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Est-ce que les employés licenciés peuvent renoncer à leurs droits?

Le Tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique (TDPCB) a récemment examiné l’incidence d’une quittance signée par un employé licencié qui, après avoir signé la quittance, a présenté une plainte relative aux droits de la personne contre son ancien employeur.

En 2005, M. Scott Seltzer a été embauché par un ami qui travaillait chez Allmar International (« Allmar »), distributeur en gros de matériaux et de produits de construction, pour mettre sur pied une nouvelle division. M. Seltzer s’est acquitté avec brio de ses nouvelles fonctions. En 2007, soit sa dernière année complète de travail auprès d’Allmar, il a réalisé plus de 1,8 million de dollars de ventes et reçu le prix du meilleur vendeur.

En février 2008, M. Seltzer a subi une crise cardiaque au travail. Alors qu’il était à la maison pour sa convalescence et recevait des prestations d’invalidité, il a subi une deuxième crise cardiaque. Les médecins de M. Seltzer ont approuvé son retour au travail en février 2009, moment où il a commencé un programme de retour progressif au travail sur huit semaines. Trois jours après avoir recommencé à travailler à temps plein en mars 2009, M. Seltzer a reçu une lettre de licenciement. M. Seltzer a conclu qu’il était licencié puisqu’il n’avait aucune heure de travail ni vente à son actif. Allmar a toutefois témoigné que M. Seltzer a été licencié parce qu’aucune vente ne pouvait être effectuée sur le marché en raison de la situation économique.

En plus du paiement prévu par la loi qui lui était dû aux termes de la loi de la Colombie-Britannique intitulée Employment Standards Act, et du paiement des commissions gagnées, on a offert à M. Seltzer un « paiement à titre gracieux aux termes de la common law ». Plus important encore, M. Seltzer a compris que pour recevoir le paiement à titre gracieux (mais pas le paiement prévu aux termes de la loi ni le paiement de ses commissions), il devait signer un formulaire de quittance et de reconnaissance. M. Seltzer a signé la quittance et reçu le paiement à titre gracieux.

En signant la quittance, M. Seltzer a convenu en partie de ce qui suit :

[…] Je déclare et confirme de plus que la société a respecté le Code des droits de la personne de la Colombie-Britannique à l’égard de mon emploi et/ou de la cessation de mon emploi. Si je devais par la suite faire une réclamation ou une demande ou bien intenter ou menacer d’intenter une action, une réclamation, une plainte ou une autre procédure à l’encontre de la société, je reconnais que le présent document pourra être invoqué à titre de moyen de défense complet et d’obstacle à une telle procédure (nous soulignons). [Traduction]

Malgré le fait que M. Seltzer avait signé la quittance, aux termes de laquelle il lui était expressément interdit de déposer une plainte relative aux droits de la personne contre Allmar, il a tout de même présenté une telle plainte. M. Seltzer a allégué qu’en mettant fin à son emploi peu de temps après son retour de congé de maladie, Allmar a commis un acte discriminatoire fondé sur l’incapacité physique à son endroit.

Avant d’examiner la question de la discrimination, le TDPCB a d’abord examiné la question de savoir si la quittance empêchait M. Seltzer de présenter une plainte relative aux droits de la personne. En d’autres mots, est-ce que la quittance signée constitue réellement « un moyen de défense complet et un obstacle à une telle procédure » [Traduction]?

En concluant en ce sens, le Tribunal a analysé sept facteurs présentés dans une affaire en Ontario, notamment : 1) le libellé de la quittance; 2) l’inégalité du pouvoir de négociation, conjugué à un règlement injuste; 3) l’influence indue; 4) des conseils juridiques indépendants; 5) les contraintes; 6) si l’employé connaissait ses droits aux termes de la législation sur les droits de la personne; et 7) d’autres considérations, y compris la capacité, la chronologie et les erreurs réciproques.

