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La politique relative à l’utilisation des ordinateurs de l’employeur justifie un congédiement motivé

Une politique bien rédigée relative à l’utilisation des ordinateurs peut être invoquée à l’appui d’un congédiement motivé et peut protéger un employeur contre les plaintes de harcèlement, comme l’illustre une affaire récente.

La situation est courante en milieu de travail : un employé reçoit par courriel une blague ou une photo d’un collègue et réachemine le message à d’autres collègues, à des amis d’autres organismes et à des parents susceptibles de le trouver drôle. En quelques minutes, un cyber réseau complet est créé au fur et à mesure que le message est diffusé.

Parfois le message est inoffensif, par exemple de belles images ou des expressions drôles. Le message peut en revanche avoir quelquefois un caractère raciste, sexiste ou pornographique.

Dans la plupart des organismes, lorsque les employés utilisent des ordinateurs pour leur travail, les employeurs rédigent et appliquent des politiques sur l’utilisation des ordinateurs personnels qui limitent l’utilisation des ordinateurs à des fins personnelles et en interdisent l’utilisation inappropriée. La décision de la Cour d’appel de l’Alberta dans Poliquin v. Devon Canada Corporation souligne l’importance pour les employeurs d’adopter et d’appliquer ces politiques.

L’affaire Devon

M. Poliquin était un employé de longue date chez Devon et avait la charge de superviser d’autres employés.

Devon avait un Code de conduite qui comprenait une disposition sur l’utilisation appropriée des ordinateurs. La société permettait aux employés d’utiliser ses ordinateurs à des fins personnelles limitées, et précisait que le réseau « ne devait pas servir à l’envoi par courriel de messages ou de pièces jointes pornographiques, obscènes, inappropriées ou par ailleurs inadmissibles ». Poliquin a reconnu avoir lu, compris et accepté les conditions du Code de conduite.

Poliquin a contrevenu à plusieurs reprises à la politique sur l’utilisation des ordinateurs en envoyant des courriels à caractère pornographique, raciste ou discriminatoire. Hormis ces incidents, il était considéré comme un bon employé et obtenait des évaluations de rendement positives et des notes de rendement exemplaires.

Devon l’a néanmoins congédié pour un motif valable et la Cour d’appel a confirmé cette décision.

Même si cette décision portait techniquement sur la question de savoir si un jugement sommaire était approprié dans les circonstances, le tribunal a fait certaines observations importantes sur les limites de la vie privée des employés en milieu de travail et sur le droit des employeurs de surveiller l’utilisation des ordinateurs. La cour écrit : [traduction] « le milieu de travail n’est pas le domicile de l’employé; les employés ne doivent pas raisonnablement avoir une attente en matière de vie privée dans leurs ordinateurs en milieu de travail ».

Le tribunal a par ailleurs expressément reconnu le droit de l’employeur d’établir des normes éthiques, professionnelles et opérationnelles dans le milieu de travail. Il a indiqué que l’abstention d’appliquer une politique raisonnable sur l’utilisation des ordinateurs peut avoir des ramifications extrêmes qui peuvent même s’étendre au-delà des murs de l’organisme. Une mauvaise utilisation de la part d’un employé du réseau informatique de l’employeur pour accéder à des documents inappropriés ou pour recevoir et diffuser ce genre de documents pourrait :

  • compromettre la réputation de l’employeur dans la collectivité, étant donné que les courriels envoyés depuis les ordinateurs de travail portent souvent la signature de l’organisme et peuvent être considérés comme envoyés pour le compte de l’organisme;
  • avoir des effets défavorables dans le milieu de travail;
  • diminuer la productivité de l’employé visé;
  • exposer l’employeur à des poursuites judiciaires pour ne pas avoir protégé ses employés contre le harcèlement ou la discrimination; et
  • introduire des vers et des virus [traduction] « par l’accès inapproprié à des sites Web pornographiques ou racistes, ou la réception de documents corrompus téléchargés de ces sites Web ».

Compte tenu de ces risques importants, le tribunal a conclu [traduction] qu’« un employeur a le droit non seulement d’interdire l’utilisation de son équipement et de ses réseaux à des fins pornographiques ou racistes, mais aussi de surveiller l’usage qu’un employé fait de l’équipement et des ressources de l’employeur à cette fin ».

Conseils à l’intention des employeurs

L’affaire Devon est une mine de précieux conseils et de citations pour les employeurs de la province d’Alberta. Elle appuie clairement le droit de l’employeur de gérer le milieu de travail et d’appliquer des politiques raisonnables. Les employeurs devraient :

  • instaurer une politique précise et complète relative à l’utilisation des ordinateurs qui fixe les usages permis et proscrits des réseaux informatiques en milieu de travail. Si un employeur ne souhaite pas qu’un employé ait une attente raisonnable en matière de vie privée à l’égard des données trouvées dans un ordinateur ou dans le réseau de l’employeur, il doit le déclarer clairement dans la politique. Cette politique, à l’instar de toutes les politiques, doit être soigneusement rédigée et ultérieurement révisée pour en garantir l’applicabilité et la validité continues;
  • veiller à ce que tous les employés reçoivent des exemplaires de la politique et reconnaissent l’avoir reçue, lue et comprise;
  • envoyer des rappels périodiques des conditions de la politique; notamment exiger des employés qu’ils cliquent une « case d’acceptation » avant de pouvoir ouvrir une session à l’ordinateur;
  • faire un suivi régulier de la conformité à la politique;
  • appliquer à tous les employés, y compris les superviseurs, les mêmes normes et s’attendre à ce qu’ils adhèrent tous à la politique; et
  • ne pas prendre à la légère quelque manquement à la politique.

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