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Affaire Indalex : La Cour d’appel de l’Ontario donne priorité aux déficits de régimes de retraite plutôt qu’à des prêteurs titulaires d’une sûreté

Le mois dernier, dans le cadre des procédures visant Indalex Limited en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC), la Cour d’appel de l’Ontario (ONCA) en a étonné plus d’un en statuant que les réclamations au titre du régime de retraite déficitaire d’Indalex à la liquidation ont priorité sur les réclamations du prêteur titulaire d’une sûreté d’Indalex en vertu de la LACC. Bien que la décision de l'ONCA pose certains défis en ce qui a trait aux prêts garantis pour les emprunteurs de l’Ontario ayant des régimes de retraite à prestations déterminées, la portée de l’application de l’affaire peut être restreinte et, dans certaines circonstances appropriées, les emprunteurs peuvent avoir recours à certaines stratégies afin d’en réduire les répercussions.

La décision de l'ONCA repose essentiellement sur la conclusion selon laquelle toutes les obligations de cotisation permettant de financer le manque à gagner sont devenues acquises à la date de liquidation du régime. Selon cette interprétation de la Loi sur les régimes de retraite (LRR) de l’Ontario, la fiducie réputée en vertu de la loi s’applique à la totalité du déficit à cette date, même si les cotisations liées au déficit ne sont pas exigibles à ce moment et que l’employeur a versé toutes les cotisations à l’échéance. Compte tenu des dispositions de la Loi sur les sûretés mobilières (LSM) de l’Ontario prévoyant la subordination des sûretés sur les comptes et les stocks aux fiducies réputées créées en vertu de la LRR, à première vue, Indalex pourrait restreindre considérablement les prêts au titre du fonds de roulement aux employeurs ayant des régimes de retraite à prestations déterminées.

La décision de l'ONCA critique également la façon dont Indalex a traité des obligations concurrentes et souvent conflictuelles qui incombent à une entreprise lorsqu’elle, d’une part, est l’employeur offrant le régime de retraite dans le cadre de l’exploitation de ses activités et, d’autre part, est l’administrateur du régime de retraite et a des obligations envers les participants au régime de retraite. Selon l'ONCA, l’employeur, à titre d’administrateur du régime de retraite, manquerait à ses obligations fiduciaires s’il faisait faillite, même s’il était clairement et sans équivoque insolvable, car en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (LFI), la fiducie réputée artificielle créée par la LRR serait inopérante.

En outre, les prêteurs en vertu de la LACC se préoccupent également de la volonté de l'ONCA d’annuler les dispositions relatives à la priorité de l’ordonnance ayant autorisé le prêt en vertu de la LACC. Cette ordonnance d’autorisation n’a pas fait l’objet d’un appel et prévoyait expressément que le prêt en vertu de la LACC aurait priorité sur toutes les fiducies réputées ainsi que sur l’ensemble des priorités, hypothèques légales ou droits de rétention en vertu de la loi. Cependant, l'ONCA a accordé la priorité à la fiducie réputée à l’égard du déficit du régime de retraite, ce qui nous amène à nous demander si les prêteurs en vertu de la LACC peuvent en toute sécurité s’appuyer sur les ordonnances du tribunal rendues dans des affaires en vertu de la LACC lorsqu’ils accordent des prêts approuvés par un tribunal.

Les conseillers juridiques du créancier et du créancier garanti préparent actuellement une demande d’autorisation d’appel de la décision de l'ONCA dans l’affaire Indalex. Les observateurs espèrent que l’appel sera autorisé étant donné l’incidence de cette affaire sur les prêts garantis et parce que, dans sa tentative visant à restreindre l’accès à la LFI fédérale aux sociétés insolvables, la décision de l'ONCA dans l’affaire Indalex diverge de la récente décision rendue par la Cour suprême dans l’affaire Century Services c. Canada et de la décision de l'ONCA dans l’affaire Ivaco. Dans ces affaires, les tribunaux ont considéré que le régime de priorité des créances de la LFI était approprié pour la distribution des produits de la vente des actifs du débiteur, dans une affaire relevant de la LACC.

