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La Cour refuse d’étendre la protection des marques de commerce aux extensions de fichier

Dans Autodesk, Inc. c. Dassault Systèmes Solidworks Corporation, la Cour de district des États-Unis pour le district nord de la Californie a récemment examiné la question à savoir si les extensions de fichier informatique ont droit à la protection des marques de commerce.

Les extensions de fichier sont les suffixes des noms de fichier informatique, qui comprennent généralement trois ou quatre caractères. Elles ont comme but principal d’aider les ordinateurs à identifier le type de contenu qui se trouve dans un fichier informatique.

Dans la présente affaire, les deux parties produisent des logiciels pour la conception et le dessin bidimensionnel et tridimensionnel. La demanderesse, Autodesk, Inc., produit un logiciel appelé AutoCAD, qui utilise des fichiers avec l’extension « .dwg ». La défenderesse, Dassault, a publié divers produits en association avec ses propres marques de commerce qui intégraient le morphème « DWG » et elle commercialisait un logiciel qui utilisait ou décompilait le format de fichier .dwg d’Autodesk.

Autodesk a poursuivi Dassault en contrefaçon de marque de commerce aux termes de la loi intitulée Lanham Act (la loi des États-Unis sur les marques de commerce) et une gamme d’autres causes d’action, y compris la concurrence déloyale, la fausse appellation d’origine, des pratiques anticoncurrentielles ou trompeuses, et de la publicité fausse, trompeuse et mensongère. Autodesk a affirmé que Dassault avait plagié la marque d’Autodesk, DWG. Dassault a fait valoir que le morphème DWG était fonctionnel ou générique et n’avait donc pas droit à la protection des marques de commerce. Les deux parties ont présenté diverses requêtes pour jugement sommaire. L’une des grandes questions dont la Cour a été saisie visait à savoir si Autodesk détenait une marque de commerce valide en common law à l’égard de DWG.

Lors des requêtes pour jugement sommaire, Autodesk a expressément renoncé à toute prétention contre l’emploi de .dwg comme extension de fichier et n’a demandé la protection des marques de commerce qu’à l’égard de son utilisation comme mot servant de marque. Autodesk a plus particulièrement confirmé qu’elle ne cherchait qu’à obtenir l’usage exclusif de DWG dans des éléments matériels d’emballage, de publicité et de commercialisation. À l’audition, les conseillers juridiques d’Autodesk sont allés jusqu’à affirmer au tribunal que [traduction] « N’importe qui dans le monde a le droit d’utiliser DWG comme extension de fichier » et que certains produits concurrents sauvegardaient en fait des fichiers en tant que fichiers .dwg pour rendre ces fichiers interexploitables avec des produits AutoCAD.

Dans sa décision sur les requêtes, la Cour s’est rangée, en partie, du côté d’Autodesk. La Cour a conclu qu’en plus de l’usage fonctionnel, Autodesk avait fait un usage non fonctionnel de DWG (par exemple, dans ses noms de produits). La marque n’était donc pas invalide pour des motifs de fonctionnalité. Le juge a souligné qu’Autodesk avait expressément renoncé à la propriété de tout usage fonctionnel de DWG, y compris l’usage de DWG en tant qu’extension de fichier. Cette renonciation semble avoir pesé lourdement dans la décision de la Cour de ne pas déclarer la marque DWG invalide pour des motifs fonctionnels.

Après que la Cour a rendu sa décision sur les requêtes, Autodesk a tenté d’assortir sa renonciation de réserve, en prétendant qu’elle n’avait renoncé aux usages de .dwg en tant qu’extension de fichier que lorsque ces usages étaient nécessaires pour obtenir l’interopérabilité avec son format de fichier DWG. La Cour a rendu une autre décision, refusant de laisser Autodesk assortir sa renonciation de réserves. La Cour a conclu que la propriété des désignations d’extension de fichier ne pouvait être appropriée en vertu de la loi intitulée Lanham Act — les extensions de fichier sont intrinsèquement fonctionnelles, et les usages fonctionnels ne peuvent faire l’objet d’une marque de commerce. Elle a déclaré que les programmeurs en informatique et les utilisateurs d’ordinateurs devraient être libres de désigner les extensions de fichier comme ils le souhaitent, sans craindre de contrefaire des marques de commerce.

Le juge saisi des requêtes a de plus indiqué qu’à son avis l’objet de la loi intitulée Lanham Act est de s’attaquer à l’usage non autorisé d’une marque de commerce [traduction] « dans le cadre d’une opération commerciale dans laquelle la marque de commerce est utilisée pour désorienter d’éventuels clients ». En revanche, l’objet des extensions de fichier est d’indiquer à un ordinateur le type de fichier qui est traité. La Cour a souligné que [traduction] « l’ordinateur n’est pas un consommateur », et sa reconnaissance d’une extension de fichier ne se fait pas [traduction] « dans le cadre d’une opération commerciale ». En d’autres termes, l’ordinateur ne se préoccupe pas de la question de savoir qui a créé le format de fichier. Par conséquent, que ce soit pour les motifs qu’une extension de fichier sous-entend un « usage fonctionnel » ou un « usage hors-marque de commerce », la Cour a conclu qu’une extension de fichier ne peut en tant que telle être protégée en vertu des lois américaines sur les marques de commerce.

Dans sa décision, la Cour a bel et bien reconnu que les utilisateurs d’ordinateurs peuvent associer une extension de fichier en particulier à un fournisseur ou fabricant précis. Cependant, la Cour a conclu que cette association n’est qu’accessoire à la fonction principale des extensions de fichier, à savoir d’identifier un fichier ou un type de fichier. Quant à la question de savoir si le morphème DWG était générique, la Cour a refusé d’aborder la question dans un jugement sommaire puisqu’il y avait de réelles questions substantielles de faits en cause.

La veille du procès, les parties ont réglé le différend et dans le cadre du règlement, elles ont également convenu que DWG est une marque de commerce valide appartenant à Autodesk.

Remarques de McCarthy Tétrault

Bien que la Cour ait conclu qu’il n’y a aucun droit afférent à une marque de commerce qui soit opposable dans les extensions de fichier en tant que telles, les caractères propres à une extension de fichier peuvent être protégés en tant que mots servant de marque, par exemple, sur des usages dans des éléments matériels d’emballage, de publicité et de commercialisation d’un produit logiciel correspondant.

Au Canada, une demande d’Autodesk, Inc. récemment admise existe à l’égard du mot servant de marque DWG à des fins d’utilisation concernant [traduction] « des programmes d’ordinateurs et logiciels dans le domaine de la conception assistée par ordinateur et des manuels d’instructions vendus comme une unité ». Il serait intéressant de constater comment un tribunal canadien trancherait la question si Autodesk faisait valoir ses droits afférents à une marque de commerce contre l’usage de .dwg en tant qu’extension de fichier au Canada. Selon toute attente, un tribunal canadien ne protégerait pas le morphème DWG en tant que marque de commerce lorsqu’il sert d’extension de fichier puisque le contraire accorderait à Autodesk, Inc. un monopole sur des éléments fonctionnels de leurs produits, empêchant ainsi d’autres personnes de créer des fichiers informatiques qui pourraient fonctionner avec le logiciel d’Autodesk, Inc. Cela concorde avec la règle depuis longtemps reconnue au Canada que toute chose étant principalement fonctionnelle ne peut faire l’objet d’une protection par une marque de commerce.