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Relations avec les gouvernements

Par Awi Sinha, Adam Goldenberg et Amanda Iarusso

Au Canada, les pouvoirs législatifs sont divisés entre le Parlement (l’assemblée législative fédérale) et les assemblées législatives provinciales. Chacune des branches du gouvernement est fondée sur le régime parlementaire britannique, où le parti politique qui compte le plus grand nombre de membres élus au Parlement ou à l’Assemblée législative provinciale forme généralement le gouvernement. Voir la section Canada.

Habituellement, le parti qui forme le gouvernement fédéral ou provincial détient une majorité des sièges à l’assemblée législative fédérale ou provinciale, et gouverne par l’intermédiaire d’un Cabinet de « ministres » nommés. Cela tend à réduire l’influence relative des membres individuels de l’assemblée législative qui ont été élus, puisqu’il est rare que les membres du parti au pouvoir votent contre une initiative mise de l’avant par le gouvernement. Toutefois, le Canada a vu se succéder, au niveau fédéral, une série de « gouvernements minoritaires » de 2004 à 2011 où le parti au pouvoir détenait plus de sièges que tout autre parti, mais ne détenait pas la majorité des sièges. Par conséquent, l’influence relative des membres du Parlement (ou députés) a augmenté durant cette période. Après une succession de « gouvernements majoritaires » élus de 2011 à 2019, les deux dernières élections fédérales (en 2019 et 2021) ont donné lieu à des gouvernements minoritaires.

Il n’y a pas encore eu de gouvernement formé à travers une coalition entre deux ou plusieurs partis au niveau fédéral au Canada, bien que cette tactique ait fait l’objet de plus amples discussions entre les partis politiques fédéraux au cours des dernières années. En mars 2022, le Parti libéral au pouvoir, qui détenait une minorité de sièges au Parlement fédéral, a conclu une entente « de soutien et de confiance » avec le Nouveau Parti démocratique, un parti de l’opposition. Ces deux partis ont accepté de coopérer sur des priorités essentielles et de maintenir le gouvernement libéral au pouvoir jusqu’en juin 2025, bien que l’entente ne soit pas exécutoire. Ainsi, rien n’empêche les néo-démocrates de se retirer de l’entente et de soutenir un vote de censure à l’égard du gouvernement libéral, ce qui (en cas de succès) obligerait le gouvernement à démissionner et précipiterait la tenue d’élections anticipées. Au cours des dernières décennies, un certain nombre de provinces ont été gouvernées en vertu d’accords similaires entre les partis.

En raison du rôle important que jouent le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux dans l’économie canadienne, toutes les entreprises qui font affaire au Canada devraient envisager d’adopter une stratégie en matière de relations gouvernementales. Les sociétés peuvent également maintenir un dialogue avec les gouvernements à travers l’intermédiaire d’associations sectorielles. Ce dialogue peut être nécessaire pour les sociétés qui sont actives dans des secteurs hautement réglementés (comme les télécommunications, les produits pharmaceutiques, le transport et l’énergie), les sociétés qui peuvent être touchées de manière importante par les politiques gouvernementales (comme celle du secteur manufacturier et agricole), ou qui vendent des produits ou services aux gouvernements (comme les sociétés du secteur de la défense et des technologies de l’information).

Les relations avec les gouvernements, comprenant le lobbying, visent généralement les fonctionnaires, les ministres qui forment le conseil exécutif (c.-à-d. le Cabinet) de chaque province et du gouvernement fédéral et le personnel du cabinet de ces ministres, ainsi que les membres de l’assemblée législative du parti au pouvoir. Selon le cas, les entreprises peuvent chercher à influencer les membres des partis de l’opposition afin que des questions soient soulevées à l’assemblée législative ou à un comité législatif, ce qui peut être particulièrement important lorsqu’un gouvernement minoritaire est au pouvoir.

LES RELATIONS AVEC LES GOUVERNEMENTS SONT NÉCESSAIRES LORSQU’UNE ENTREPRISE CHERCHE À FAIRE PRÉSENTER UN PROJET DE LOI, À LE SOUTENIR OU À S’Y OPPOSER OU ENCORE LORSQU’ELLE SOUHAITE LA MODIFICATION D’UN RÈGLEMENT OU D’UNE POLITIQUE.

