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Marchés publics

Par John Boscariol et Ljiljana Stanic

Chaque année, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi que les administrations municipales au Canada achètent plus de 150 milliards de dollars canadiens de produits et services.

Marchés publics du gouvernement fédéral

Les marchés publics du gouvernement fédéral sont assujettis à l’Accord sur les marchés publics de l’OMC (AMP-OMC), au chapitre 5 de l’Accord de libre-échange canadien (ALEC), au chapitre 19 de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne, au chapitre 19 de l’Accord intérimaire de continuité commerciale (ACC) entre le Canada et le Royaume-Uni et au chapitre 15 de l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) [collectivement, les « accords commerciaux »]. Les principales lois et politiques qui s’appliquent aux contrats fédéraux d’approvisionnement en produits et services comprennent la Loi sur la gestion des finances publiques, le Règlement sur les marchés de l’État, la Directive sur la gestion de l’approvisionnement, la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux et le Guide des clauses et conditions uniformisées d’achat (CCUA). Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) se charge de la plupart des achats des ministères responsables.

Ces engagements contraignent presque tous les ministères fédéraux et toutes les sociétés d’État. Bien que les accords commerciaux ne s’appliquent pas tous à chaque marché public, lorsqu’il y a chevauchement, l’accord le plus strict s’applique. Les fournisseurs canadiens sont protégés en vertu de tous les accords commerciaux qui s’appliquent à un marché particulier.

Notamment, l’Accord Canada–États-Unis-Mexique (ACEUM), qui a remplacé l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), ne contient pas d’obligations en matière de marchés publics qui lient le Canada ou tout autre organisme gouvernemental infranational (et n’offre aucun avantage aux entités canadiennes exerçant des activités aux États-Unis ou au Mexique). Malgré que les fournisseurs provenant des États-Unis et du Mexique ne bénéficient plus des avantages supplémentaires ni du champ d’application de l’ancien chapitre sur les marchés publics de l’ALENA, ils jouissent toujours des protections prévues par l’AMP-OMC. Les fournisseurs mexicains sont également visés par les obligations en matière de marchés publics du PTPGP.

Marchés publics des gouvernements provinciaux et territoriaux

Les pratiques d’appel d’offres et les attributions de marchés des gouvernements provinciaux et territoriaux (y compris les appels d’offres des sociétés d’État provinciales et des municipalités, des conseils scolaires, des établissements d’enseignement, de services sociaux et de santé financés par l’État (entités du secteur MESSS)) sont soumises à un certain nombre d’obligations dans le cadre d' accords commerciaux, mais pas tous. En particulier, ces gouvernements sont soumis à de nombreuses obligations dans le cadre de l’ALEC, de l’AECG et du PTPGP. Ces gouvernements sont également soumis à des obligations en vertu de l’AMP-OMC, bien que la portée de cet accord soit plus fortement restreinte et qu’il s’applique à un moins grand nombre de sociétés d’État et d’entités du secteur MESSS. Les provinces sont également assujetties à l’Accord sur les marchés publics entre le Canada et les États-Unis qui confirme les obligations des entités provinciales en vertu de l’AMP-OMC et prévoit certaines exemptions et protections pour les entités canadiennes qui répondent à des appels d’offres dans le cadre de marchés publics américains en vertu de la Recovery Act.

Chaque province et territoire a sa propre législation en la matière variant à différents degrés en complexité et formalité. Par exemple, en Ontario, aux termes de la Loi sur le ministère des Services gouvernementaux, le gouvernement provincial doit suivre les politiques et directives établies par le Conseil de gestion du gouvernement à l’égard de marchés publics pour la construction, la rénovation ou la réparation d’un ouvrage public. Le ministère des Services gouvernementaux est chargé de l’élaboration de la politique-cadre en matière de marchés publics, notamment des lignes directrices, pour le gouvernement de l’Ontario. L’Ontario a récemment adopté une approche fondée sur un point d’approvisionnement unique pour la gestion de la chaîne d’approvisionnement provinciale en faisant appel à ApprovisiOntario.

