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Le Bureau de la concurrence publie son programme de clémence définitif

En septembre 2010, le Bureau de la concurrence a publié la version définitive de son bulletin intitulé Le Programme de clémence, après une série de consultations publiques qui ont suivi la publication de deux ébauches. Le Programme de clémence se veut un complément au Programme d’immunité du Bureau, qui décrit les conditions que doit remplir la première personne qui communique avec le Bureau au sujet d’une infraction criminelle en matière de cartel et le processus qu’elle doit suivre pour obtenir la pleine immunité contre les poursuites à cet égard. Le Programme de clémence devrait être lu de concert avec le document intitulé Foire aux questions qui apporte un supplément d'information sur différents aspects du programme.

Aux termes du Programme de clémence, le Bureau peut recommander aux procureurs du Service des poursuites pénales du Canada (le « SPPC ») — qui est l’organisme gouvernemental fédéral responsable de l’exercice des poursuites intentées en vertu des dispositions sur les infractions criminelles en matière de cartel — d’accorder un traitement de clémence aux particuliers ou aux organisations commerciales qui coopèrent à une enquête du Bureau mais qui ne sont pas admissibles à l’immunité parce qu’ils ne sont pas les premiers à se manifester dans le cadre de l’enquête.

Le Programme de clémence pose certaines conditions que doivent remplir les particuliers ou les organisations commerciales pour être admissibles à la clémence. Ainsi, un particulier ou une organisation commerciale doit :

  • avoir mis fin à sa participation à l’activité illégale;
  • coopérer complètement et rapidement à l’enquête du Bureau et à toute poursuite ultérieure intentée à l’encontre d’autres participants au cartel;
  • accepter de plaider coupable.

Les demandeurs de clémence qui remplissent les conditions ci-dessus peuvent bénéficier d’avantages appréciables :

  • Le premier demandeur de clémence peut obtenir une réduction de 50 % de l’amende qui aurait par ailleurs été recommandée par le Bureau. De plus, aucune accusation ne sera portée à l’encontre de ses administrateurs, dirigeants ou employés actuels, pourvu que ceux-ci coopèrent à l’enquête.
  • Le deuxième demandeur peut obtenir une réduction de 30 % de l’amende que le Bureau aurait par ailleurs recommandée; ses administrateurs, dirigeants, employés et agents peuvent faire l’objet d’accusations, tout dépendant de leur rôle dans l’infraction.
  • Les demandeurs suivants peuvent toujours bénéficier d’une réduction de l’amende, qui sera établie au cas par cas; la réduction dépendra d’une part du moment où un demandeur s’adresse au Bureau et d’autre part de la diligence de sa coopération.

Les pourcentages fixes de réduction des amendes pour les premier et deuxième demandeurs de clémence constituent une amélioration par rapport aux ébauches antérieures du programme, qui prévoyaient que le premier et le deuxième demandeurs étaient admissibles à une réduction « allant jusqu’à » 50 % et 30 % de l’amende respectivement, au gré du Bureau, le taux de réduction maximal étant recommandé uniquement si la « collaboration était exemplaire ».

Le Programme de clémence prévoit par ailleurs que les amendes recommandées seront établies de la façon suivante :

  • Le Bureau établira tout d’abord le niveau de référence de la peine en utilisant habituellement comme indice un facteur de 20 % du volume touché du commerce au Canada du demandeur de clémence, pour tenir compte de la majoration des prix attribuable à l'activité de cartel et produire un effet dissuasif. Exceptionnellement, le Bureau acceptera d’examiner des éléments de preuve qui démontrent une moindre majoration des prix.
  • L’indice de 20 %  sera majoré ou réduit selon la présence de facteurs aggravants ou atténuants.
  • Le rabais de clémence (p. ex., 50 % pour le premier demandeur) est appliqué après que l’indice de 20 % a été majoré ou réduit en fonction des facteurs aggravants ou atténuants.

Si un demandeur de clémence apporte des preuves d’activités de cartel dont le Bureau ignorait l’existence, il peut être admissible au Programme d’immunité plus. Par exemple, la société ABC n’est pas la première à divulguer l’existence d’un cartel par rapport au produit A, mais elle fournit des renseignements sur des activités de cartel touchant le produit B dont le Bureau ignorait l’existence. En échange de sa collaboration, la société ABC se verra accorder l’immunité à l’égard de l’infraction touchant le produit B et bénéficiera d’une réduction supplémentaire de l’amende recommandée à l’égard du produit A, allant de 5 à 10 %.

La modification la plus importante contenue dans la version définitive du Programme de clémence touche le processus de clémence. Aux termes de la première ébauche publiée en 2008, le Bureau ne soumettait au SPPC ses recommandations concernant la peine à infliger que si le demandeur de clémence avait divulgué tous les renseignements et documents non privilégiés pertinents qu’il possédait et que le Bureau avait interrogé ses administrateurs, dirigeants et employés. Une organisation commerciale sollicitant un traitement de clémence aurait donc dû fournir tous les éléments de preuve pertinents avant de connaître les avantages réels liés à sa collaboration. Cette incertitude a été éliminée : dans sa version définitive, le Programme de clémence prévoit qu’un demandeur n’est tenu de faire une divulgation complète qu’après la conclusion de la transaction pénale avec le SPPC. La transaction pénale présente la description de la conduite illégale, des produits et de la période visés ainsi que la peine que le SPPC recommandera au tribunal.

Le processus du Programme de clémence est semblable à celui du Programme d’immunité :

  • Le demandeur doit tout d’abord présenter une demande de « signet » pour déterminer si un traitement de clémence peut être octroyé à l’égard des produits touchés par les activités de cartel. À l’étape de la demande de signet, l’information peut être fournie à titre hypothétique. Si le demandeur est admissible à la clémence, le Bureau le renseignera sur sa place dans la file d’attente des détenteurs de signets (c.-à-d., premier arrivé, deuxième, etc.).
  • Si le signet est octroyé, le demandeur, par l’entremise de son conseiller juridique, présente l’information. Il doit notamment révéler son identité et décrire, toujours à titre hypothétique, l’activité criminelle en cause. Aux termes du Programme de clémence, après avoir obtenu un signet, le demandeur dispose de 30 jours pour compléter sa présentation de l’information.
  • Le Bureau présente sa recommandation de clémence au SPPC, qui entreprendra des discussions avec le demandeur de clémence au sujet du plaidoyer.
  • Une fois la transaction pénale conclue, le demandeur de clémence doit coopérer entièrement à l’enquête (notamment en fournissant tous les documents pertinents et en prenant les dispositions nécessaires pour que les personnes visées par la transaction participent à des entrevues) et plaider coupable devant le tribunal.

Comme le Programme d’immunité, le Programme de clémence du Bureau offre des avantages appréciables aux participants à des cartels qui décident de coopérer à une enquête. Ces avantages ne sont cependant offerts qu’aux sociétés qui réagissent rapidement et qui communiquent avec le Bureau avant les autres participants. Les deux programmes soulignent l’importance de la mise en place par les entreprises d’un programme d’observation qui non seulement réduit le risque que des employés se livrent à des activités anticoncurrentielles, mais permet aussi de déceler rapidement les activités pouvant contrevenir à la Loi sur la concurrence et de les signaler.

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