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La Cour de justice de l’Ontario déclare qu’une simple permission d’utiliser une marque de commerce n’est pas assujettie à la loi sur la divulgation de l’information relative aux franchises

Dans un jugement récent, la Cour de justice de l’Ontario a statué qu’une simple permission d’utiliser une marque de commerce n’était pas assujettie à la loi sur la divulgation de l’information relative aux franchises (Ontario). Ce jugement fournit des indications aux sociétés qui veulent éviter que la Loi Arthur Wishart de 2000 sur la divulgation relative aux franchises de l’Ontario (la Loi) ne s’applique aux contrats de licence de leurs marques de commerce.

L’affaire MGDC Management Group c. Marilyn Monroe Estate, 2014 ONSC 4584 porte sur une demande en résiliation déposée en vertu de la Loi. Les licenciés exploitaient plusieurs restaurants thématiques inspirés de Marilyn Monroe dont ils utilisaient le nom en vertu d’une licence octroyée à cette fin par le concédant. Les licenciés ont argumenté que le contrat était un « contrat de franchisage » régi par la Loi et ont cherché à exercer leur droit statutaire de résiliation.

Le contrat de licence accordait aux licenciés le droit et l’autorisation personnels, incessibles et indivisibles d’utiliser la marque de commerce « Marilyn Monroe ». Il s’agissait du seul contrat du genre à avoir été jamais souscrit par le concédant. Ce fait n’est pas sans importance, puisque la Loi prévoit une disposition expresse de non-application qui soustrait de son champ d’application tout « arrangement découlant d’une entente conclue entre un concédant et un licencié unique pour accorder une licence d’utilisation d’une marque de commerce [particulière] […] dans les cas où cette licence est la seule de cette nature et de ce type qu’accorde le concédant à leur égard. » (disposition de non-application).

La Cour a reconnu que le fond devait l’emporter sur la forme quant à savoir si une convention est un contrat de franchisage au sens de la Loi. Autrement dit, le seul fait d’appeler l’accord un « contrat de licence » ne suffisait pas à trancher la question.

Toutefois, en examinant l’esprit de cette convention, la Cour a constaté qu’il était dénué des caractéristiques des contrats de franchisage et qu’il relevait plutôt de la disposition de non-application prévue dans la Loi. La Cour a aussi fait remarquer que la convention n’était qu’un simple contrat de licence, faute du « contrôle important » que confère habituellement un contrat de franchisage au concédant. Trois aspects du raisonnement de la Cour méritent d’être rappelés :

 a) D’abord, la Cour a reconnu qu’un contrat de licence investit forcément le concédant de certains droits de contrôle. Dans la mesure où l’objet et l’effet de ces dispositions de contrôle consistent à protéger l’intégrité de la marque de commerce, ils ne satisfont pas au critère de « contrôle important » prévu dans la définition statutaire de « contrat de franchisage ». Selon la Cour :

[traduction] Si le contrat de licence accorde différents droits au [concédant], qui lui permettent d’approuver et d’opposer son veto aux méthodes de conception et d’exploitation commerciale possiblement utilisées par les licenciés qui exploitent la marque de commerce, ces droits n’altèrent pas l’essence du contrat de licence en tant que contrat de licence de marque de commerce. Le [concédant] en tant que détenteurs de la marque de commerce ont cédé divers droits relativement aux […] activités commerciales afin de protéger l’intégrité de leur marque de commerce, mais à aucune autre fin que celle-là.

b) Ensuite, la Cour a souligné qu’aux termes du contrat de licence, les licenciés avaient la principale, sinon l’entière responsabilité de la conception et de l’exploitation des restaurants :

[traduction] En vertu du contrat de licence, les [licenciés] étaient tenus de créer et d’exploiter leurs restaurants, c’est-à-dire d’aménager et de décorer les lieux, d’assurer la qualité et l’uniformité des produits et services, de préparer les plats et les boissons, d’annoncer et de promouvoir les établissements, de choisir et de former leurs propres franchisés et de réaliser tous les examens et inspections des restaurants.

c) Finalement, la Cour a insisté sur le fait que le concédant n’avait pas contribué à l’exploitation des restaurants, sauf pour ce qui est de la marque de commerce (autrement dit, aucune « aide importante » n’a été prodiguée au sens où l’entend la Loi dans sa définition du terme « franchise ») :

[traduction] Le dossier ne contient aucune preuve qui indique que [le concédant a] exercé [ses] droits contractuels […] afin d’établir ou d’imposer aux licenciés un mode de conception ou d’exploitation de leur entreprise. Le [concédant] n’exploite pas le restaurant, pas plus qu’il n’aide les [licenciés] à le faire; [il] n’a pas créé les restaurants des [licenciés] et ne leur a pas fourni de biens et services. Son seul apport […] consiste à autoriser l’utilisation sous licence du nom « Marilyn Monroe ».

Comme le laisse entendre ce jugement, il y a fort à parier que les simples permissions d’utiliser une marque de commerce seront exclues du champ d’application de la Loi si leurs dispositions en matière de contrôle visent tout au plus à protéger les droits de propriété intellectuelle du concédant. Malheureusement, la portée du jugement est partiellement occultée par le fait qu’il repose sur la disposition de non-application, laquelle exige que la licence soit « la seule de cette nature et de ce type qu’accorde le concédant à leur égard ». Il y a lieu de se demander comment la Cour aurait tranché l’affaire si le concédant avait conclu des contrats de licence semblables avec d’autres licenciés. Cela est d’autant plus regrettable que les conclusions de la Cour quant à l’absence de contrôle important et d’aide du concédant auraient suffi à soustraire le contrat de la définition statutaire de « contrat de franchisage » (sans recourir à la disposition de non-application).

Il est à noter qu’il existe une clause de non-application fort similaire dans la Loi sur les franchises du Manitoba, CCSM, c. F-156, la Loi sur les franchises du Nouveau-Brunswick, SNB 2007, c. F-23.5 et la loi de l’Île-du-Prince-Édouard intitulée Franchises Act, RSPEI 1988, Cap. F-14.1. Par contre, la loi de l’Alberta intitulée Franchises Act, RSA 2000, c. F-23 ne renferme aucune disposition de cet ordre.

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