Les politiques actuelles de l’Ontario en matière de marchés publics prévoient notamment un système électronique d’appel d’offres, un traitement sans préférence à l’égard des fournisseurs locaux et une politique régissant les conflits d’intérêts. L’Ontario a récemment adopté la Loi de 2022 sur l’initiative favorisant l’essor des entreprises ontariennes qui, une fois entrée en vigueur (à une date à préciser), exigera des acheteurs du secteur public de l’Ontario qu’ils accordent une préférence aux entreprises ontariennes (telles qu’elles seront définies dans les règlements) lorsqu’ils mènent des processus d’approvisionnement en produits et services en dessous d’un montant seuil qui sera stipulé dans les règlements. Des consultations sont en cours concernant le projet de règlement d’application de cette loi. En outre, les processus d’approvisionnement menés par les entités du secteur parapublic, y compris les conseils scolaires et les hôpitaux, sont soumis aux exigences de la Directive en matière d’approvisionnement dans le secteur parapublic de l’Ontario qui comprend un Code d’éthique pour la gestion de la chaîne d’approvisionnement et 25 exigences obligatoires. L’une de ces exigences est le respect des engagements de l’Ontario en vertu des accords commerciaux.

Marchés publics des administrations municipales

Les processus de passation des marchés publics municipaux sont en général régis par la common law et codifiés dans les règlements administratifs, politiques en matière de marchés publics et procédures d’achat municipaux. Certaines lois provinciales, comme la Loi sur les municipalités de l’Ontario, obligent les municipalités à établir des politiques en matière d’achat de biens et services.

De plus, de nombreux marchés publics municipaux comportent des exigences créées par les engagements pris dans le cadre de divers accords commerciaux, notamment l’AECG et l’ALEC.

Accord économique et commercial global et Partenariat transpacifique

Le gouvernement canadien a mis en œuvre l’AECG qui ouvre sensiblement le marché de l’approvisionnement des gouvernements provinciaux, des administrations municipales et des services publics aux fournisseurs européens. Les fournisseurs canadiens, y compris les filiales ou sociétés affiliées d’entités étrangères, profitent de ce meilleur accès au marché. L’AECG prévoit des normes strictes régissant la conduite des appels d’offres et les attributions pour les marchés publics fédéraux, provinciaux et municipaux. Les principales obligations en matière de marchés publics communes à l’ensemble des accords commerciaux comprennent notamment l’interdiction d’exercer une discrimination fondée sur le pays ou la province d’origine, un processus d’appel d’offres ouvert et transparent et un processus d’approvisionnement concurrentiel et équitable.

Le Canada a aussi mis en place le PTPGP qui prévoit l’imposition de normes additionnelles applicables au processus d’approvisionnement. L’un des principaux objectifs du PTPGP est d’empêcher les entités acheteuses d’exercer une discrimination à l’égard des fournisseurs des 11 pays de la région du Pacifique membres du partenariat. Le PTPGP exige notamment du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux et territoriaux du Canada qu’ils utilisent des moyens d’approvisionnement électroniques, qu’ils veillent à ce que les avis de marché envisagé soient largement accessibles et qu’ils accordent aux fournisseurs des délais minimaux pour répondre à ces avis. Cependant, les fournisseurs doivent prendre note que les gouvernements canadiens ne sont pas tenus de suivre les procédures d’approvisionnement normalisées pour les contrats d’une valeur inférieure à certains seuils financiers prescrits, ou lorsque l’objet du contrat est exempté de ces procédures. Les seuils financiers diffèrent d’un accord commercial à l’autre, peuvent fluctuer d’une année à l’autre et varient selon le type de contrat et, dans certains cas, selon l’entité acheteuse.

LES PRINCIPALES OBLIGATIONS EN MATIÈRE DE MARCHÉS PUBLICS, COMMUNES À TOUS LES ACCORDS COMMERCIAUX, SONT LES SUIVANTES : LA NON-DISCRIMINATION FONDÉE SUR LE PAYS OU LA PROVINCE D’ORIGINE; UNE PROCÉDURE D’APPEL D’OFFRES OUVERTE ET TRANSPARENTE; UNE PROCÉDURE D’APPEL D’OFFRES CONCURRENTIELLE; ET UNE PROCÉDURE D’APPEL D’OFFRES ÉQUITABLE.

