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Budgets de 2011-2012 du Québec et de l’Ontario : La réforme de la retraite se poursuit

En mars 2011, le Québec et l’Ontario ont déposé leur budget respectif de 2011-2012. Dans le budget du Québec, plusieurs annonces importantes ont été faites relativement à l’adoption du cadre proposé du régime de pension agréé collectif (RPAC) par les gouvernements fédéral et provinciaux. Par ailleurs, les propositions relatives à la retraite comprises dans le budget de l’Ontario étaient plus modestes. Le présent article décrit brièvement les aspects liés à la retraite de ces deux budgets.

Budget du Québec

Deux réformes importantes ont été annoncées dans le budget du Québec et son document qui l’accompagne intitulé « Un système renforcé de revenu de retraite », déposés le 17 mars. La première réforme propose la mise en place d’un nouvel instrument d’épargne-retraite appelé le régime volontaire d’épargne-retraite (RVER), afin de mettre en œuvre le cadre du RPAC fédéral-provincial au Québec (lire notre résumé précédent à ce sujet.) La seconde réforme comporte des changements graduels aux taux de cotisation employé-employeur et aux niveaux des prestations individuelles en vertu du Régime de rentes du Québec (RRQ). Ces changements visent à répondre aux pressions accrues en matière de provisionnement qui vont de pair avec le vieillissement de la population et la longévité accrue, une tendance commune dans l’ensemble du Canada.

1. Le RVER proposé

Le gouvernement du Québec adoptera une loi pour permettre la création de RVER valables pour l'ensemble du Québec. Conformément au cadre du RPAC fédéral-provincial, les RVER du Québec seraient des méga-régimes de retraite à cotisations collectives déterminées administrés par des tiers, lesquels devraient comprendre certaines institutions financières. Leur administration par des tiers dispenserait les employeurs de plusieurs des nombreuses fonctions administratives qui incombent habituellement aux régimes de retraite à employeur unique. En outre, les RVER continueraient de s’appliquer en cas de changement d’emploi à plusieurs reprises, ce qui serait mieux adapté à la nouvelle réalité des nombreux salariés qui changent d'employeurs au fil de leur carrière (ce qui était moins courant par le passé).

Tous les salariés, travailleurs autonomes et autres « épargnants » pourraient participer à un RVER. Dans le cas des salariés, les employeurs qui n’offrent pas déjà un régime de retraite auraient à choisir un produit RVER auquel leurs salariés cotiseraient. Les employeurs seraient libres d’y cotiser ou non. De même, les employeurs seraient tenus d’inscrire automatiquement leurs salariés au RVER, et les salariés qui ne désirent pas y participer devraient prendre des mesures proactives afin de s’en retirer. Pour ce qui est de la protection des travailleurs autonomes et des autres « épargnants », le budget ne précise pas de quelle façon ils pourraient choisir de participer au RVER ni comment ils pourraient cotiser au RVER en vertu des règles fiscales existantes.

Le budget du Québec ouvre la voie à un processus provincial de consultation publique portant sur des questions liées aux RVER, telles que le choix de placements, le rôle fiduciaire des administrateurs de RVER, les taux de cotisation implicites et la transférabilité des régimes. Ces consultations devaient suivre les consultations fédérale-provinciales à l’égard des RPAC, qui se sont terminées au mois de mars.

2. Modifications au RRQ

Par ailleurs, dans le budget du Québec, le gouvernement a annoncé son intention de modifier le RRQ en relevant graduellement le taux de cotisation, pour le faire passer de 9,9 % à 10,8 %, par tranche de 0,15 % par année sur six ans. Ces modifications devraient entraîner l’augmentation des cotisations des employeurs et des salariés de respectivement 85 millions de dollars respectivement en 2012.

À compter du 1er janvier 2013, afin de tenir compte des pressions démographiques sur le RRQ, le taux mensuel de réduction des prestations pour les retraites prises avant d’avoir atteint l’âge de 65 ans serait graduellement augmenté. À compter du 1er janvier 2014, les prestations du RRQ seraient bonifiées pour les particuliers qui prennent leur retraite après 65 ans, mais avant 70 ans. Ces mesures visent à décourager les particuliers à prendre une retraite anticipée et à bonifier la retraite tardive, jusqu'à concurrence de 42 % (comparativement au taux actuel de 30 %) pour les personnes qui prennent leur retraite à l'âge de 70 ans.

Pour conclure, le budget du Québec propose un mécanisme d'ajustement automatique du taux de cotisation au RRQ à compter de 2018, si le rapport actuariel triennal du RRQ révèle que les taux de cotisation en vigueur sont insuffisants.

