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Réglementation sur les produits dérivés de gré à gré

Bien que le marché canadien des produits dérivés de gré à gré soit petit par rapport au marché mondial des produits dérivés de gré à gré, ces instruments jouent un rôle important dans les marchés financiers canadiens. Par conséquent, la réforme du marché des produits dérivés de gré à gré au Canada est considérée comme une façon importante de réduire les risques systémiques, d’améliorer l’efficacité et l’intégrité du marché et d’améliorer la protection des investisseurs.

Lors de la rencontre du G-20 qui s’est déroulée à Pittsburgh en 2009, les chefs du G-20 ont pris l’engagement suivant :

« Tous les contrats normalisés de produits dérivés de gré à gré devraient, d’ici la fin de 2012 au plus tard, se transiger sur des plateformes boursières ou commerciales électroniques, le cas échéant, et être approuvés par les contreparties centrales. Ces contrats devraient être signalés aux dépositaires commerciaux. Ceux qui ne sont pas approuvés par les contreparties centrales devraient être assujettis à des exigences plus élevées en matière de capital. »

La réforme du marché canadien des produits dérivés de gré à gré est nécessaire pour que le Canada respecte ses engagements dans le cadre du G-20. Pendant la deuxième moitié de 2010, des documents de discussion ont été publiés afin de formuler la façon dont le Canada devrait mettre en pratique ses engagements dans le cadre du G-20 (ou afin de demander les commentaires du marché à ce sujet). Nous avons également été témoins de l’adoption par l’Ontario d’une législation visant à mettre en œuvre un cadre réglementaire pour les produits dérivés. Le présent article souligne les points saillants de ces documents de discussion et de la législation ontarienne.

Groupe de travail sur les produits dérivés de gré à gré au Canada

Le Groupe de travail sur les produits dérivés de gré à gré au Canada est un groupe représentant plusieurs organismes qui a été formé en décembre 2009 afin de coordonner les efforts déployés pour remplir les engagements du Canada dans le cadre du G-20. Le Groupe de travail est présidé par la Banque du Canada et est formé de représentants de la Commission des valeurs mobilières de l’Alberta, de l’Autorité des marchés financiers du Québec, du ministère des Finances, du Bureau du surintendant des institutions financières et de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (la « CVMO »). Le Groupe de travail « veille à ce que tous les changements structurels soient envisagés et entrepris de manière à préserver la stabilité et la vitalité du système financier canadien et à ce que le calendrier des initiatives respecte l’échéance de la fin 2012 ».

Le Groupe de travail a publié un document de discussion intitulé « La réforme des marchés des dérivés de gré à gré au Canada : document de discussion du Groupe de travail sur les produits dérivés de gré à gré », daté du 26 octobre 2010. Le Groupe de travail offrait des recommandations regroupées en cinq domaines de réforme :

  • Incitations et normes en matière de capitaux — Les nouvelles normes de capitaux devraient encourager l’utilisation de opérations normalisées approuvées par des contreparties centrales et le Canada devrait coordonner la mise en œuvre de ces normes avec les autorités des autres pays.
  • Normalisation — Il devrait y avoir un effort concerté de normalisation des contrats de produits dérivés de gré à gré pour toutes les catégories d’actifs au Canada afin d’harmoniser la normalisation partout dans le monde selon les directives fournies par les normalisateurs internationaux.
  • Contreparties centrales et gestion des risques — L’industrie des produits dérivés devrait examiner soigneusement toutes les options possibles pour se garantir un accès à des services sécuritaires et efficaces de compensation centrale. Elle devrait notamment évaluer (i) l’établissement au Canada d’une contrepartie de compensation centrale dotée de liens convenablement sécurisés avec l’infrastructure internationale, et (ii) l’accès direct à des contreparties centrales œuvrant à l’échelle mondiale.
  • Référentiels d’opérations — Toutes les opérations sur des produits dérivés de gré à gré dont l’une des contreparties est canadienne devraient être notifiées à un référentiel d’opérations auquel les autorités canadiennes ont un accès adéquat. De même, les autorités canadiennes devraient avoir un accès adéquat aux données relatives aux opérations sur des produits dérivés de gré à gré quant aux entités canadiennes, quel que soit l’emplacement géographique des contreparties.
  • Lieux de négociation — Afin de promouvoir la transparence et l’efficacité du marché, les autorités locales devraient encourager la migration des opérations normalisées sur des produits dérivés de gré à gré vers des plateformes de négociation électroniques ou des bourses, le cas échéant. Les autorités canadiennes évalueront les modèles et suggestions que leur soumet l’industrie pour assurer un degré adéquat de transparence des opérations conclues à l’extérieur d’un lieu de négociation publique. Tous les acteurs de marché devraient pouvoir être informés des niveaux d’activité et des évaluations des opérations sur des produits dérivés de gré à gré.

Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières

Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont publié un document de consultation sur les produits dérivés de gré à gré daté du 2 novembre 2010 (document des ACVM). Le document des ACVM vise à établir diverses recommandations pour renforcer nos marchés financiers, gérer certains risques liés aux produits dérivés de gré à gré et mettre en œuvre les engagements dans le cadre du G-20 pris à Pittsburgh en 2009 et confirmés à Toronto en juin 2010. Le Comité des Autorités canadiennes en valeurs mobilières sur les produits dérivés (le comité) pose également certaines questions à l’industrie financière et au public sur les propositions suivantes :

  • Compensation — La compensation des produits dérivés de gré à gré qui sont jugés « compensables et susceptibles de compensation » (c.-à-d. normalisés) devrait être rendue obligatoire. Toutefois, ce ne sont pas tous les participants (comme les utilisateurs commerciaux non financiers et finaux) qui seraient assujettis à l’obligation de compensation. De plus amples informations et études sont nécessaires afin de déterminer le type de contrepartie centrale et son emplacement, notamment pour évaluer la nécessité de créer une contrepartie centrale canadienne plutôt que de s’appuyer sur une contrepartie centrale internationale.
  • Référentiels d’opérations — La législation provinciale en valeurs mobilières devrait être modifiée de manière à obliger les contreparties canadiennes à déclarer toutes les opérations sur produits dérivés à un référentiel d’opérations. En ce qui concerne les opérations sur produits dérivés conclues entre un intermédiaire financier et un intermédiaire non financier, il est recommandé que les intermédiaires financiers aient l’obligation de déclarer l’opération (à moins qu’elle ne soit compensée, auquel cas la contrepartie centrale pertinente sera tenue de la déclarer à un référentiel d’opérations ou agira à titre de référentiel d’opérations). Dans le cas d’opérations entre deux intermédiaires financiers non compensées, chaque intermédiaire financier devrait être tenu de les déclarer. De nouvelles études sont nécessaires quant à la propriété des données compilées dans le référentiel, aux mesures de protection dans l’échange de données entre des parties potentiellement en conflit d’intérêts, à la publication de données (le cas échéant) et à la protection de l’information ou des stratégies confidentielles ou sensibles.
  • Négociation électronique — Les organismes de réglementation provinciaux en valeurs mobilières devraient imposer la négociation électronique des produits dérivés de gré à gré, mais seulement pour les produits négociables sur une plateforme de négociation organisée (c.-à-d. normalisée et suffisamment liquide) et qui présentent un risque systémique pour le marché.
  • Capitaux et garanties — Des exigences de capitaux et de garanties plus strictes devraient être adoptées pour les arrangements bilatéraux qui ne sont pas compensés par une contrepartie centrale comparativement aux opérations qui sont compensées par une contrepartie centrale, sous réserve de certaines exceptions, comme les utilisateurs finaux dont l’utilisation des produits dérivés de gré à gré se limite à couvrir des risques liés à leurs activités commerciales et n’augmente pas le risque systémique pour le marché. Le comité reconnaît qu’il sera difficile de préciser le concept de couverture et d’établir si le recours aux produits dérivés de gré à gré a accru le risque systémique pour le marché.
  • Application — Les organismes de réglementation provinciaux devraient obtenir le pouvoir de surveiller les marchés des produits dérivés de gré à gré, d’établir des normes rigoureuses de conduite sur le marché, de faire enquête sur les pratiques abusives et de sanctionner ces pratiques.

Cadre réglementaire ontarien proposé pour les produits dérivés

Comme nous l’avons mentionné dans un article connexe, la Loi de 2010 sur l’aide aux familles ontariennes et la gestion responsable (Ontario) (projet de loi 135) a reçu la sanction royale le 8 décembre 2010. L’annexe 18 du projet de loi 135 a modifié la Loi sur les valeurs mobilières de l’Ontario pour traiter de cinq questions différentes, notamment l’établissement d’un cadre réglementaire pour la négociation des produits dérivés en Ontario (le « cadre réglementaire pour les produits dérivés »). Toutes les modifications prévues dans le projet de loi 135 sont entrées en vigueur le 8 décembre 2010, sauf celles mettant en œuvre le cadre réglementaire pour les produits dérivés. Ces modifications n’entreront en vigueur qu’à la date à laquelle elles seront proclamées en vigueur par le lieutenant-gouverneur de l’Ontario.

