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Le Gouvernement du Québec dépose son projet de loi sur les hydrocarbures

Le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles du Québec, M. Pierre Arcand (le « ministre »), a présenté le 7 juin 2016 à l’Assemblée nationale le Projet de loi n° 106, la Loi concernant la mise en œuvre de la Politique énergétique 2030 et modifiant diverses dispositions législatives. Ce projet de loi inclut notamment la nouvelle Loi sur les hydrocarbures (le « projet de loi »), en remplacement des dispositions existantes de la Loi sur les mines (RLRQ c M-13.1) qui encadrent présentement les activités de développement et de mise en valeur des hydrocarbures au Québec.

Le projet de loi était attendu depuis plusieurs mois et modifierait de façon important le cadre juridique application au développement et à la production d’hydrocarbures au Québec. Il a pour but de régir le développement des hydrocarbures au Québec tout en assurant la sécurité des personnes et des biens, la protection de l’environnement et la récupération optimale de la ressource. Le projet de loi vise également à s’assurer que ces travaux soient en conformité avec les cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre établies par le Gouvernement du Québec.

Phase exploratoire

Si le projet de loi était adopté tel que déposé, une licence d’exploration, d’une durée initiale de cinq ans, serait désormais requise pour les travaux de recherche d’hydrocarbures ou de réservoirs souterrains. Ces licences seraient attribuées par adjudication, au moment et aux conditions qui seront déterminés par règlement. Le ministre ne serait pas tenu d’attribuer de licence aux termes de ce processus de mise aux enchères. Ce nouveau processus d’adjudication constitue un changement majeur par rapport au régime actuel.

Une licence d’exploration donnerait à son titulaire le droit (i) de rechercher des hydrocarbures ou un réservoir souterrain sur le territoire visé par la licence; et (ii) d’extraire des hydrocarbures et d’en disposer ou d’utiliser un réservoir souterrain pour une période d’essai. Ces travaux devront toutefois être réalisés en conformité avec les conditions convenues entre le ministre et le titulaire de la licence ou qui seront prévues par règlement. Ainsi, le ministre pourrait par exemple assortir la licence de conditions visant à éviter les conflits avec d’autres utilisations du territoire.

Le titulaire d’une licence d’exploration devra constituer un comité de suivi visant à favoriser l’implication de la communauté locale sur l’ensemble du projet d’exploration, le tout dans les 30 jours suivant l’attribution de la licence. Le projet de loi va ainsi plus loin que la Loi sur les mines, en vertu de laquelle un comité de suivi n’est formé qu’à la suite de la délivrance du bail minier autorisant la phase d’exploitation. En vertu du projet de loi, ce comité devrait être maintenu pour la durée de la licence si aucun forage n’est effectué ou jusqu’à l’exécution complète des travaux prévus au plan de fermeture définitive de puits et de restauration du site.

Le titulaire d’une licence d’exploration aurait droit d’accès au territoire qui en fait l’objet. Cependant, lorsque la licence est attribuée à l’égard d’une terre privée ou louée par l’État, l’autorisation écrite du propriétaire ou du locataire devra être obtenue au moins 30 jours avant d’y accéder. À défaut d’entente, le projet de loi n’accorderait pas de droits d’expropriation au titulaire de la licence d’exploration.

Le titulaire de la licence serait par ailleurs assujetti à diverses exigences annuelles, notamment la réalisation de travaux minimums déterminés par règlement, la soumission de rapports au ministre portant sur tels travaux pour l’année précédente et le paiement de droits annuels, qui seront précisés par règlement.

Le titulaire serait tenu d’informer le ministre de toute découverte importante et de toute découverte exploitable d’hydrocarbures. Dans ce dernier cas, le titulaire devrait présenter un projet de production d’hydrocarbures à la Régie de l’énergie (la « Régie ») et demander, dans les quatre ans suivant sa découverte, une licence de production au ministre, à défaut de quoi le ministre pourrait révoquer la licence d’exploration, sans indemnité, et procéder à l’adjudication d’une licence de production pour le territoire visé par cette révocation.

Les licences d’exploration seront renouvelables pour les périodes et aux conditions qui seront déterminées par règlement.