Budget de l’Ontario

Le budget de l’Ontario intitulé « Remonter la pente pour un avenir meilleur », déposé le 29 mars, porte sur les réformes récentes et futures des régimes de retraite, mais formule peu de propositions véritablement nouvelles. En outre, les nouvelles propositions qui y sont décrites sont avares de détails, quoiqu’elles semblent certainement beaucoup plus limitées que les réformes de grande ampleur des régimes de retraite introduites par les projets de loi 236 et 120, adoptés respectivement le 18 mai 2010 et le 8 décembre 2010 (lire nos articles précédents à ce sujet : « État de la réforme des régimes de retraite en Ontario » et « État de la réforme des régimes de retraite en Ontario – Partie II »).

En bref, le gouvernement formule les nouvelles propositions suivantes :

  • envisager de mettre en place un nouveau type de régime de retraite pour les employés régis par des conventions collectives, appelé le « régime de retraite à prestations cibles à gouvernance mixte »;
  • exiger que les régimes déposent un « énoncé des politiques et des procédures de placement » (EPPP) auprès de l'organisme de réglementation et qu'ils indiquent expressément si leur EPPP tient compte des facteurs environnementaux, sociaux ou de gouvernance dans les décisions de placement;
  • procéder aux augmentations annoncées plus tôt des cotisations des employeurs au Fonds de garantie des prestations de retraite, à partir de 2012;
  • revoir les options à la disposition des administrateurs pour traiter les participants non assignés à des régimes;
  • revoir le processus de déblocage en cas de difficultés financières;
  • codifier les nouvelles normes adoptées par des ordres professionnels, notamment les Normes internationales d’information financière.

Le présent article aborde ces questions et certaines des annonces les plus importantes du budget de l’Ontario, et ce, par ordre d'importance pour les employeurs.

1. Fonds de garantie des prestations de retraite (FGPR)

Comme il l’a annoncé en août 2010, le gouvernement de l’Ontario augmentera les cotisations des employeurs au FGPR. Un seuil de cotisation minimale de 250 $ par régime couvert par le FGPR sera établi, la cotisation de base par membre du régime passera de 1 $ à 5 $, la cotisation maximale par membre du régime dans des régimes de retraite sous-capitalisés passera de 100 $ à 300 $ et le plafond global des cotisations pour les régimes de retraite sous-capitalisés sera éliminé. Ces nouveaux chiffres entreront en vigueur en 2012.

2. Placements des régimes de retraite

Pour les régimes de retraite enregistrés en Ontario, la province a adopté les restrictions du gouvernement fédéral sur les placements autorisés pour les régimes de retraite sous réglementation fédérale. Jusqu’à tout récemment, l’Ontario avait adopté ces règles telles qu’elles avaient été établies le 31 décembre 1999, ce qui signifiait que les règles de placement des régimes de retraite de l’Ontario n’avaient pas tenu compte automatiquement des changements ultérieurs apportés aux règles fédérales après cette date.

Le 25 mars 2011, le gouvernement de l’Ontario a modifié sa législation afin de retirer les renvois à la date du « 31 décembre 1999 » et/ou d’adopter automatiquement les règles fédérales à mesure qu’elles sont modifiées. Le budget confirme ce changement récent. La modification des régimes enregistrés en Ontario tient compte des récentes réformes fédérales proposées qui suivent :

  • la récente élimination de la plupart des limites quantitatives pour les placements dans les biens immeubles et les avoirs miniers, en vigueur le 17 juin 2010;
  • la proposition de modifier la limite de placement des actifs de retraite dans une seule entité ou groupe connexe afin qu'elle passe de 10 % de la valeur comptable des actifs du régime à 10 % de leur valeur marchande;
  • la proposition d’interdire tout investissement direct de l’employeur (notamment dans ses actions ou sa dette).

Le budget ne comprenait aucune mention indiquant que le gouvernement s’engagerait à réexaminer l’interdiction qui empêche actuellement de placer des actifs de retraite dans plus de 30 % des actions avec droit de vote d’une société. Cette absence était bien évidente, le gouvernement s’étant déjà engagé, dans une annonce publique faite en août 2010, à évaluer le besoin de maintenir cette restriction.

Dans un autre ordre d’idées, les administrateurs de régimes devraient déposer un EPPP auprès de la Commission des services financiers de l’Ontario et indiquer si l’EPPP tient compte des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance dans les décisions de placement.

