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Les conventions d’arbitrage sont-elles toujours obligatoires? La Cour suprême du Canada permet des exceptions à une convention d’arbitrage obligatoire dans l’affaire Seidel c. TELUS Communications

Les conventions d’arbitrage obligatoires permettent-elles d’empêcher les clients des provinces et des territoires de common law d’intenter des recours collectifs? Dans les motifs rendus en mars 2011, une faible majorité des juges de la Cour suprême du Canada a exprimé des préoccupations quant à l’accès à la justice qu’offre l’arbitrage privé et a conclu, dans le cadre d’un recours collectif envisagé, qu’une convention d’arbitrage obligatoire dans un contrat de consommation était inopposable pour ce qui est des droits et des avantages conférés par la législation sur la protection du consommateur, mais opposable pour ce qui est des autres réclamations. L’opinion dissidente a conclu que l’ensemble du litige devait se régler par voie d’arbitrage, conformément à la convention d’arbitrage obligatoire conclue par les parties, et que l’accès à la justice est entièrement préservé dans un arbitrage privé.

Faits

Mme Seidel a conclu un contrat de consommation type avec Telus pour un service de téléphonie cellulaire prévoyant des modalités exigeant que tout litige entre les parties devait être réglé par voie d’arbitrage et confirmant qu’elle renonçait à son droit de participer à des recours collectifs.

Malgré la clause d’arbitrage obligatoire, Mme Seidel a engagé un recours collectif contre Telus parce que Telus lui aurait illégalement facturé du temps alors que son téléphone n’était pas branché au réseau cellulaire. Elle a invoqué diverses causes d’action, y compris la violation de la législation sur la protection du consommateur de la Colombie-Britannique (maintenant appelée Business Practices and Consumer Protection Act (Loi )).

Telus a demandé la suspension du recours collectif en se fondant sur la Loi sur l’arbitrage commercial et sur les décisions rendues récemment par la Cour suprême du Canada dans les affaires Dell Computer Corp. c. Union des consommateurs (Dell) et Rogers Sans-fil inc. c. Muroff (Rogers), deux recours collectifs portant sur des contrats de consommation. Dans ces affaires, la Cour a suspendu les recours collectifs et a renvoyé les parties en arbitrage au motif que les droits procéduraux, dans la législation sur les recours collectifs, n’ont pas d’incidence sur les droits substantiels des parties dans une convention d’arbitrage. Les deux affaires provenaient de la province de Québec.

À la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, en se fondant sur les affaires Dell et Rogers, le recours collectif envisagé de Mme Seidel a été suspendu au profit de l’arbitrage obligatoire.

Tous les juges de la Cour suprême du Canada ont convenu que la question clé dans cette affaire était l’accès à la justice et visait à déterminer si l’arbitrage privé pouvait ou non servir à cette fin.

Le ton des motifs invoqués par les juges majoritaires était hostile à l’égard de l’arbitrage privé. Les juges majoritaires ont confirmé que, en général, les conventions d’arbitrage entre les parties doivent être appliquées en l’absence d’une législation expresse limitant les conventions d’arbitrage. Toutefois, la Loi conférait des droits qui ne pouvaient être protégés dans le cadre d’un arbitrage privé et les parties ne pouvaient se soustraire à ces droits. Les juges majoritaires ont distingué les causes Dell et Rogers de la présente cause, puisqu’il n’existait aucune loi semblable à la Loi en vigueur au Québec au moment où ces décisions ont été rendues.

Les juges minoritaires ont été critiques à l’égard de l’hostilité dont faisaient preuve les juges majoritaires envers l’arbitrage privé et ont conclu que la justice, y compris les recours que faisait valoir Mme Seidel en vertu de la Loi, pouvait être obtenue grâce à l’arbitrage privé.

Remarques de McCarthy Tétrault

La décision Seidel c. TELUS fournit des lignes directrices sur l’opposabilité des dispositions en matière d’arbitrage obligatoire comprises dans des contrats de consommation dans le cadre d’un recours collectif et illustre le point de vue divisé de la Cour à l’égard de l’arbitrage privé.

Par exemple, en Ontario, au Québec et en Alberta, il existe une loi sur la protection du consommateur qui interdit expressément les conventions d’arbitrage ainsi que les clauses de renonciation aux recours collectifs dans les contrats de consommation. Cependant, dans certaines provinces comme en Colombie-Britannique où il n’existe pas de telle loi, ces dispositions en matière d’arbitrage peuvent être opposables même dans le cadre d’un recours collectif envisagé, sauf à l’égard de certaines réclamations plutôt limitées en matière de consommation.

L’hostilité manifestée par les juges majoritaires à l’égard de l’arbitrage privé, qui a été critiquée dans les motifs des juges minoritaires, pourra être plus amplement explorée dans les jugements que rendra la Cour dans l’avenir. Pour le moment, les dispositions en matière d’arbitrage obligatoire demeurent un outil utile et important pour plusieurs demandeurs, à quelques exceptions près.

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