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Projet de loi no 60 au Québec : De nouvelles règles visant les cartes de paiement, les garanties prolongées et les contrats de services à long terme

Au Québec, le projet de loi no 60, Loi modifiant la Loi sur la protection du consommateur et d’autres dispositions législatives, met en place, dans le but de limiter certaines pratiques considérées comme abusives, un nouveau cadre réglementaire pour trois types de contrats : les contrats à exécution successive de service fourni à distance (comme les contrats de téléphonie cellulaire); les contrats de garantie prolongée; et les contrats d’achat de cartes prépayées (cartes cadeaux). Le projet de loi prévoit également une série de modifications spécifiques affectant le droit de modifier les contrats, de prévoir des dommages fixes en cas d’inexécution et d’annoncer les prix. Le projet de loi no 60 devait entrer en vigueur, au plus tard, le 30 juin 2010.

Contrats à exécution successive de service fourni à distance

Le nom quelque peu déroutant donné à cette nouvelle catégorie de contrats de consommation dans les modifications semble volontairement vouloir dissimuler l’intention expresse du législateur de réglementer les contrats de téléphonie cellulaire et de câblodistribution. Une législation directe ciblant ce type de contrats outrepasserait vraisemblablement les pouvoirs constitutionnels d’un gouvernement provincial; toutefois, il est clair que le gouvernement provincial était résolu à légiférer dans ce secteur et qu’il a pu le faire en choisissant de cibler un large éventail de contrats. Le fait de définir aussi largement cette catégorie de contrats a deux effets notables : i) le gouvernement provincial peut ainsi prétendre qu’en réglementant de telles questions, il n’empiète uniquement que de manière accessoire sur la compétence fédérale; et ii) de telles dispositions toucheront probablement un éventail beaucoup plus étendu de contrats que prévu.

Ces modifications visent principalement à éviter les cas considérés comme abusifs et résultant de contrats à long terme dans l’industrie de la téléphonie cellulaire et de la câblodistribution. Ces modifications font en sorte que les consommateurs auront le droit de résilier de tels contrats moyennant un avis et sans devoir payer des pénalités élevées ou des coûts liés à la fourniture d’un équipement reçu « en prime ». Le législateur souhaitait également une communication plus transparente des conditions et des restrictions d’utilisation des services fournis en vertu de tels contrats.

Les modifications apportées en vertu de la Loi sur la protection du consommateur (LPC) à de tels contrats comprennent notamment les exigences suivantes :

  • une communication claire des tarifs mensuels, du coût des services optionnels, du montant total des mensualités, des restrictions d’utilisation des services, des limites géographiques de l’utilisation, des services offerts moyennant des frais supplémentaires, des bénéfices économiques consentis par le commerçant, de la valeur totale de ces bénéfices économiques, de la méthode suivant laquelle le consommateur peut annuler ou résilier le contrat et, finalement, les coûts connexes;
  • une interdiction de renouvellement automatique pour une durée fixe si la durée initiale du contrat est supérieure à 60 jours et une communication obligatoire au consommateur de la date d’extinction du contrat; et
  • la possibilité pour le consommateur de résilier le contrat moyennant un avis et une limitation ou une diminution des frais de résiliation.

Étant donné qu’un nombre croissant de contrats de services, incluant notamment les abonnements aux journaux en ligne, sont maintenant administrés à distance, il sera important pour les commerçants d’examiner attentivement ces modifications et leur incidence possible sur leurs contrats. Il est possible que le législateur ait touché, par ces dispositions, un éventail de contrats beaucoup plus étendu que prévu, notamment ceux qui vont au-delà de sa compétence législative.

Modifications unilatérales

La modification unilatérale d’un contrat de consommation sera maintenant interdite à moins que le contrat n’en prévoit expressément la possibilité, que le consommateur ne reçoive un préavis de 30 jours selon la forme exigée et qu’au cours de cette période, le consommateur puisse annuler ou résilier le contrat sans frais ni pénalité. Le droit de modifier unilatéralement un contrat à durée déterminée est aussi interdit si cette modification touche un élément essentiel du contrat, notamment la nature ou le prix des biens ou services. De même, des limites sont imposées aux droits des commerçants de résilier unilatéralement des contrats à durée déterminée, un préavis de 60 jours étant exigé dans le cas de contrats d’une durée indéterminée. Certaines entreprises devront peut-être modifier le langage utilisé sur leur site Web puisque plusieurs contrats disponibles sur Internet prévoyaient un droit de modification unilatérale.