Les relations avec les gouvernements sont nécessaires lorsqu’une entreprise cherche à faire présenter un projet de loi, à le soutenir ou à s’y opposer ou encore lorsqu’elle souhaite la modification d’un règlement ou d’une politique. Des ministères et des intérêts régionaux ou politiques peuvent intervenir à l’égard d’un projet ou d’une modification; l’entreprise pourrait alors chercher à rencontrer tous les hauts fonctionnaires et les ministres responsables. À titre d’exemple, les entreprises qui exercent leurs activités dans le domaine du transport interprovincial le font dans un cadre réglementaire où interviennent les ministres provinciaux et fédéraux des Transports, de l’Industrie et du Commerce, ainsi que du Travail. De la même manière, le développement de projets hydroélectriques privés, par exemple, demande habituellement d’entrer en contact avec des ministères provinciaux de l’Énergie, des Terres et de l’Environnement, ainsi que les ministères fédéraux des Pêches et Océans et de l’Environnement. Il peut également être nécessaire de s’adresser au membre élu du parti politique au pouvoir qui est « politiquement responsable » d’une région donnée, étant donné qu’un projet ou une modification en particulier peut avoir une incidence différente sur chaque région.

Les relations avec les peuples autochtones et le régime canadien d’évaluation environnementale, nécessaires pour l’approbation des grands projets, constituent deux aspects également dignes d’intérêt en ce qui concerne les relations gouvernementales.

Le groupe de peuples autochtones appelé « Premières Nations » (les deux autres groupes étant les Métis et les Inuits) devra possiblement être consulté en cas de projets de grande envergure, car les Premières Nations peuvent revendiquer ou détenir des titres ou des droits ancestraux sur les terres concernées. Ces droits ne sont pas les mêmes partout au Canada et varient selon les différents développements historiques et juridiques. Quand une opération touche aux intérêts des Premières Nations, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux doivent également être informés et consultés. Voir la section Droit autochtone.

Dans le domaine de l’évaluation environnementale, le Canada exige des évaluations environnementales complètes lorsque les projets concernant l’utilisation de terres atteignent un certain seuil de capital investi ou lorsqu’il s’agit de types de projets particuliers. Si le projet est de ressort fédéral (comme des pipelines interprovinciaux), les évaluations environnementales relèvent de la Loi sur l’évaluation d’impact (LEI). Mise en vigueur en 2019, la LEI crée un processus complet pour évaluer les effets des projets désignés par le gouvernement fédéral et pour déterminer si le projet désigné servirait l’intérêt public. Les objectifs déclarés de la LEI comprennent la prise en compte des facteurs environnementaux, sociaux, sanitaires et économiques. En contrepartie, généralement, si le projet ne vise qu’une seule province et n’est pas de compétence fédérale, seul le processus provincial d’évaluation environnementale s’applique. Dans certains cas, les deux régimes d’évaluation environnementale s’appliquent, à savoir le régime fédéral et le régime provincial. Un certain nombre de provinces, l’Alberta en tête, ont contesté la constitutionnalité de la LEI, contestation qui a été portée devant la Cour suprême du Canada. Une décision est attendue à la fin de 2023 ou au début de 2024.

Il peut y avoir d’importantes différences sur le plan de la complexité et des délais entre le processus d’évaluation environnementale imposé par un gouvernement provincial particulier et celui imposé par le gouvernement fédéral. C’est pourquoi les entreprises qui examinent la possibilité d’effectuer des investissements qui dépassent le seuil à partir duquel une évaluation environnementale est exigée dans toute province ou tout territoire du Canada devraient chercher à établir assez tôt des relations positives avec les paliers de gouvernement appropriés, de sorte que leur demande d’évaluation environnementale éventuelle ne constituera pas une surprise et ne prêtera pas à la controverse. Voir la section Réglementation environnementale.

Pour faire des investissements au Canada, il faut savoir que, comparativement aux États-Unis, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux sont beaucoup plus actifs dans la prestation de certains services comme les soins de santé, les services publics, les infrastructures, la radiodiffusion et la télédiffusion. Nous suggérons aux investisseurs de demander conseil au sujet des attitudes du gouvernement en ce qui a trait aux investissements dans ces secteurs et dans d’autres domaines avant d’aller plus loin dans leur projet, car la coordination et l’établissement de relations de coopération avec les gouvernements favoriseront un processus décisionnel beaucoup plus efficace. C’est également le cas des secteurs qui ont récemment connu des changements significatifs sur le plan de la réglementation. Il s’agit notamment des secteurs suivants : l’immobilier résidentiel où les investissements étrangers ont été de plus en plus restreints et réglementés dans le but de stabiliser le marché immobilier canadien (voir la section Droit immobiliers); le cannabis qui a été légalisé au niveau fédéral en octobre 2018 et qui est fortement réglementé aux niveaux fédéral et provincial (voir la section Droit du cannabis); les minerais critiques, secteur où les entreprises étrangères qui procèdent à l’exploration et l’extraction minières et au traitement des minerais peuvent faire l’objet de contrôles réglementaires plus rigoureux (voir la section Lois en matière d’investissements étrangers et sécurité nationale).

