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Pénalités pour production tardive pour les sociétés non résidentes

Le 11 juin 2010, la Cour d’appel fédérale, dans l’affaire Exida.com Ltd. Liability Co. c. Sa majesté la Reine (2010 DTC 6935), a statué à l’égard de deux décisions conflictuelles rendues par la Cour canadienne de l’impôt visant à déterminer si une société non résidente n’ayant aucun impôt payable en vertu de la LIR peut être assujettie à une pénalité pour production tardive pour avoir omis de produire une déclaration de revenus dans les délais prescrits par la LIR. La Cour canadienne de l’impôt dans l’affaire Exida (2009 DTC 1278) a conclu qu’une société non résidente peut être assujettie à une pénalité en vertu du paragraphe 162(2.1) de la LIR pour une telle omission. Cette décision est contraire à une décision précédente rendue par la Cour canadienne de l’impôt dans l’affaire Goar, Allison & Associates Inc. c. Sa majesté la Reine (2009 DTC 1125), dans le cadre de laquelle la Cour avait tiré une conclusion tout à fait contraire.

Exida.com était une S.A.R.L. exerçant ses activités au Canada et n’ayant pas produit de déclaration de revenus à la date d’échéance pour ses années d’imposition 2003, 2004 et 2005. La société n’avait aucun impôt payable pour ces années. La question soulevée dans cette affaire visait à déterminer si Exida.com était assujettie aux pénalités en vertu des paragraphes 162(1), 162(2.1) et 162(7) de la LIR.

Le paragraphe 162(1) prévoit ce qui suit :

162(1) Toute personne qui ne produit pas de déclaration de revenus pour une année d’imposition selon les modalités et dans le délai prévus au paragraphe 150(1) est passible d’une pénalité égale au total des montants suivants :

  1. 5 % de l’impôt payable pour l’année en vertu de la présente partie qui était impayé à la date où, au plus tard, la déclaration devait être produite; et
  2. le produit de 1 % de cet impôt impayé par le nombre de mois entiers, jusqu’à concurrence de 12, compris dans la période commençant à la date où, au plus tard, la déclaration devait être produite et se terminant le jour où la déclaration est effectivement produite.

Le paragraphe 162(2.1) prévoit ce qui suit :

162(2.1) Malgré les paragraphes (1) et (2), la pénalité dont une société non résidente est passible pour défaut de produire une déclaration de revenus pour une année d’imposition aux termes de ces paragraphes correspond au plus élevé des montants suivants :

  1. le montant déterminé selon les paragraphes (1) ou (2), selon le cas; et
  2. le plus élevé des montants suivants : i) 100 $, ou ii) le produit de 25 $ par le nombre de jours, jusqu’à concurrence de 100, depuis le jour où la déclaration devait être produite jusqu’au jour où elle est produite.

Le paragraphe 162(7) prévoit ce qui suit :

162(7) Toute personne (sauf un organisme de bienfaisance enregistré) ou société de personnes qui ne remplit pas une déclaration de renseignements selon les modalités et dans le délai prévus par la présente loi ou le Règlement de l’impôt sur le revenu ou qui ne se conforme pas à une obligation imposée par la présente loi ou ce règlement est passible pour chaque défaut, sauf si une autre disposition de la présente loi (sauf les paragraphes (10) et (10.1) et 163 (2.22)) prévoit une pénalité pour le défaut d’une pénalité égale, sans être inférieure à 100 $, au produit de la multiplication de 25 $ par le nombre de jours, jusqu’à concurrence de 100 $, où le défaut persiste.