Tout comme le cadre réglementaire qui régit la négociation de valeurs mobilières, le cadre réglementaire pour les produits dérivés comprend des exigences d’inscription des courtiers et des conseillers et une exigence de document d’information. Les exigences d’inscription des courtiers et des conseillers obligeront toute personne ou société qui exerce ou indique qu’elle exerce des activités liées à la négociation des produits dérivés ou qui fournit des conseils sur l’achat ou la vente de produits dérivés, à s’inscrire dans la catégorie appropriée, soit courtier ou conseiller, à moins que les activités de négociation ou de conseil puissent être menées en vertu d’une dispense de ces exigences. Le cadre réglementaire pour les produits dérivés comprend une dispense de l’exigence d’inscription des courtiers pour les personnes ou sociétés qui négocient certaines catégories de produits dérivés prescrites par règlement.

L’exigence de document d’information empêchera toute personne ou société de négocier un produit dérivé particulier, à moins que le document d’information prescrit ait été déposé et accepté par la CVMO, puis livré conformément aux règlements qui n’ont pas encore été édictés.

Dans le cadre réglementaire pour les produits dérivés, la définition de l’expression « produit dérivé » est assez large et comprend les options, les swaps, les contrats à terme, les contrats à terme de gré à gré ou les autres contrats financiers ou de marchandise dont le prix du marché, la valeur, les obligations de livraison, les obligations de paiement ou les obligations de règlement sont tirés d’un intérêt sous-jacent, fondés sur celui-ci ou y font référence, notamment une valeur, un prix, un taux, une variable, un indice, un événement, une probabilité ou une chose. Sont expressément exclus de la définition de « produit dérivé » les contrats à terme sur marchandises et les options sur contrats à terme sur marchandises négociés en bourse assujettis à la Loi sur la vente à terme sur marchandises (Ontario). Aux fins de l’exigence de document d’information du cadre réglementaire pour les produits dérivés, l’expression « produit dérivé désigné » est définie de sorte que sont inclus les produits dérivés qui :

  • sont des produits dérivés désignés en raison d’une ordonnance de la CVMO;
  • appartiennent à une catégorie de produits dérivés prescrite par règlement.

Compte tenu de la publication récente du document des ACVM et de la demande du comité d’envoyer des commentaires avant le 14 janvier 2011, l’arrivée du projet de loi 135 (pour ce qui est de la réglementation des produits dérivés de gré à gré) est assez surprenante. Toutefois, puisque les modifications portant sur l’établissement du cadre réglementaire pour les produits dérivés ne sont pas encore en vigueur, l’industrie financière et les autorités de réglementation ont encore le temps d’évaluer ces questions, non seulement par rapport au Canada, mais aussi par rapport au monde entier, afin de s’assurer que les efforts sont coordonnés parmi les pays du G-20.

Réglementation actuelle sur les produits dérivés

La Loi sur les instruments dérivés du Québec, qui est entrée en vigueur le 1er février 2009, offre un cadre réglementaire pour l’offre de produits dérivés et la prestation de services de négociation et de conseil visant les produits dérivés distinct de la Loi sur les valeurs mobilières du Québec, mais géré par la même autorité de réglementation, soit l’Autorité des marchés financiers. La Loi sur les instruments dérivés du Québec prévoit une dispense de ses exigences d’information et d’inscription pour le marché institutionnel des produits dérivés de gré à gré en dispensant l’offre de produits dérivés ou les services de négociation ou de conseil visant les produits dérivés avec des « contreparties qualifiées ».

Les produits dérivés sont inclus dans la définition de « valeurs mobilières » dans la législation sur les valeurs mobilières de plusieurs provinces, notamment la Colombie-Britannique, l’Alberta et le Manitoba (les « provinces de l’ouest ») et, par conséquent, ils sont régis comme des valeurs mobilières en vertu de cette législation provinciale sur les valeurs mobilières. Comme le Québec, les provinces de l’ouest ont choisi de ne pas réglementer les opérations touchant des produits dérivés de gré à gré sur le marché institutionnel en fournissant une ordonnance-cadre offrant une dispense des exigences d’inscription des courtiers et des exigences de prospectus si les opérations sont conclues par des « parties admissibles » (qualified parties).

Veuillez consulter notre article de novembre 2008, « Québec adopte la Loi sur les instruments dérivés et publie un projet de règlement d'application », et notre bulletin juridique d'août 2009, qui porte en partie sur la Loi sur les instruments dérivés du Québec.

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