Phase de production

Afin d’entreprendre la production ou le stockage d’hydrocarbures, le titulaire d’une licence d’exploration devrait :

  • soumettre son projet à la Régie et obtenir une décision favorable de cette autorité;
  • obtenir une autorisation du Gouvernement du Québec en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement suite à la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement;
  • obtenir une licence de production ou de stockage du ministre.

Le projet de loi prévoit également que le ministre pourrait attribuer par mise aux enchères une licence de production ou de stockage sur un territoire ne faisant plus l’objet d’aucune licence d’exploration.

Toute modification au projet de production d’hydrocarbures devra être soumise à la Régie, qui devra procéder à un nouvel examen du projet dans la mesure où la modification demandée est jugée substantielle.

Le projet de loi conférerait ainsi à la Régie un nouveau rôle crucial à l’égard des projets de production ou de stockage d’hydrocarbures au Québec.

En vertu du projet de loi, la licence de production donnerait à son titulaire le droit de produire des hydrocarbures sur le territoire visé par telle licence. Cette licence aurait une durée de 20 ans et, comme pour les licences d’exploration, serait assujettie aux conditions convenues entre le ministre et le titulaire ou prévues par règlement. Le ministre pourrait également y inclure des conditions visant à éviter les conflits avec d’autres utilisations du territoire ainsi que celles proposées par la Régie.

Comme pour les licences d’exploration, le titulaire d’une licence de production aurait droit d’accès au territoire qui en fait l’objet. Cependant, lorsque la licence est attribuée à l’égard d’une terre privée ou louée par l’État, l’autorisation écrite du propriétaire ou du locataire devra être obtenue au moins 30 jours avant d’y accéder. À la différence des licences d’exploration, cependant, le projet de loi accorderait au titulaire d’une licence de production le pouvoir d’acquérir par expropriation les droits réels ou les biens requis pour la production des hydrocarbures à défaut d’entente avec le propriétaire ou le locataire.

Le projet de loi prévoit par ailleurs que le Gouvernement du Québec peut exiger la maximisation des retombées économiques en territoire québécois de la production des hydrocarbures, pour des motifs raisonnables, et ce, tant au moment de l’attribution que du renouvellement d’une licence de production. Notons que des dispositions similaires ont été prévues à la Loi sur les mines au cours des dernières années.

En vertu de projet de loi, le titulaire d’une licence de production devra notamment soumettre au ministre des rapports mensuels indiquant la quantité d’hydrocarbures extraits au cours du mois précédent, de même que des rapports annuels sur ses activités. Le titulaire devra également verser les redevances exigibles pour des activités de production de même que des droits annuels, qui seront déterminés par règlement. Un comité de suivi devra également être mis sur pied par le titulaire, s’il ne l’a pas déjà été dans le cadre d’une licence d’exploration.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit plusieurs exigences relatives à l’obtention de permis, d’autorisations ou de licences applicables à diverses activités en lien avec les hydrocarbures, notamment pour la réalisation de travaux de levés géophysiques ou géochimiques, de sondages stratigraphiques, de forage, de complétion et de réentrée, ainsi que des travaux d’entretien majeurs dans un puits.

En outre, le projet de loi interdit le raccordement d’un puits à un réseau de distribution ou de transport d’hydrocarbures ou à certaines installations au moyen d’une canalisation, à moins d’être titulaire d’une autorisation de raccordement. Une décision favorable de la Régie et un certificat d’autorisation émis en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement seraient requis pour la délivrance d’une telle autorisation.

Phase de fermeture

Le titulaire d’une licence qui demanderait une autorisation de forage devrait soumettre au ministre, pour approbation, un plan de fermeture définitive de puits et de restauration de site. Le titulaire devrait également remettre avec le plan une garantie correspondant aux coûts anticipés des travaux qui y sont prévus et ces travaux devraient commencer dans les six mois suivant la cessation des activités.