Dans la foulée du Brexit, les obligations prévues par l’AECG en matière de marchés publics ne s’appliquaient plus au Royaume-Uni. Toutefois, le Canada a conclu un accord intérimaire de continuité commerciale avec le Royaume-Uni qui préserve les conditions de l’AECG, y compris en ce qui concerne les marchés publics, en attendant la conclusion des négociations (qui devraient se terminer en 2024) pour un nouvel accord commercial global entre le Canada et le Royaume-Uni, et l’entrée en vigueur de cet accord. Le 21 mars 2023, le Royaume-Uni a annoncé la conclusion des négociations sur son adhésion au PTPGP. L’adhésion entrera en vigueur une fois qu’elle aura été ratifiée par le Royaume-Uni et les autres membres du PTPGP, ce qui devrait se produire au cours du second semestre de 2024.

Approvisionnement en matière de défense et Programme des marchandises contrôlées

En ce qui concerne l’approvisionnement du Canada en matière de défense, la Loi sur la production de défense (LPD) confère au ministre de SPAC la responsabilité d’administrer la LPD et le pouvoir exclusif de faire l’acquisition, notamment par achat, du matériel de défense et de faire construire les ouvrages de défense que requiert le ministère de la Défense nationale. Des exigences de sécurité s’appliquent aux particuliers, aux installations et aux marchandises et technologies contrôlées. Le Programme de sécurité industrielle prévoit des enquêtes de sécurité au sujet des entrepreneurs avant que ne leur soient confiés des renseignements et des biens classifiés et protégés du gouvernement. Le Programme des marchandises contrôlées est le programme national de sécurité industrielle du Canada. Il prévient la prolifération de la technologie et des biens tactiques et stratégiques, dont la technologie des missiles, le matériel militaire et la propriété intellectuelle qui s’y rattachent. McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l. est inscrit au Programme des marchandises contrôlées et est autorisé à recevoir des marchandises et des technologies contrôlées. Le programme mixte d’agrément protège les données techniques militaires importantes non classifiées contre des adversaires communs, mais autorise la circulation de ces données aux entreprises américaines et canadiennes du secteur privé qui en ont véritablement besoin.

Deux points importants sont à noter en ce qui concerne l’approvisionnement en matière de défense. Premièrement, ces marchés ne sont généralement pas couverts par les accords commerciaux, à l’exception de l’ALEC. Selon une jurisprudence constante, la seule façon de tirer parti des dispositions de l’ALEC est de soumissionner par l’intermédiaire d’une entité canadienne — il ne suffit pas qu’une entreprise canadienne soit un sous-traitant au sein de l’équipe ni qu'elle soit l'entité qui conclura le marché sous sa forme définitive.

Deuxièmement, de nombreux marchés d’approvisionnement de la défense de grande valeur feront l’objet d’exemptions au titre de la sécurité nationale. Celles-ci exemptent les marchés publics des obligations des accords commerciaux et les soustraient à la compétence du Tribunal canadien du commerce extérieur. Les contestations relatives à ces marchés doivent plutôt être structurées autour d’allégations de violation d’obligations de droit public ou de droit privé dans le cadre d’un recours judiciaire devant la Cour fédérale ou la cour provinciale compétente.

Formes de marchés publics

Les marchés publics du gouvernement fédéral sont assujettis à une abondance de procédures, allant de l’appel d’offres officiel au marché de gré à gré. En pratique, ce sont surtout les demandes de propositions, les offres permanentes et les accords d’approvisionnement qui dominent. On peut aussi établir une liste des soumissionnaires admissibles par voie de demandes de qualification dans le cas de demandes de soumissions plus complexes et de grande valeur. Le devis descriptif doit être rédigé de manière à optimiser la concurrence, sauf s’il est nécessaire d’imposer des restrictions pour répondre aux besoins opérationnels légitimes du gouvernement. La législation sur les marchés publics prévoit en général que pour être retenue, une soumission doit respecter toutes les exigences obligatoires énoncées dans la demande de propositions. En général, un marché est attribué au soumissionnaire admissible dont la soumission est recevable aux termes de la demande de propositions ou de l’appel d’offres et est la plus avantageuse pour le gouvernement eu égard uniquement au prix et à des facteurs autres que le prix énoncés dans le document d’appel d’offres. Les soumissionnaires qui sont radiés, suspendus ou déclarés non admissibles ne peuvent être retenus.