Pendant le processus d’appel, les prêteurs, les emprunteurs et leurs conseillers peuvent se prévaloir de certains recours afin d’atténuer les répercussions de la décision dans l’affaire Indalex. Tout d’abord, les circonstances inhabituelles de l’affaire Indalex peuvent avoir eu une incidence importante sur la décision de l'ONCA, laissant ainsi aux tribunaux de première instance une certaine latitude afin d’établir l’inapplicabilité de la décision aux affaires ultérieures. De toute évidence, le fait que la société mère d’Indalex détenait et faisait valoir les réclamations en tant que prêteur en vertu de la LACC et avait joué un rôle direct dans la gestion d’Indalex a eu des répercussions sur les facteurs d’équité de l’affaire et a fait en sorte que le prêteur en vertu de la LACC était chargé des obligations fiduciaires d’Indalex à titre d’administrateur du régime. Un prêteur en vertu de la LACC n’ayant aucun lien de dépendance aurait pu être traité différemment.

De plus, la nouvelle fiducie réputée créée pour le déficit des régimes de retraite a priorité uniquement sur les sûretés préexistantes assujetties à la LSM à l’égard des comptes, des stocks et de leurs produits. Cette restriction signifie que les sûretés et les hypothèques préexistantes grevant d’autres actifs, par exemple des biens d’équipement ou des biens immobiliers, ne sont pas visées. Il est également important de noter que la Loi sur les banques (Canada) peut permettre aux prêteurs et aux emprunteurs admissibles d’éviter les répercussions de la décision dans l’affaire Indalex.

Dans les cas où une sûreté en vertu de la Loi sur les banques existe, la décision de la Cour supérieure du Canada (CSC) dans l’affaire Banque Royale du Canada c. Sparrow, notamment, selon laquelle la sûreté consentie en vertu de la Loi sur les banques a priorité sur les fiducies réputées en vertu de la loi constituées ultérieurement, peut offrir une solution possible à l’égard de la priorité pour les prêteurs garantis admissibles en ce qui a trait au stock et aux créances qui sont le produit de la vente des biens figurant dans le stock. Il est également intéressant de noter que cette décision de la CSC a été appliquée par l'ONCA dans le contexte particulier de la fiducie réputée en vertu de la LRR de l’Ontario.

Par ailleurs, même si l'ONCA n’a pas tenu compte des dispositions en matière de priorité de l’ordonnance ayant approuvé le prêt en vertu de la LACC, elle a reconnu que le tribunal de la LACC avait le pouvoir et la discrétion d’accorder la priorité aux prêts en vertu de la LACC sur toute fiducie réputée. La décision de l'ONCA de ne pas donner la priorité aux prêteurs en vertu de la LACC en se fondant sur l’ordonnance d’approbation reposait sur le point de vue de l'ONCA selon lequel : i) les participants au régime de retraite n’avaient pas été avisés de façon suffisante de la requête visant à approuver le prêt en vertu de la LACC, ii) le tribunal de la LACC n’avait pas reçu d’information suffisante quant à l’existence du déficit, et iii) le tribunal de la LACC n’avait pas explicitement invoqué son pouvoir décisif lui permettant de subordonner la fiducie réputée à l’égard du déficit du régime de retraite. À l’avenir, les prêteurs en vertu de la LACC pourront insister pour que toutes ces questions soient traitées au moyen d’un avis valide, de divulgation complète et d’une formulation appropriée dans l’ordonnance d’approbation avant que les fonds ne soient avancés aux créanciers en vertu de la LACC.

En résumé, les défis ravivés ou créés par la décision dans l’affaire Indalex sont de taille, et les observateurs des secteurs du financement commercial, de l’insolvabilité et des pensions surveilleront de près la situation afin de connaître l’issue de l’appel attendu ou de toute réponse législative à la décision permettant aux pratiques actuelles de se poursuivre. Entre-temps, des stratégies peuvent être utilisées afin de minimiser les répercussions de la décision.

Pour obtenir de plus amples renseignements sur les incidences possibles de cette importante décision, ainsi que sur les stratégies afin de les atténuer, vous pouvez consulter Kevin McElcheran ou Jamey Gage pour les aspects liés à l’insolvabilité et Randy Bauslaugh pour les questions liées aux régimes de retraite. Vous pouvez également consulter votre personne-ressource habituelle chez McCarthy Tétrault, qui vous mettra en contact avec nos spécialistes des questions pertinentes.

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