction d’un processus de syndicalisation au sein de celle-ci s’avère une situation plus délicate pour l’employeur.

Rappelons que les quelque 200 employés du Wal-Mart de Jonquière étaient les premiers en Amérique du Nord à avoir mené à terme le processus d’accréditation et s’être syndiqués après quoi, quelques mois plus tard, alors que les négociations du contenu d’une première convention collective se sont avérées infructueuses, leur employeur eut mis la clé sous la porte en alléguant des motifs financiers au soutien de la fermeture. En 2009, sur la base d’un autre véhicule juridique, la Cour suprême du Canada avait débouté le recours du syndicat et donné raison à Wal-Mart qui se défendait d’avoir empêché la syndicalisation de manière détournée en fermant le magasin en 2005.


[1] Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 503 c. Compagnie Wal-Mart du Canada, 2014 CSC 45 (CanLII).
[2] Travailleuses et travailleurs unis de l'alimentation et du commerce, section locale 503 et Compagnie Wal-Mart du Canada – Établissement de Jonquière (grief syndical), T.A., 2009-09-18, AZ-50576196.