Un certain nombre de provinces (dont l’Alberta et l’Ontario) ont créé des cadres permettant d’accepter et d’étudier des propositions spontanées (PS). Ces cadres visent les projets d’infrastructure à grande échelle et permettent aux fournisseurs de faire des propositions à la province concernant des projets potentiels sans qu’un appel d’offres soit émis au préalable. Ces cadres contiennent des exigences strictes visant à garantir que l’acheteur optimise la valeur du marché en faveur du contribuable et qu’il respecte tous les accords commerciaux et toutes les autres obligations en matière de marchés publics. Selon les circonstances, la province peut accepter d’emblée la PS, entamer des négociations avec le fournisseur, rejeter la PS ou utiliser la PS pour lancer une procédure d’appel d’offres complète.

Un certain nombre de sociétés d’État et d’autres entités provinciales commencent à faire l’essai de structures d’approvisionnement progressives dans le cadre de leurs projets de PPP. Ces structures sont conçues pour favoriser la collaboration entre le responsable du projet et le partenaire contractuel afin de définir les exigences, la conception et les prix du projet dans une phase de développement suivant une procédure de sélection concurrentielle.

Le Régime d’intégrité

Les soumissionnaires qui souhaitent faire affaire avec le gouvernement fédéral doivent se conformer au Régime d’intégrité de SPAC (le « Régime d’intégrité »). En vertu du Régime d’intégrité, un fournisseur n’est pas admissible à présenter une soumission si lui ou des membres de son conseil d’administration ont été reconnus coupables, ou absous, au cours des trois dernières années, de l’une des infractions à la loi canadienne indiquées ci-dessous :

  • paiement d’honoraires conditionnels à une personne visée par la Loi sur le lobbying;
  • corruption, collusion, truquage d’offres ou toute autre activité anticoncurrentielle en vertu de la Loi sur la concurrence;
  • blanchiment d’argent;
  • participation aux activités d’une organisation criminelle;
  • évasion fiscale au titre de l’impôt sur le revenu et de la taxe d’accise;
  • corruption d’un agent public étranger;
  • infraction liée au trafic de stupéfiants;
  • extorsion;
  • corruption de fonctionnaires judiciaires;
  • corruption de fonctionnaires;
  • commission secrète;
  • violation criminelle de contrat;
  • manipulation frauduleuse d’opérations boursières;
  • délit d’initié;
  • fabrication de faux et infractions similaires; et
  • falsification de livres et de documents.

Au moment de la soumission, tous les fournisseurs doivent présenter une attestation indiquant qu’au cours des trois dernières années, la société et ses administrateurs, ainsi que ses affiliées et leurs administrateurs, n’ont pas été accusés ou reconnus coupables de l’une des infractions ci-dessus ou d’infractions étrangères semblables, et n’ont obtenu aucune absolution inconditionnelle ou conditionnelle en ce qui a trait à l’une de ces infractions. Dans le cadre de cette attestation, les fournisseurs sont tenus de divulguer toutes les infractions commises à l’étranger semblables aux infractions figurant dans la liste ci-dessus, dont eux ou leurs affiliées et leurs administrateurs ont été reconnus coupables à l’étranger. Cette exigence requiert une diligence et des systèmes de surveillance rigoureux afin de permettre une divulgation rapide au moment de la soumission. Le fait de fournir des attestations fausses ou trompeuses est, en soi, un motif d’exclusion.

Les fournisseurs exclus sont inadmissibles à soumissionner pour une période de dix ans à compter de la détermination. Si, toutefois, un fournisseur exclu corrige la cause fondamentale de l’infraction ou coopère pleinement avec les autorités gouvernementales, la durée de l’exclusion peut être réduite. Jusqu’à cinq années peuvent ainsi être retranchées de la période d’inadmissibilité, mais cette réduction doit faire l’objet d’une entente administrative en vertu de laquelle les forces de l’ordre peuvent assurer une surveillance continue du comportement du fournisseur.

La période d’exclusion est perpétuelle pour les fournisseurs qui sont reconnus coupables de fraude à l’encontre du gouvernement fédéral en vertu du Code criminel du Canada ou de la Loi sur la gestion des finances publiques. Tous ces fournisseurs seront radiés de façon permanente jusqu’à ce qu’une suspension de casier judiciaire soit obtenue.

