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La Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation entre en vigueur

Introduction

Au terme d’un parcours qui s’est étiré sur plus de deux ans et demi au Parlement, la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation (LCSPC) est maintenant en vigueur. Cette loi aura d’importantes répercussions sur les activités de toutes les entreprises faisant partie de la chaîne d’approvisionnement en produits de consommation, notamment les importateurs, les fabricants, les distributeurs et les détaillants. Ce point de droit résume ces développements et met en lumière les questions qui devraient recevoir une attention particulière de la part des entreprises assujetties à ce nouveau régime.

La LCSPC en bref

Jusqu’à maintenant, la Loi sur les produits dangereux de 1985 (LPD) servait de principal fondement législatif, relativement bienveillant, à un régime de sécurité et de protection des consommateurs au Canada. La LPD établit un régime permissif, qui autorise le lancement et le commerce de produits sur le marché canadien, à moins qu’ils ne soient spécifiquement réglementés ou interdits. La LPD ne confère au gouvernement qu’un pouvoir limité d’intervention et de contrôle de la production et de la distribution de biens de consommation. Par exemple, la LPD ne confère pas au gouvernement le pouvoir d’ordonner un rappel de produits. La LPD repose plutôt en grande partie sur l’approche volontaire du secteur, en ce qui concerne le rappel de produits et les questions connexes, de crainte de possibles conséquences juridiques ou en matière de réputation.

La LCSPC change dramatiquement la donne, en introduisant un nouveau régime réglementaire exhaustif visant les produits de consommation. Administrée par Santé Canada et par le ministre de la Santé, la LCSPC met en place une série de pouvoirs de réglementation destinés à cibler l’éventail complet de la chaîne d’approvisionnement de produits de consommation, depuis les fabricants et les importateurs, jusqu’aux distributeurs et aux détaillants. Elle prévoit une interdiction générale des produits qui présentent un danger déraisonnable pour les consommateurs. La LCSPC instaure en outre les rappels ordonnés par le gouvernement, le signalement obligatoire d’incidents et le pouvoir du gouvernement d’exiger l’essai de produits, entre autres choses. Contrairement à la LPD, il s’agit d’un régime réglementaire proactif pouvant avoir une incidence sur les diverses étapes du développement de produits de consommation et sur le secteur du marketing, qui était auparavant soustrait à ce genre d’intervention réglementaire.

Interdictions générales et particulières en vertu de la LCSPC

La LCSPC se donne pour objectif de « protéger le public en remédiant au danger pour la santé ou la sécurité humaines que présentent les produits de consommation qui se trouvent au Canada, notamment ceux qui y circulent et ceux qui y sont importés, et en prévenant ce danger ». D’abord et avant tout, la LCSPC tente d’y parvenir en établissant l’interdiction générale de fabriquer, d’importer ou de vendre tout « produit de consommation » qui « présente un danger pour la santé ou la sécurité humaines », ou d’en faire la publicité.

  • « Produit de consommation » est défini de façon large comme un « produit — y compris tout composant, partie ou accessoire de celui-ci — dont on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’un individu l’obtienne en vue d’une utilisation à des fins non commerciales, notamment à des fins domestiques, récréatives ou sportives. Est assimilé à un tel produit son emballage ».
  • De même, « danger pour la santé ou la sécurité humaines » est défini de façon large comme « tout risque déraisonnable — existant ou éventuel — qu’un produit de consommation présente au cours ou par suite de son utilisation normale ou prévisible et qui est susceptible de causer la mort d’une personne qui y est exposée ou d’avoir des effets négatifs sur sa santé — notamment en lui causant des blessures —, même si son effet sur l’intégrité physique ou la santé n’est pas immédiat. Est notamment visée toute exposition à un produit de consommation susceptible d’avoir des effets négatifs à long terme sur la santé humaine ».

La LCSPC interdit également ce qui suit :

  • la distribution de produits de consommation qui sont visés par un rappel en vertu de la Loi;
  • la publicité, l’emballage ou l’étiquetage d’un produit de consommation d’une manière « susceptible de créer une fausse impression quant au fait qu’il ne présente pas de danger pour la santé ou la sécurité humaines »; et
  • la fabrication, l’importation, la publicité ou la vente de tout produit de consommation figurant dans une liste précise, notamment des biberons de polycarbonate qui contiennent du bisphénol A.