Le lobbying est légal dans l’ensemble des provinces et territoires canadiens, mais il est soumis à des exigences rigoureuses de présentation de rapports et à des lois sur l’enregistrement. La surveillance des activités de lobbying est une problématique politique particulièrement sensible au Canada depuis quelques années. Les entreprises doivent avoir conscience des attentes élevées auxquelles elles doivent répondre si elles se livrent à de telles activités.

Les codes de conduite régissent les agissements des titulaires de charge publique, et non ceux des personnes qui interagissent avec eux. De tels codes de conduite régissent les activités qu’un titulaire de charge publique peut exercer ainsi que les avantages qu’il peut accepter, le cas échéant. Par exemple, une entreprise devrait éviter de placer par inadvertance des titulaires de charge publique en position de conflit d’intérêts, ce qui pourrait empêcher ces derniers de participer à un dossier en particulier et attirer également une attention négative sur les relations de l’entreprise avec le gouvernement.

Des codes de conduite distincts régissent les lobbyistes et leurs interactions avec les titulaires de charge publique. Un code de conduite modifié pour les lobbyistes est entré en vigueur le 1er juillet 2023. Ce dernier crée de nouvelles exigences en matière de divulgation et révise les limites imposées en ce qui concerne les cadeaux et les avantages. La nouvelle version du code utilise un langage plus général pour restreindre les circonstances dans lesquelles un lobbyiste inscrit peut faire du lobbying auprès d’un titulaire de charge publique, interdisant le lobbying auprès d’agents qui pourraient « raisonnablement avoir un sentiment d’obligation » envers le lobbyiste. Le nouveau code précise également que toutes ses interdictions et exigences s’étendent aux communications populaires.

Au Canada, les rapports entre les intervenants du secteur privé et les titulaires de charge publique sont généralement régis par les lois sur le lobbying. Ces lois prévoient que les entreprises et leurs employés peuvent être tenus de s’inscrire à l’égard de leurs activités en matière de relations gouvernementales auprès d’un registre central. Ce registre central peut être consulté par le public (habituellement sur Internet). Le régime législatif fédéral et es régimes législatifs provinciaux en matière de lobbying établissent une distinction entre les lobbyistes salariés (d’une entreprise ou d’une organisation) et les lobbyistes-conseils. Les entreprises et les organisations sont tenues de s’inscrire à l’égard de leurs activités de lobbying interne lorsque leurs employés rémunérés consacrent collectivement une part importante de leur temps aux communications réglementées avec des titulaires de charge publique. Le seuil précis qui détermine la nécessité de s’inscrire varie selon la province ou le territoire et peut changer au fil du temps avec l’évolution de la législation.

L’inscription des lobbyistes est examinée de plus en plus près dans presque toutes les provinces et tous les territoires du Canada. Le Parlement du Canada et chaque assemblée législative provinciale ont adopté une loi sur le lobbying. Certaines villes, comme Toronto et Ottawa, possèdent également des règlements exigeant l’inscription des personnes qui font du lobbying auprès de politiciens municipaux ou d’employés du gouvernement. Les activités de lobbying dans d’autres villes, comme St John's, dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador, et Montréal et Québec, dans la province de Québec, sont régies par des lois provinciales sur le lobbying.

Les types de communications qui peuvent nécessiter une inscription varient d’une province à l’autre. Généralement, ces communications comprennent : les communications avec des titulaires d’une charge publique (ce qui inclut non seulement les politiciens, mais aussi bon nombre d’employés gouvernementaux) concernant l’élaboration de propositions législatives; l’introduction, l’adoption, la modification ou le rejet de lois; l’élaboration ou la modification de politiques ou de programmes; l’octroi de subventions, de contributions ou d’autres avantages financiers; et, dans certains cas, l’octroi de contrats et l’organisation d’entretiens avec des titulaires d’une charge publique.

Contrairement aux États-Unis, à l’Australie et à d’autres pays, le Canada ne dispose pas d’un registre des agents étrangers. Toutefois, le gouvernement fédéral a lancé en mars 2023 des consultations publiques à ce sujet et devrait aller de l’avant avec la création d’un tel registre. Un registre de ce type exigerait probablement que les personnes ou entités agissant au nom d’un État étranger déclarent toute activité visant à influencer les politiques, les fonctionnaires ou les processus démocratiques du gouvernement canadien.

Une stratégie bien planifiée en matière de relations gouvernementales peut favoriser des relations productives et professionnelles avec les décideurs des gouvernements. Les représentants de l’industrie et les titulaires de charge publique peuvent tirer parti de ces relations puisqu’elles garantissent que tous les faits pertinents à une décision du gouvernement sont exprimés, compris et pris en considération. Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux du Canada font généralement de leur mieux pour mettre en œuvre des mesures transparentes et efficaces qui répondent aux besoins des entreprises. Toutefois, lorsqu’une entreprise s'adresse à des titulaires de charge publique, il est essentiel qu’elle connaisse et respecte les règles.

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