Le gouvernement fédéral peut également suspendre un fournisseur pour une période allant jusqu’à 18 mois dès que ce fournisseur est accusé ou se reconnaît coupable de l’une des infractions figurant dans la liste ci-dessus ou d’une infraction semblable à l’étranger, ou jusqu’à ce qu’une décision soit rendue ou un plaidoyer soit déposé à l’égard des accusations. Le Régime d’intégrité n’étend pas explicitement cette disposition en matière de suspension aux violations par des sociétés affiliées au fournisseur.

Le Régime d’intégrité interdit aux fournisseurs de conclure un contrat de sous-traitance avec des entités exclues. La conclusion d’un tel contrat en toute connaissance de cause entraînera l’exclusion du fournisseur pour une période de cinq ans. Il est probable que cette interdiction soit évaluée en fonction de la responsabilité stricte. Par conséquent, tous les entrepreneurs devraient mettre en œuvre des procédures de diligence raisonnable visant spécifiquement la conformité au Régime d’intégrité de tout sous-traitant potentiel.

Si une société affiliée au fournisseur a commis l’une des infractions figurant dans la liste ci-dessus ou une infraction semblable à l’étranger, SPAC peut exclure le fournisseur. Le Régime d’intégrité exige que la société affiliée soit évaluée par un tiers indépendant, retenu par le fournisseur, afin de déterminer si le fournisseur a participé de quelque façon que ce soit à l’infraction sous-jacente. Si le fournisseur peut démontrer qu’il n’a pas participé à l’infraction, il ne sera pas exclu. Des entités sont considérées comme étant affiliées quand l’une contrôle l’autre, quand les deux entités sont contrôlées par une même tierce partie ou quand il n’y a aucun contrôle direct entre les entités, mais que divers indices de contrôle prescrits indiquent un lien d’affiliation.

Le gouvernement fédéral conserve la capacité d’accorder certaines exceptions liées à la protection de l’intérêt public quant aux exigences du Régime d’intégrité. Ces exceptions ne peuvent être accordées que dans les situations où il faut retenir les services d’un fournisseur exclu et où il n’existe aucune autre possibilité raisonnable. Les facteurs qui peuvent justifier une exception visant à protéger l’intérêt public comprennent l’incapacité d’autres fournisseurs à exécuter le contrat, les situations imprévues, les questions de sécurité nationale ou la possibilité d’un préjudice important aux intérêts financiers du gouvernement si l’exception n’est pas appliquée. Un fournisseur exclu de façon permanente ne peut bénéficier de cette exception.

Si, au cours d’un marché de fournitures, le fournisseur est reconnu coupable d’une des infractions susmentionnées ou d’une infraction semblable à l’étranger, le gouvernement fédéral a le droit de résilier le contrat. Le gouvernement fédéral n’est toutefois pas obligé de résilier le contrat et les fournisseurs ont le droit de présenter des arguments pour justifier la non-résiliation du contrat. Dans les cas où le gouvernement fédéral choisit de ne pas résilier le contrat, il doit mettre en place une entente administrative prévoyant la surveillance du contrat par un tiers indépendant.

À la fin de 2018, le gouvernement canadien a entamé des consultations sur des changements de grande envergure à apporter au Régime d’intégrité. Les changements prévus augmenteraient la souplesse du système à condition que les auteurs d’actes répréhensibles se manifestent volontairement, admettent leur faute et prennent des mesures pour y remédier. Les changements élargiraient aussi considérablement la portée des infractions justifiant l’exclusion pour inclure, entre autres, les violations de la législation sur les sanctions, le fait d’être reconnu coupable d’une infraction entraînant l’inscription d’un fournisseur au Registre des contrevenants environnementaux ou le fait d’adopter un comportement qui « discrédite les marchés publics du gouvernement fédéral ou qui serait contraire aux politiques publiques du Canada ». Ces modifications n’ont pas encore été transposées en droit canadien à la date de publication.

Contestation des offres et plaintes

Les achats du gouvernement fédéral sont assujettis au mécanisme de contestation des offres du Canada qui relève de la compétence du Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE). Le TCCE est autorisé à mener des enquêtes visant à vérifier que les entités acheteuses fédérales respectent les accords commerciaux. Le TCCE exige qu’une plainte soit déposée dans un délai de dix jours ouvrables suivant la date à laquelle le plaignant a connaissance ou aurait dû avoir connaissance des motifs de la plainte.