En cas de cessation temporaire ou définitive de ses activités, le titulaire d’une licence devra procéder à la fermeture du puits et obtenir une autorisation de ministre à cet égard. Cette autorisation sera sujette à diverses conditions qui seront prévues par règlement, dont notamment la réalisation des travaux prévus au plan de fermeture. Une attestation d’un expert en environnement devra également être transmise au ministre suite à la réalisation de ces travaux afin de confirmer qu’ils ont été réalisés conformément aux exigences du plan.

Obligation en matière de sécurité et responsabilité sans égard à la faute

Le projet de loi exigerait des titulaires d’une licence qu’ils récupèrent les hydrocarbures de manière « optimale » en utilisant les meilleures pratiques généralement reconnues afin d’assurer notamment la sécurité et la protection de l’environnement ainsi que la récupération optimale de la ressource. Le ministre aurait le pouvoir d’exiger du titulaire qu’il justifie la technique utilisée, d’effectuer une étude pour l’évaluer et même d’enjoindre le titulaire de prendre les mesures nécessaires pour remédier à une situation pouvant compromettre telle récupération optimale. Le défaut du titulaire de s’y conformer pourrait entraîner la suspension de ses activités.

Le projet de loi établirait également un régime de responsabilité sans égard à la faute, qui s’appliquerait au titulaire d’une licence ou d’une autorisation de raccordement afin d’indemniser toute personne pour un préjudice causé par le fait ou à l’occasion des activités du titulaires, incluant la perte de valeur de non-usage liée aux ressources publiques.

Ce régime de responsabilité demeurerait applicable même en cas de force majeure, mais telle responsabilité serait limitée par règlement. Le titulaire devrait par ailleurs fournir au gouvernement la preuve de sa solvabilité pour ce montant déterminé par règlement.

Cette limite de responsabilité ne s’appliquerait toutefois pas en cas de faute commise par le titulaire d’une licence ou d’une autorisation ou ses sous-contractants ou préposés dans l’exécution de leurs fonctions.

Notons que le projet de loi instaurerait un régime de sanctions administratives pécuniaires dont les montants varieraient de 500 $ à 10 000 $ par manquement prévu à la Loi sur les hydrocarbures. Le ministre se verrait également attribuer divers pouvoirs administratifs et réglementaires en lien avec la production des hydrocarbures, incluant le pouvoir de suspendre ou révoquer une licence ou une autorisation dans certaines circonstances ou d’exiger la réalisation de certains travaux.

En cas d’infraction aux exigences qui y sont prévues, le projet de loi prévoit également la possibilité d’amendes d’un montant maximal de 6 000 000 $ en cas de première infraction et d’au plus 18 000 000 $ en cas de récidive multiple.

Divulgation d’information

Le projet de loi prévoit que les renseignements transmis au ministre par un titulaire d’une licence à la suite de levés ou de sondages deviendraient publics cinq ans après l’achèvement des travaux alors que ceux transmis à la suite du forage d’un puits le deviendraient deux ans après la date de fermeture définitive du puits visé.

Enfin, notons que le projet de loi prévoit la création d’un registre public des droits réels et immobiliers relatifs aux hydrocarbures où seraient notamment inscrits les droits réels immobiliers et les autorisations octroyés en vertu du projet de loi ainsi que tout plan de fermeture et de restauration.

Dispositions transitoires

Les divers permis et autorisations délivrés en vertu de la Loi sur les mines et qui seront valides au jour de l’entrée en vigueur du projet de loi seront réputés avoir été délivrés en fonction des nouvelles dispositions de la Loi sur les hydrocarbures pour la durée non écoulée de ces permis et les demandes pendantes de tels permis et autorisations émis en vertu de la Loi sur les mines seront continuées et décidées conformément à ces nouvelles dispositions.

Prochaines étapes

Le projet de loi a été soumis aux membres de l’Assemblée nationale pour étude le 7 juin 2016 et, compte tenu de l’importance de la réforme proposée, fera prochainement l’objet de consultations en commission parlementaire et pourrait faire l’objet de divers amendements.

L’équipe spécialisée dans le secteur des hydrocarbures de McCarthy Tétrault continuera de suivre de près l’évolution de ce projet de loi, qui pourrait avoir un impact significatif sur les réalisations des projets d’exploration et de production des hydrocarbures au Québec.

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