3. Régimes de retraite à prestations cibles

Le gouvernement a annoncé qu’il envisagerait la possibilité de mettre en œuvre un nouveau type de régime de retraite, soit le régime de retraite à prestations cibles à gouvernance mixte (RRPCGM), proposé pour la première fois en 2008 dans le rapport de la Commission d'experts en régimes de retraite de l'Ontario. Les RRPCGM seraient des régimes administrés conjointement pour le compte de travailleurs régis par des conventions collectives. Ils offriraient des prestations déterminées « cibles » qui pourraient faire l’objet d’une réduction en cas de sous-capitalisation du régime. À cet égard, les RRPCGM devraient être financés seulement sur une base à long terme (à la différence de la plupart des régimes à employeur unique qui doivent respecter les exigences — souvent plus rigoureuses — de capitalisation sur une base de solvabilité).

Pour sa part, le budget précise que l'Ontario discute actuellement avec le gouvernement fédéral des modifications devant être apportées à la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada) pour faciliter la mise en place de « régimes de retraite à prestations cibles et à employeur unique ».Ces modifications concorderaient avec les modifications apportées en 2010 à la Loi sur les régimes de retraite qui prévoient expressément l'instauration de ces régimes (mais ces modifications ne sont pas encore en vigueur).

4. Autres annonces

Adoption des projets de loi en cours

Le gouvernement s'engage à adopter deux séries de règlements proposés et publiés plus tôt cette année sous forme de projets pour permettre aux intervenants de présenter leurs observations. Ces règlements viendraient i) accorder les exemptions des exigences de capitalisation du déficit de solvabilité à certains régimes de retraite conjoints du secteur public, sous réserve du respect de certaines conditions; et ii) compléter les modifications apportées en 2009 à la Loi sur les régimes de retraite (qui ne sont pas encore en vigueur) pour remanier les règles de partage des prestations de retraite en cas d'échec d'un mariage.

Déblocage en cas de difficultés financières

Le gouvernement s’est également engagé à passer en revue le processus de déblocage en cas de difficultés financières et a annoncer la prorogation de l'exemption temporaire actuelle des droits de demande de déblocage. Cette annonce sera appréciée par les administrateurs qui traitent souvent ces demandes, même si les modalités précises du gouvernement pour la simplification du processus restent floues.

Participants non localisés

D'après les propositions du budget, le gouvernement de l’Ontario est prêt à étudier les moyens de traiter les problèmes touchant les participants non localisés à un régime en vue d'accélérer les liquidations totales ou partielles.

Cet engagement fait partie des quelques nouveautés du budget de l’Ontario, mais se résume essentiellement à une étude gouvernementale approfondie. Le budget ne prévoit rien de semblable aux récentes réformes visant les régimes sous réglementation fédérale qui, dès leur entrée en vigueur, autoriseront les administrateurs à effectuer des versements à l’égard des participants non localisés auprès d’une institution financière tierce désignée par l’autorité de réglementation des régimes de retraite à l’échelle fédérale.

Codification de nouvelles normes professionnelles

Chose intéressante, le gouvernement a formulé une nouvelle proposition pour codifier les récents changements apportés aux normes par des ordres professionnels (comme la récente adoption des Normes internationales d’information financière par le Conseil des normes comptables du Canada).

Nouvelle entente sur les régimes de retraite relevant de plus d’une autorité gouvernementale

Le budget de l’Ontario confirme la détermination du gouvernement à signer la nouvelle « Entente sur les régimes de retraite relevant de plus d'une autorité gouvernementale », préparée conjointement par 10 organismes canadiens de réglementation des régimes de retraite.

L’Ontario a prouvé son engagement à cet égard et, de concert avec le Québec, a signé cette entente en mai 2011. On suppose que d’autres provinces ou territoires canadiens feront de même sous peu.

Mesures pour certains régimes

En conclusion, le gouvernement a réitéré son appui à la modification de la loi pour permettre aux participants du régime de retraite de Nortel de transférer, dans le cadre du processus de liquidation de leur régime, la valeur totale de leur régime de retraite à un fonds de revenu viager immobilisé. Sans ces propositions de modification, la Loi sur les régimes de retraite exigerait normalement la constitution en rentes des prestations de retraite pour tous les participants concernés. Le gouvernement a confirmé en outre sa volonté d’offrir un allégement sur 10 ans de la capitalisation des régimes de retraite d’AbitibiBowater dans le cadre de la restructuration de la société.

Les avocats de McCarthy Tétrault continueront à suivre l’évolution des mesures budgétaires prévues dans les budgets du Québec et de l’Ontario et fourniront des mises à jour en temps opportun, au besoin. Dans l'intervalle, si vous avez des questions sur les incidences du budget de l'Ontario et/ou du Québec sur votre entreprise ou votre régime de retraite, veuillez communiquer avec l'un des membres du groupe du droit des régimes de retraite, des avantages sociaux et de la rémunération des dirigeants ou avec votre avocat habituel chez McCarthy Tétrault.

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