Étant donné que la pénalité prévue au paragraphe 162(1) est calculée en tenant compte du montant de l’impôt payable par le contribuable et que Exida.com n’avait aucun impôt payable pour les années d’imposition en question, cette dernière a fait valoir qu’aucune pénalité n’est exigible en vertu du paragraphe 162(2.1) compte tenu du fait que la condition préalable à l’application du paragraphe 162(2.1) est que la société non résidente est passible d’une pénalité en vertu des paragraphes (1) ou (2). Autrement dit, pour que le paragraphe 162(2.1) s’applique, Exida.com doit avoir un impôt payable pour les années d’imposition en question. Cet argument correspondait à la décision rendue dans l’affaire Goar, aux termes de laquelle le juge Miller a conclu qu’une personne n’est pas passible d’une pénalité en vertu du paragraphe 162(1), à moins qu’un impôt n’était payable par cette personne à l’égard d’une année d’imposition donnée.

À la Cour canadienne de l’impôt, la juge Woods a conclu que l’expression « passible d’une pénalité » prévue au paragraphe 162(2.1) comprend les circonstances dans lesquelles la société non résidente peut être « passible d’une pénalité » en vertu du paragraphe 162(1), et non seulement des circonstances dans lesquelles un montant positif peut être calculé aux termes des alinéas 162(1) a) et b). En rendant sa décision, elle a effectué une analyse textuelle, contextuelle et téléologique de l’interprétation du paragraphe 162(2.1). Elle a conclu que le mot « passible » peut avoir un sens très large et se définit en partie comme étant « responsable en droit » ou « tenu ou obligé de par la loi ou l’équité » et que, compte tenu de l’historique législatif et du contexte, il était clair que le paragraphe 162(2.1) devrait s’appliquer dans cette circonstance.

La Cour d’appel fédérale, dans une décision unanime, a adhéré à l’interprétation de la décision rendue par le juge Miller dans l’affaire Goar à l’égard de l’interprétation et de l’interaction appropriées des paragraphes 162(1) et 162(2.1) : à moins qu’il n’y ait un impôt payable à l’égard d’une année d’imposition donnée, la société non résidente n’est pas « passible d’une pénalité » en vertu du paragraphe 162(1) afin de déterminer si une pénalité est exigible en vertu du paragraphe 162(2.1). La Cour a manifesté son désaccord avec la juge Woods et a affirmé que l’approche textuelle, contextuelle et téléologique en matière d’interprétation législative ne peut donner aux dispositions législatives un sens qu’elles n’ont pas. Selon la Cour, le fait qu’aucune disposition de la loi ne prévoit une pénalité dans les cas où la société non résidente n’avait aucun impôt payable constituait une erreur de rédaction fondamentale à laquelle il était impossible de remédier en recourant à l’interprétation téléologique des dispositions en question.

Toutefois, la Cour a également conclu que l’alinéa 162(7)b) s’appliquait afin d’imposer une pénalité à une société non résidente dans des cas où aucun impôt n’est payable à l’égard d’une année d’imposition donnée. Contrairement à la décision rendue par la juge Woods selon laquelle le paragraphe 162(1) « prévoyait » une pénalité si aucune déclaration n’était produite, peu importe si la pénalité totalisait un montant nul, et que l’alinéa 162(7)b) n’était pas applicable, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’aucune pénalité n’était prévue dans la LIR pour avoir omis de produire une déclaration de revenus dans les cas où la société non résidente n’avait aucun impôt payable à l’égard d’une année d’imposition donnée, et que par conséquent, l’alinéa 162(7)b) s’appliquait. Il est également intéressant de noter que la Cour d’appel fédérale a adhéré à la décision du juge Miller dans l’affaire Goar selon laquelle l’alinéa 162(7)a) ne s’appliquait pas, étant donné que la déclaration de revenus ne constituait pas une déclaration de renseignements. Dans l’affaire Goar, la Cour ne s’est pas penchée sur l’applicabilité de l’alinéa 162(7)b).

En résumé, une société non résidente qui omet de produire une déclaration de revenus dans les délais prescrits à l’égard d’une année d’imposition donnée au cours de laquelle aucun impôt n’est payable sera assujettie à une pénalité en vertu du paragraphe 162(7). La pénalité maximale prévue aux termes du paragraphe 162(7) s’élève à 2 500 $ pour chaque déclaration de revenus non produite dans les délais impartis.