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Pfizer tenue de verser à Apotex des dommages-intérêts au titre de l’article 8 : montant à déterminer

Dans un jugement rendu le 10 mai 2013, le juge O’Reilly de la Cour fédérale du Canada (Cour fédérale) a accueilli la demande d’Apotex à l’encontre de Pfizer relativement à des dommages-intérêts au titre de l’article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) du Canada. La question à savoir si Apotex pouvait validement demander des dommages-intérêts était l’unique question dont la Cour fédérale était saisie. Le montant doit être déterminé dans le cadre d’une procédure ultérieure. Se reporter à Apotex v. Pfizer Canada Inc., 2013 FC 493 pour lire le texte intégral de la décision (en anglais seulement).

La demande de dommages-intérêts au titre de l’article 8 découle d’une procédure d’interdiction refusée. Au début de 2000, Apotex a demandé l’approbation de sa version générique de ZITHROMAX (azithromycine), un important médicament anti-infectieux commercialisé par Pfizer. En réaction à cette demande, Pfizer a présenté une requête visant à interdire à Apotex de pénétrer le marché. Apotex a prétendu que sa version générique du médicament ne contreferait pas le brevet de Pfizer. La juge Snider, en accord avec Apotex, a rejeté la requête de Pfizer.

L’article 8 prévoit essentiellement la responsabilité pour dommages-intérêts lorsque la procédure d’interdiction échoue. Toutefois, un défendeur dans le cadre d’une action aux termes de l’article 8 peut alléguer que les dommages-intérêts auraient été réduits ou supprimés du fait que le fabricant de produits génériques demandeur aurait contrefait le brevet si la procédure d’interdiction refusée n’avait pas été instituée. Cet argument a été soulevé par Pfizer en l’espèce, mais sans succès.

Cette décision soulève les trois points de droit intéressants suivants :

Premièrement, le juge O’Reilly a examiné la question à savoir si l’interprétation antérieure du brevet de la juge Snider le liait même si elle a été faite dans le contexte d’une procédure d’interdiction et qu’un dossier de la preuve indépendant avait été présenté à la Cour fédérale dans le cadre de l’action au titre de l’article 8. Le juge O’Reilly a conclu que l’interprétation était exécutoire en fonction de la doctrine de stare decisis et qu’aucun motif ne permettait d’en déroger. Étant donné que des arguments de contrefaçon et de validité concluants sont souvent fondés sur une interprétation convaincante, cette décision et les motifs à l’appui de celle-ci démontrent toute l’importance de formuler, d’appuyer et de présenter la meilleure interprétation possible des revendications dans le cadre d’une procédure d’interdiction.

Deuxièmement, le juge O’Reilly a examiné la question à savoir si l’avis d’allégation qui constituait l’élément fondamental de la procédure d’interdiction précédente [traduction] « définissait toujours les questions » aux termes de l’article 8. Contrairement à l’idée générale dans le secteur, la Cour fédérale a conclu que l’article 8 ne crée pas un droit d’action indépendant entièrement distinct de la procédure d’interdiction. Plus particulièrement, la Cour fédérale a également conclu que de nouvelles allégations d’absence de contrefaçon et d’invalidité (nouvelles puisqu’elles ne figuraient pas dans l’avis d’allégation) ne s’appliquent pas aux fins de l’article 8. Par conséquent, étant donné qu’Apotex n’avait pas allégué l’invalidité dans son avis d’allégation (conformément aux meilleures pratiques selon certains fabricants de produits génériques et leurs conseillers juridiques), la Cour fédérale a refusé de recevoir les présentations d’Apotex au sujet de l’invalidité du brevet de Pfizer au procès. Cette décision signifie que non seulement l’avis d’allégation aura des répercussions importantes sur la procédure d’interdiction, mais que nécessairement il influencera et restreindra également les arguments dans le cadre de procédures subséquentes au titre de l’article 8.

Troisièmement, le juge O’Reilly a rejeté l’argument d’Apotex selon lequel certains tests effectués par Pfizer avant le procès étaient inadmissibles puisqu’Apotex n’avait pas eu la chance de les observer. Le juge O’Reilly a fait une distinction par rapport à la jurisprudence invoquée par Apotex (p. ex., Omark Industries (1960) Ltd. v Gouger Saw Chain Co. (1964)) sur le fondement qu’elle se rapportait à des tests effectués au moment du procès et non avant le procès. Le juge O’Reilly a conclu que l’incapacité d’Apotex d’observer les tests n’avait pas d’influence sur l’admissibilité de cette preuve, mais qu’elle pouvait avoir une influence sur son importance.

Pfizer a le droit d’en appeler de la décision. Il sera intéressant de voir l’évolution de ces décisions à l’avenir.

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