Ordres de rappels relatifs aux produits

La LCSPC augmente considérablement la capacité du gouvernement à réagir à des risques perçus pour la santé et la sécurité des consommateurs, par la prise des mesures suivantes :

  • la LCSPC autorise le ministre à ordonner à la personne qui fabrique, importe ou vend un produit de consommation à des fins commerciales d’en faire le rappel, s’il a des motifs raisonnables de croire que le produit présente un danger pour la santé ou la sécurité humaines;
  • lorsqu’un rappel est ordonné, le ministre peut également ordonner de cesser la fabrication, l’importation, l’emballage, l’entreposage, la publicité, la vente, l’étiquetage, la mise à l’essai ou le transport du produit ou de cesser d’en faire;
  • en cas de non-respect de la LCSPC, le ministre peut prendre « toute mesure concernant le produit qu’il estime nécessaire afin de rendre celui-ci conforme aux exigences prévues par règlement ou afin de remédier au danger pour la santé ou la sécurité humaines qu’il présente ou de prévenir ce danger ».

Le ministre peut également ordonner à tout fabricant ou importateur d’effectuer des essais sur un produit de consommation, de lui communiquer tout document contenant des renseignements sur ces essais et de compiler tout renseignement que le ministre estime nécessaire pour vérifier le respect de la LCSPC. Ces ordres n’ont pas à être liés à un ordre de rappel ou à un ordre d’arrêt de fabrication, et peuvent être émis chaque fois que le ministre estime ces essais « nécessaires » pour vérifier le respect de la LCSPC.

Demandes de révision d’un ordre

La LCSPC accorde aux entités assujetties aux articles 31 et 32 le droit de demander une révision d’un ordre « sur des questions de fait ou des questions mixtes de fait et de droit ».

La demande doit être déposée auprès du ministre dans les sept jours suivant la date de la communication de l’ordre. Cependant, le délai peut être inférieur, moyennant que l’ordre comporte un libellé précis à cet effet, « en cas de danger pour la santé ou la sécurité humaines qui est grave et imminent ». La LCSPC prévoit qu’aucune révision ne sera autorisée lorsque la demande est considérée comme « frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise foi ».

Une révision doit être effectuée dans les 30 jours suivant la demande, bien que la période de révision puisse être prolongée de 30 jours, lorsque le réviseur estime qu’il ne pourra terminer la révision dans le délai prévu.

Obligations imposées aux entreprises — signalement d’incidents et conservation de documents

La LCSPC impose plusieurs nouvelles obligations importantes aux entreprises faisant partie de la chaîne d’approvisionnement en produits de consommation.

Plus particulièrement, lorsqu’il se produit un « incident », toute personne qui fabrique, importe ou vend tout produit de consommation à des fins commerciales a l’obligation positive de communiquer au ministre et, le cas échéant, à la personne de qui elle a obtenu le produit, « tout renseignement relevant d’elle concernant un incident lié au produit ». Cela doit se faire dans les deux jours suivant la date où l’incident est venu à sa connaissance.

Il importe de noter qu’un « incident » est défini de façon large comme :

  • un événement ou une défectuosité susceptible d’avoir des effets négatifs graves sur la santé;
  • l’inexactitude ou l’insuffisance des renseignements sur l’étiquette ou dans les instructions qui est susceptible d’avoir des effets négatifs graves sur la santé; et
  • un rappel fait, ou une mesure de sécurité prise par un gouvernement étranger ou un organisme public connexe.

Le fabricant du produit en cause ou, si celui-ci exerce ses activités à l’extérieur du Canada, l’importateur, doit fournir au ministre un rapport écrit contenant « des renseignements concernant l’incident, le produit, tout produit qu’il fabrique ou importe, selon le cas, qui pourrait, à sa connaissance, être impliqué dans un incident semblable et toute mesure visant ces produits dont il propose la prise ». Ce rapport doit être rédigé dans les dix jours suivant la date où l’incident est venu à sa connaissance ou dans le délai que le ministre précise.

Ces obligations précises relativement à des incidents s’ajoutent à l’obligation générale imposée par la LCSPC aux personnes qui fabriquent, importent ou vendent des produits ou en font la publicité, de tenir des documents indiquant le nom de la personne de qui elles ont obtenu les produits et le nom de la personne à laquelle elles les ont vendus. Dans le cas d’un détaillant, le document doit également indiquer les lieux où il les a vendus et la période pendant laquelle il les a vendus. Ces documents doivent être conservés pendant une période de six ans suivant la fin de l’année qu’ils visent. De plus, ces documents doivent être conservés au Canada, sauf dans les cas où le ministre a accordé une exemption.