Prix annoncé

Dans la publicité qui fait état du prix de biens, le prix annoncé devra maintenant faire transparaître le total des sommes que le consommateur doit débourser pour les biens (sans les taxes). En vertu de ces modifications apportées à la LPC, les commerçants devront donc inclure les frais afférents et les suppléments dans le prix annoncé des biens . De plus, le prix total devra plus en évidence que les sommes dont il est composé. Ainsi, si une bouteille de boisson gazeuse coûte 1,00 $, et qu’il y a une consigne de 0,05 $ ainsi qu’une taxe de 0,15 $, le prix annoncé devra être de 1,05 $ et ce prix total se devra d’être plus en évidence que les sommes dont il est composé (y compris, par exemple, une réduction de 20 % du prix offerte pendant une vente promotionnelle). Ces modifications auront une incidence importante sur la publicité et la promotion des biens de consommation et devraient être lues en relation avec les autres exigences en matière de divulgation de la LPC qui s’appliquent aux sites Web propices au commerce électronique.

Contrats de vente d’une garantie prolongée

Les consommateurs qui achètent des biens au Québec bénéficient déjà de plusieurs niveaux de protection juridique contre les vices de fabrication et de conception. Le Code civil du Québec impose une responsabilité stricte aux fabricants; la plupart du temps ceux-ci fournissent également une garantie contractuelle (qui peut parfois constituer une tentative visant à limiter les garanties prévues par la loi); la LPC prévoit des garanties étendues en ce qui concerne la durabilité et la convenance à un usage particulier; de plus, le consommateur qui achète des biens au moyen d’une carte de crédit peut encore bénéficier d’un autre niveau de protection offert par l’émetteur de la carte.

Par exemple, il est relativement courant pour les vendeurs dans les magasins de produits électroniques au Québec d’encourager les consommateurs à se procurer des « garanties prolongées » sur les produits électroniques. Dans certains cas, ces garanties prolongées accordent peu ou pas de protection supplémentaire. Le législateur semble avoir jugé que les consommateurs ne connaissent pas suffisamment le degré de protection auquel ils ont droit et que, par conséquent, ils pourraient être tentés de payer un prix trop élevé pour des « contrats de garantie prolongée ». Par conséquent, la LPC a été modifiée afin que les commerçants soient tenus, avant même de leur offrir un contrat de garantie prolongée, d’informer les consommateurs oralement et par écrit, de l’existence et de la nature des garanties légales dont ils disposent en vertu de la LPC et de l’existence et de la durée de toute garantie du fabricant.

Même si la règlementation régissant cette divulgation n’était pas encore entrée en vigueur au moment d’écrire cet article, il semble que l’imposition de cette obligation de divulgation onéreuse soit conçue pour décourager la vente de telles garanties.

Cartes cadeaux

Des groupes de consommateurs ont signalé plusieurs cas qu’ils considèrent comme des abus découlant de la vente de cartes prépayées ou de cartes cadeaux. Ces cas comprennent notamment : i) des frais non entièrement communiqués qui doivent être payés pour l’émission ou l’activation d’une carte cadeau et qui se traduisent par des frais de crédit cachés ou plus élevés; ii) l’impossibilité d’obtenir le remboursement des soldes inutilisés, ce qui peut entraîner soit une dépense excédentaire, soit la perte du solde inutilisé par le consommateur; et iii) la non-communication des dates de péremption, ce qui peut faire en sorte que des consommateurs perdent des montants auxquels ils croyaient avoir droit.

Pour éliminer ces situations, les modifications apportées à la LPC exigent que le commerçant fournisse par écrit l’information relative aux conditions d’utilisation des cartes prépayées et qu’il explique aux acheteurs la procédure à suivre pour en connaître le solde. De plus, les cartes prépayées ne pourront avoir une date de péremption sauf dans le cas où le contrat d’achat prévoit une utilisation illimitée d’un service. En outre, à moins qu’une réglementation particulière ne l’autorise, aucuns frais ne pourront être réclamés pour la délivrance d’une carte prépayée. Les commerçants devront aussi permettre aux consommateurs d’obtenir le remboursement des soldes inutilisés des cartes prépayées lorsque le solde est inférieur au montant ou à un pourcentage du montant fixé par règlement. Selon les ébauches du règlement publiées par le ministère de la Justice, ce montant sera probablement fixé à 5,00 $.

Il est important de noter qu’en vertu de la LPC, la définition d’une carte prépayée comprend « un certificat cadeau, une carte cadeau ou tout instrument d’échange analogue permettant au consommateur de se procurer un bien ou un service disponible chez un ou plusieurs commerçants ». Cette définition très étendue ne permet pas d’établir clairement si les cartes prépayées englobent de nombreux autres produits comme les chèques de voyage, lesquels pourraient être en violation des nouvelles restrictions imposées à de tels instruments de paiement.

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