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Victoire de Sony dans sa bataille de droit d’auteur à l’égard de God of War

 

Dans l’affaire Bissoon-Dath c. Sony Computer Entertainment America Inc., la Cour de district des États-Unis pour le district nord de la Californie a rendu un jugement sommaire en faveur de Sony dans un litige sur le droit d’auteur à l’égard du populaire jeu vidéo God of War.

Les demandeurs soutenaient que Sony et un ancien employé avaient contrefait les œuvres des demandeurs protégées par droit d’auteur (deux synopsis, deux scénarios et une application) pour créer le jeu vidéo God of War. Les œuvres et le jeu vidéo des demandeurs mettent tous deux en action un humain mortel dans une quête pour le compte d’un dieu grec. Sony a réussi à obtenir une procédure par voie de jugement sommaire, soutenant que les similarités entre des éléments des œuvres des demandeurs et God of War n’étaient pas susceptibles de protection en vertu de la législation sur le droit d’auteur.

Pour obtenir gain de cause dans une action en contrefaçon aux États-Unis, le demandeur doit établir qu’il est propriétaire d’un droit d’auteur valide sur l’œuvre visée et démontrer que le défendeur a copié l’œuvre. Étant donné que les demandeurs en l’espèce n’ont pas présenté une preuve directe de plagiat, ils devaient démontrer que les défendeurs ont eu accès aux œuvres et que les œuvres étaient sensiblement identiques.

Dans une requête en jugement sommaire, le tribunal se fonde sur un « critère extrinsèque » pour établir si une œuvre est sensiblement identique. Ce critère suppose « une comparaison d’éléments concrets et particuliers en vue de faire ressortir les similarités précises entre l’intrigue, les thèmes, le dialogue, l’atmosphère, le décor, le rythme, les personnages et la séquence des événements ». Le tribunal éliminera les éléments non susceptibles de protection et n’en tiendra pas compte.

Dans ses motifs de jugement, Mme la juge Patel a fait remarquer que « la législation sur le droit d’auteur protège l’expression des idées d’un auteur, mais pas les idées elles-mêmes ». Si, toutefois, l’auteur rassemble un nombre significatif d’éléments non susceptibles de protection, cette séquence d’événements est susceptible d’être protégée par droit d’auteur. Pour l’application de ce critère, le tribunal vérifiera s’il existe suffisamment de similitudes et de thèmes communs entre la séquence des événements et les liens entre eux.

Après avoir examiné les différents éléments concrets, Mme la juge Patel a conclu qu’aucun juré raisonnable ne pourrait conclure à une expression sensiblement identique entre God of War et les œuvres des demandeurs, même si l’accès à l’ensemble des œuvres des demandeurs était prouvée. Elle a notamment statué :

  • qu’il existe certaines similitudes entre les intrigues, mais les motivations, les tâches et les accomplissements des héros sont différents. Une fois les éléments non susceptibles de protection éliminés, les intrigues ne sont identiques que de façon générale;
  • que les décors partagés sont « des représentations génériques et stéréotypées de la Grèce ancienne et des dieux grecs »;
  • que les personnages sont des personnages courants qui « ont été largement utilisés dans la littérature ancienne et moderne, dans la dénomination de constellations et d’aéronefs et dans d’autres domaines »;
  • que la séquence des éléments et les liens entre eux n’étaient pas identiques.

Remarques de McCarthy Tétrault

L’affaire Sony n’est que l’une des nombreuses affaires dans le monde où des juges ont pris soin de préserver l’équilibre entre la liberté de copier des idées et des notions et les restrictions que le droit d’auteur impose quant au plagiat d’expressions dans des documents protégés par droit d’auteur. L’affaire Delrina Corp. c. Triolet Systems Inc. constitue un bon exemple canadien, de même que l’affaire Baigent & Anor c. The Random House Group Ltd. au Royaume-Uni.

Établir une distinction entre les idées et l’expression est un exercice qui peut souvent se révéler difficile, mais qui est d’une importance fondamentale. Les tribunaux doivent parfois établir des limites comme l’illustre l’affaire récente au Québec, Robinson c. Films Cinar Inc. Toutefois, la dichotomie idée-expression est un élément fondamental dont il faut tenir compte lorsqu’on évalue le poids du droit d’auteur dans l’équilibre entre la liberté de reproduction et la concurrence sur le marché des idées et la protection que le droit d’auteur confère au travail créatif (ou, comme on le dit au Canada, aux œuvres créées avec suffisamment « de talent et de jugement » pour en faire des œuvres originales).

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