Communication de renseignements commerciaux confidentiels par le gouvernement, sans consentement

La LCSPC accorde au ministre le pouvoir inhabituel de communiquer des renseignements commerciaux confidentiels, et ce, dans certaines circonstances :

  • Le ministre peut communiquer des renseignements commerciaux confidentiels se rapportant à l’entreprise d’une personne sans obtenir son consentement et sans l’aviser au préalable, si les renseignements sont relatifs à tout produit de consommation qui présente un danger pour la santé ou la sécurité humaines, si « le danger est grave et imminent ». Le cas échéant, le ministre doit en aviser la personne en cause au plus tard le premier jour ouvrable suivant la communication.
  • Le ministre peut également communiquer des renseignements commerciaux confidentiels en tout temps, sans égard au danger pour la santé et la sécurité humaines, dans les cas où la communication est faite à un organisme gouvernemental exerçant des fonctions relatives à la protection de la santé ou de la sécurité humaines ou de l’environnement, et que cet organisme convient par écrit d’assurer la confidentialité des renseignements. Le cas échéant, le ministre n’est apparemment pas dans l’obligation d’aviser l’entreprise ou la personne en cause de la communication de ces renseignements.

Responsabilité criminelle et civile en vertu de la LCSPC

Le respect de la LCSPC est favorisé par la mise en place d’un système à plusieurs niveaux d’infractions, d’amendes et de sanctions pécuniaires importantes, qui ont été grandement étendues par rapport à ce qui figurait dans la LPD :

  • la violation de certaines dispositions de la LCSPC peut entraîner l’imposition d’une amende pouvant atteindre 5 000 000 $, ou d’un emprisonnement maximal de deux ans, ou les deux;
  • la violation de certaines autres dispositions de la LCSPC, ou les violations commises sciemment ou par insouciance, peuvent entraîner l’imposition d’une amende dont le montant est laissé à la discrétion du tribunal, ou d’une peine d’emprisonnement maximale de 5 ans, ou les deux.

D’autres sanctions pécuniaires peuvent être imposées en cas de violation relative à des rappels ou à des mesures connexes ordonnées par le ministre, en vertu des articles 31 ou 32 de la LCSPC. Le montant exact de ces amendes sera précisé par le règlement d’application de la LCSPC, mais il est plafonné à 25 000 $.

Analyse et conclusion

La LCSPC vise à moderniser le régime de sécurité entourant les produits de consommation au Canada, en l’harmonisant avec des régimes de réglementation semblables qui sont actuellement en vigueur aux États-Unis et dans l’Union européenne. À ce titre, le nouveau régime procure au gouvernement la capacité d’intervenir dans de nombreux aspects de la chaîne d’approvisionnement en produits de consommation qui étaient auparavant soustraits à ce genre d’intervention réglementaire directe.

De plus, la LCSPC met en place un barème d’amendes considérablement affermi, visant à dissuader de façon active la non-conformité. Il est probable que les entreprises qui comptent un marché d’exportation aux États-Unis depuis longtemps soient plus familières avec cette situation que les entreprises dont les clients sont tous au pays, particulièrement en ce qui a trait aux exigences en matière de signalement obligatoire. Cependant, l’entrée en vigueur de la LCSPC nécessitera une période d’importants ajustements pour la plupart des entreprises concernées.

Ces ajustements seront accompagnés d’une période d’incertitude réglementaire. La LCSPC accorde au gouvernement un large éventail de pouvoirs qui ne sont pas tous clairement définis. Le préambule de la LCSPC reconnaît que « l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard la prise de mesures visant à prévenir des effets négatifs sur la santé humaine qui pourraient être graves ou irréversibles ». Cela laisse beaucoup de marge de manœuvre au gouvernement pour contrôler les menaces appréhendées à la santé ou la sécurité des consommateurs, même en l’absence de preuve tangible à cet égard. Il importe également de noter que les notions de « produits de consommation » et de « danger pour la santé et la sécurité humaines », qui sont largement définies dans la LCSPC, s’allient pour créer une grande interdiction générale dont la portée ultime sera probablement laissée à l’appréciation des juges.

Enfin, il importe de souligner certaines idiosyncrasies et ambiguïtés de la LCSPC. Par exemple, même si la LCSPC prévoit expressément la révision des ordres de rappel et des ordres de cessation de fabrication, elle ne semble pas prévoir le même droit de recours en ce qui concerne les ordres relatifs à la tenue d’essais ou d’études. De même, la LCSPC est muette quant aux recours possibles pour les entreprises concernées, advenant que le ministre exerce indûment ses pouvoirs de communication, à l’égard des renseignements commerciaux confidentiels et des dommages matériels ou des autres pertes commerciales qui pourraient en résulter.

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