Le TDPCB a conclu que la quittance signée par M. Seltzer était clairement libellée, que M. Seltzer avait négocié les modalités de son paiement à titre gracieux avec Allmar (rejetant ainsi l’argument selon lequel il y avait une inégalité du pouvoir de négociation entre Allmar et M. Seltzer), et qu’aucune considération n’aurait pu compromettre la validité de la quittance. Par conséquent, le TDPCB a confirmé la quittance et la plainte relative aux droits de la personne de M. Seltzer a été rejetée.

Selon son témoignage, avant de signer la quittance, M. Seltzer a téléphoné à la direction des normes du travail où on lui a dit « qu’en Colombie-Britannique, un travailleur ne peut renoncer à ses droits ». Cependant, cette décision indique clairement qu’un travailleur qui conclut librement des règlements qui visent à restreindre les droits peut être tenu d’assumer les conséquences de ce choix.

L’affaire en cause est semblable à l’affaire Chow v. Mobil Oil Canada, dans le cadre de laquelle le comité des droits de la personne de l’Alberta a demandé l’opinion de la Cour du banc de la Reine de l’Alberta pour savoir si la Commission des droits de la personne, de la citoyenneté et du multiculturalisme d’Alberta avait compétence pour statuer sur une plainte lorsqu’une quittance avait été signée et pour décider si la quittance est valide et opposable. Mme Chow, qui a été licenciée alors qu’elle était enceinte, a présenté une plainte relative aux droits de la personne contre son ancien employeur même si elle avait signé une quittance qui empêchait la présentation de toutes les réclamations se rapportant à la cessation de son emploi. Le tribunal a conclu que l’existence d’une quittance valide entraverait le droit d’un plaignant d’aller de l’avant avec une plainte en matière de droits de la personne, mais que la Commission avait la compétence nécessaire pour juger de la validité d’une quittance. La plainte de Mme Chow a ultimement été rejetée sur le fond, son ancien employeur, Mobil Oil Canada, ayant déclaré qu’il ne voulait pas faire invoquer la quittance pour empêcher la Commission d’examiner la plainte.

Conseils à l’intention des employeurs :

Les employeurs doivent connaître les facteurs qui seront examinés par les tribunaux des droits de la personne lorsqu’ils décident de maintenir ou non les modalités d’une quittance contre un employé qui, après avoir signé la quittance, dépose une plainte relative aux droits de la personne. Pour augmenter la possibilité qu’une quittance empêche un employé de déposer une telle plainte, les employeurs devraient s’assurer :

  • que la quittance soit rédigée en langage clair et simple pour que l’employé comprenne ce qu’il signe et pourquoi;
  • que la quittance comprenne tous les renseignements importants pour que l’employé soit pleinement conscient des droits auxquels il renonce en acceptant ses modalités;
  • que le montant du règlement soit juste dans les circonstances de sorte à annuler tout argument éventuel selon lequel il y avait une inégalité du pouvoir de négociation entre l’employeur et l’employé;
  • que l’employé accepte librement de signer la quittance pour l’empêcher d’alléguer qu’il a subi une influence indue de la part de l’employeur ou qu’il a été contraint à signer la quittance par l’employeur;
  • que l’employé ait l’occasion de demander des conseils juridiques indépendants (l’employé devrait disposer d’au moins sept jours pour examiner les modalités de la quittance);
  • que l’employé ne soit pas contraint de signer la quittance (il faut toutefois noter qu’il faut s’attendre à ce qu’un employé qui perd son emploi soit tendu ou mécontent et que ceci ne constitue pas une contrainte); et
  • que l’employé sache qu’il peut se prévaloir de recours aux termes de la législation en matière de droits de la personne au moment où il signe la quittance pour l’empêcher d’alléguer par la suite qu’il n’était pas au courant de ces droits.

Pour des renseignements supplémentaires, se reporter à l’affaire Seltzer v. Allmar International and others (No 2), 2010 BCHRT 197 (disponible en anglais seulement) et Chow v. Mobil Oil Canada, 1999 ABQB 1026