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Célébration du 10e anniversaire de la Loi de 2000 sur le commerce électronique

L’année 2010 marque le 10e anniversaire de la Loi de 2000 sur le commerce électronique (LCE) de l’Ontario, et de la législation comparable dans la plupart des provinces et des territoires de common law du Canada. Le moment est donc bien choisi pour faire le point sur l’évolution de la LCE et pour examiner certains des défis à venir dans le secteur du commerce en ligne sur le plan juridique.

Incertitude juridique avant la LCE

Il ne faut surtout pas oublier que, dans les années 90, les organisations qui souhaitaient faire des affaires sur les premiers réseaux électroniques au Canada et à l’échelle mondiale étaient confrontées à de nombreuses incertitudes juridiques. Bien que l’utilisation d’Internet, alors appelé l’autoroute de l’information, n’était pas aussi efficace et répandue qu’aujourd’hui, les technologies en réseau comme l’échange de données informatisées (EDI) devenaient indispensables afin de faciliter la communication commerciale entre entreprises.

L’EDI consiste en l’envoi de messages commerciaux entre sociétés; par exemple, pour la commande de stocks, uniquement par l’intermédiaire d’ordinateurs et de technologies en réseau. Souvent, aucun humain ne participe à ces messages EDI. Cependant, ces contrats conclus par l’intermédiaire de l’EDI sont devenus essentiels aux concepts tels que la fabrication et la commande de produits juste-à-temps.

Imaginons par exemple, une usine d’assemblage d’automobiles faisant affaire avec un fabricant de pièces automobiles. Au lieu de commander des pièces par papier ou par télécopieur, l’ordinateur à l’usine d’assemblage indique automatiquement à l’ordinateur du fabricant de pièces à quel moment l’usine d’assemblage a besoin d’autres pièces. Les pièces sont ensuite expédiées pendant la nuit et utilisées le jour suivant, ce qui permet aux deux sociétés d’économiser d’importants coûts reliés au financement des stocks.

Avant l’adoption de la LCE, certaines dispositions comprises dans bon nombre de lois provinciales sur la vente de biens exigeaient que les contrats de vente de biens soient faits « par écrit » et « signés ». Des questions ont été soulevées afin de déterminer si les messages produits par ordinateur, souvent sans l’intervention d’un humain, pouvaient satisfaire aux lois sur les ventes. Les sociétés, en particulier leurs vérificateurs externes, s’inquiétaient du manque de certitude juridique.

Le scénario suivant illustre bien les difficultés auxquelles faisaient face les sociétés à ce moment. Le cabinet de vérification comptable d’une grande entreprise demandait un avis juridique attestant que le système de commande électronique utilisé par la société et ses distributeurs produisait en fait des bons de commande valides au plan juridique. Cette question était d’une grande importance étant donné que la société produisait des biens d’équipement dont la fabrication s’échelonnait sur de longues périodes, de sorte que les commandes se devaient d’être valides. Toutefois, l’environnement juridique à ce moment était trop incertain pour donner une garantie absolue.

John Gregory met fin à l’incertitude

Les organisations canadiennes bénéficient aujourd’hui d’un environnement juridique beaucoup plus certain dans lequel elles peuvent exercer leurs activités commerciales électroniques, notamment grâce aux efforts acharnés déployés dans le cadre de la réforme du droit par John Gregory, architecte en chef du programme de réforme du droit du commerce électronique du gouvernement de l’Ontario. Les efforts de M. Gregory ont directement mené à l’adoption d’une vaste gamme de nouvelles lois qui aujourd’hui fournissent les certitudes nécessaires pour les opérations commerciales orchestrées sur Internet et autres réseaux (y compris le système EDI, qui est toujours utilisé).

Le processus a débuté par la révocation de l’exigence liée à un document écrit prévue dans la Loi sur la vente d’objets (Ontario). Cette disposition était désuète et constituait un frein au développement du commerce moderne. Il faut féliciter le gouvernement de l’Ontario d’avoir retiré cette disposition rapidement et complètement.

Des héros judiciaires contribuent à l’émergence de la nouvelle ère électronique

M. Gregory n’a pas été le seul à révolutionner le monde du commerce en vue de le rendre plus sécuritaire pour les opérations conclues de façon électronique. Le système judiciaire a également fait sa part.

Un tribunal de l’Ontario a rendu une importante décision en 1999 stipulant qu’un contrat peut être conclu sur un ordinateur lorsque l’utilisateur clique sur un bouton « J’accepte » à la fin d’une série de modalités affichées sur l’écran d’ordinateur. Le fait que toutes les modalités ne pouvaient s’afficher sur un seul écran ne représentait pas un obstacle insurmontable : le tribunal a tout simplement établi un rapport d’égalité entre l’écran multiple d’un ordinateur et le contrat papier à pages multiples. Une analyse juridique sensée a été imposée par le système judiciaire.

Quelques années plus tard, un autre tribunal de l’Ontario s’est penché sur un processus aux termes duquel il était demandé aux détenteurs de droits de participation, par voie d’un courriel, d’ouvrir une session sur un site Web afin d’examiner des documents importants relatifs à une assemblée des actionnaires, et ensuite d’exercer leurs droits de vote sur le même site en ligne. Le tribunal a examiné attentivement les diverses caractéristiques de ce processus en ligne, les a comparées au processus papier traditionnel de la communication avec les actionnaires et a conclu que la nouvelle méthode électronique était en fait supérieure au processus antérieur sur papier. Un autre grand pas dans la bonne direction.