Si le TCCE établit qu’un appel d’offres, un projet de contrat ou un octroi de contrat ne respecte pas les exigences de la législation ou d’un accord commercial international, le TCCE peut recommander que l’entité contractante, généralement SPAC, prenne des mesures correctives, notamment les suivantes : résilier le contrat, procéder à un nouvel appel d’offres, attribuer un contrat ou verser une indemnité au plaignant pour manque à gagner. Le TCCE peut aussi recommander que l’organisme contractant rembourse au plaignant la totalité des frais entraînés par la préparation d’une réponse à l’appel d’offres et des frais associés au dépôt et à la poursuite de la contestation.

Les autorités provinciales et municipales ont leur propre mécanisme de contestation des offres. La Colombie-Britannique, l’Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba disposent d’un mécanisme de réclamation relative à une offre qui régit tous les marchés publics de ces provinces. Les fournisseurs alléguant une violation de l’AECG, de l’ALEC ou d’autres accords commerciaux applicables peuvent recourir au mécanisme de réclamation relative à une offre.

D’autres provinces n’ont pas de mécanisme de plainte spécifique et les plaignants seront probablement obligés de demander réparation au moyen d’un contrôle judiciaire. L’Ontario l’a récemment démontré lorsqu’un fournisseur européen a porté plainte auprès du directeur d’ApprovisiOntario alléguant que ses droits en vertu de l’AECG avaient été violés par un marché public du ministère des Transports. Lorsque le directeur a rejeté la plainte, la Cour divisionnaire s’est saisie d’une demande de contrôle judiciaire qui a annulé la décision du directeur et la passation de marché sous-jacente au motif qu’elles violaient les engagements pris par l’Ontario dans le cadre de l’AECG.

Les cours supérieures fédérales et provinciales peuvent aussi entendre les réclamations de soumissionnaires faisant valoir que les appels d’offres ont été menés en violation de leurs droits en common law fondés sur un contrat ou la responsabilité délictuelle. Tous les marchés publics des entités fédérales, provinciales et municipales relèvent de la compétence des tribunaux et de la common law en vertu du principe du « contrat A » et du « contrat B ». Les tribunaux ont statué que lorsqu’un soumissionnaire conforme répond à un appel d’offres, un contrat théorique appelé le « contrat A » est formé. L’une des clauses de ce « contrat A » stipule que le soumissionnaire, s’il est retenu, doit remplir les conditions de son offre en concluant le « contrat B » qui est le contrat relatif à l’exécution du travail visé. Toutefois, pendant le processus d’appel d’offres, les parties sont régies par les règles expressément prévues dans les documents d’appel d’offres. L’entité gouvernementale acheteuse a aussi un certain nombre d’obligations implicites envers les soumissionnaires d’un « contrat A », notamment celles d’offrir des conditions équitables de concurrence, de divulguer tous les renseignements nécessaires, de refuser les soumissionnaires non conformes, d’attribuer le marché au soumissionnaire gagnant et d’attribuer le marché conformément à l’offre.

Depuis quelques années, un nombre croissant d’entités acheteuses tentent d’éviter la formation d’un « contrat A » en rédigeant des appels d’offres « sans contrat A ». Si aucun « contrat A » n’est formé, les obligations connexes ne s’appliquent pas, et donc aucune réclamation en dommages-intérêts pour rupture de contrat ne peut être présentée. Ce processus donne également davantage de latitude aux soumissionnaires et aux acheteurs pour prendre part à un processus de demande de propositions négocié. Bien qu’un tel processus puisse généralement éliminer une importante source de responsabilité, les soumissionnaires doivent être au fait de deux éléments. D’abord, même si les parties ont explicitement renoncé à un « contrat A » dans le processus de demande de soumissions, les tribunaux ont statué qu’un « contrat A » peut tout de même être formé dans certaines circonstances. Deuxièmement, dans les situations où aucun « contrat A » n’est formé, il y a une probabilité accrue que le marché soit contesté au moyen d’un processus de contrôle judiciaire ou administratif.

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