Croisade de John Gregory à l’égard de la LCE

Bien que les décisions épisodiques des tribunaux étaient sur la bonne voie, une réforme du droit à l’échelle nationale devait s’opérer rapidement afin de mettre en œuvre un environnement juridique visant à faciliter le commerce électronique. M. Gregory a vu l’ouverture lorsque les Nations Unies ont élaboré une loi type expressément à cette fin.

En collaboration avec des collègues partageant ses idées au sein d’autres gouvernements au Canada, M. Gregory a introduit la loi type des Nations Unies au Canada en la transposant dans un modèle canadien. À l’exception d’une province et du Québec, qui utilise une interprétation législative distincte afin d’atteindre essentiellement les mêmes résultats, toutes les provinces et territoires du Canada, ainsi que le gouvernement fédéral, ont adopté des lois sur le commerce électronique peu de temps après le début du nouveau millénaire.

Donner une portée légale à l’information électronique

La LCE énonce et met en application une série de principes juridiques permettant de faciliter le commerce électronique. Aucun de ces principes n’est aussi important que la règle de non-discrimination de base exprimée clairement dans la LCE, laquelle prévoit notamment qu’une information n’est pas invalide simplement parce qu’elle est en format électronique.

Le fait que le principe soit exprimé à la double négative est logique étant donné que la LCE ne peut, de toute évidence, stipuler que toute communication électronique est valide. Les doctrines relatives notamment à l’erreur, à la contrainte et à la capacité de contracter continuent de s’appliquer dans le monde en ligne. La LCE prévoit donc simplement qu’on ne peut pas contester la validité d’un message électronique uniquement parce qu’il est en format électronique.

La LCE comporte également une série de « règles d’équivalences fonctionnelles » qui stipulent de quelle façon les règles légales comprises dans d’autres lois concernant l’« exigence écrite » peuvent être rejetées. En somme, la LCE explique de quelle façon il est possible de procéder en format électronique lorsqu’une règle de droit exige une signature écrite ou originale.

Par exemple, lorsqu’une certaine loi prévoit qu’un avis doit être fourni à une personne par écrit, la LCE stipule que l’avis peut être fourni de façon électronique si le destinataire a accès à l’information électronique et qu’elle peut être conservée par celui-ci. Par conséquent, l’envoi d’un courriel constitue habituellement un moyen valide, mais le fait d’afficher simplement l’information sur un site Web ne constitue généralement pas un moyen valide.

La LCE stipule également qu’une exigence légale prévoyant qu’un document doit être « signé » peut être remplie par une « signature électronique ». Pour sa part, la signature électronique se définit comme étant des renseignements électroniques qu’une personne crée ou adopte en vue de signer un document et qui sont dans le document ou qui y sont joints ou associés. Cela permet d’utiliser un NIP et d’autres mécanismes en ligne à titre de signature, y compris la « signature » tapée à la machine à la fin d’un courriel.

Opérations par voie électronique : prudence

La LCE n’est pas parfaite. Elle ne peut être invoquée que lorsque les deux parties ont consenti à l’utilisation de communications électroniques. Bien qu’elle accepte le consentement implicite, la loi favorise toujours le papier : aucun consentement ne doit être obtenu afin d’utiliser des messages sur papier.

En outre, la LCE, ne règle pas à elle seule toutes les difficultés du commerce électronique sur le plan juridique. Certaines failles demeurent : un territoire n’a toujours pas adopté de loi type semblable à la LCE, une province n’a pas encore adopté les dispositions intégrales de la loi type canadienne et une autre définit la signature électronique de façon beaucoup trop compliquée et n’est pas conforme aux autres lois provinciales sur le commerce électronique. Ces failles sont déplorables et il est grand temps de les régler. Ces failles sont une source d’embarras lorsqu’un client demande un avis juridique au sujet d’une question liée à la LCE à l’échelle du Canada (ce qui est monnaie courante). Nous devons simplement achever la réforme du droit entamée dix ans plus tôt.

De plus, bien que la LCE stipule clairement que les offres, les acceptations et les autres questions relatives à la formation de contrats importants peuvent être exprimées sous forme d’information électronique, les organisations doivent toujours s’assurer que la conception et la mise en œuvre de leur site Web et autres outils en ligne constituent réellement des offres et des acceptations valides. La jurisprudence est de plus en plus étoffée en ce qui a trait aux sociétés qui omettent de procéder à cette vérification, non pas parce que les messages sous-jacents sont invalides du point de vue juridique (la LCE a résolu ce problème), mais simplement parce que les messages échangés ne constituent pas un consensus en bonne et due forme entre les parties à l’égard des modalités du contrat clé.

Par exemple, dans un certain nombre de cas, l’échange de messages électroniques n’est pas constitutif d’un contrat exécutoire. Chaque message électronique ne pose pas en soi un problème d’ordre juridique, mais l’abondance de courriels échangés entre les parties ne convainc pas un tribunal que les parties en sont arrivées à un accord. En bref, l’effort de réforme de la loi de M. Gregory a été réalisé selon les règles de l’art, mais il incombe maintenant aux organisations d’utiliser la loi efficacement.