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Lois en matière d’investissements étrangers et sécurité nationale

Par Mike Caldecott et Will Rooney

Aperçu général

Au Canada, c’est la Loi sur Investissement Canada (LIC) qui régit l’examen des investissements étrangers. Celle-ci prévoit deux régimes distincts : i) l’examen d’investissements précis du point de vue économique ou culturel (le « régime de l’avantage net »), qui consiste en un examen obligatoire et suspensif des investissements qui dépassent certains seuils financiers prescrits. Un investissement qui ne dépasse pas ces seuils peut tout de même faire l’objet d’une exigence d’avis dans le cadre du régime de l’avantage net; et ii) l’examen relatif à la sécurité nationale.

LA LIC PRÉVOIT DEUX RÉGIMES D’APPLICATION : I) L’EXAMEN D’INVESTISSEMENTS PRÉCIS POUR VÉRIFIER QU’ILS SONT À L’AVANTAGE NET DU CANADA ET II) L’EXAMEN RELATIF À LA SÉCURITÉ NATIONALE.

Le régime de l’avantage net de la LIC s’applique chaque fois qu’un investisseur non canadien : i) prend le contrôle d’une entreprise canadienne; ou ii) constitue une nouvelle entreprise canadienne. Le régime de la sécurité nationale, quant à lui, s’applique à tout investissement (y compris les investissements minoritaires) dans des unités exploitées en tout ou en partie au Canada.

Les dispositions de la LIC relatives à l’avantage net peuvent entraîner la suspension de certains investissements faits par des non-Canadiens dans des entreprises canadiennes, lorsqu’ils dépassent des seuils précis. Ces seuils varient en fonction de l’identité de l’investisseur et du fait que l’entreprise canadienne visée se livre à des activités culturelles mentionnées dans la LIC (dans ce dernier cas, les seuils applicables sont beaucoup plus bas).

Lorsqu’un investissement visé ne fait pas l’objet d’un examen de son avantage net entraînant sa suspension, l’investisseur doit présenter un avis d’investissement, qui s’applique à toute acquisition directe ou indirecte du contrôle d’une entreprise canadienne (et à la constitution d’une nouvelle entreprise canadienne). Ce processus exige de remplir un formulaire assez court, soit avant l’opération, soit dans les 30 jours suivants sa conclusion.

Les dispositions de la LIC en matière de sécurité nationale ont une portée plus large. La LIC accorde au gouvernement du Canada le pouvoir d’examiner tout investissement en actions ou en actifs d’une société non canadienne (y compris les participations sans contrôle) dans une unité canadienne pour vérifier s’il porte atteinte à la sécurité nationale. Le gouvernement peut approuver (avec ou sans condition), bloquer ou annuler ces opérations. Les dispositions de la LIC sur la sécurité nationale s’appliquent aux acquisitions d’unités qui ne constituent pas des « entreprises canadiennes » et à la plupart des réorganisations d’entreprise (même s’il n’y a pas de changement de contrôle).

Il est important de noter que les investissements par des investisseurs que le gouvernement du Canada estime être des sociétés d’État (SE) étrangères, ainsi que ceux faits à l’égard d’unités actives au Canada dont l’exploitation concerne certains secteurs plus sensibles reçoivent une attention particulière en vertu de la LIC et des documents de politique connexes.

Les modifications législatives concernant le régime relatif à la sécurité nationale de la LIC, déposées au Parlement fédéral, pourraient changer de nombreux aspects du régime actuel. Ces éventuelles modifications, dont l’adoption n’est pas prévue avant le premier trimestre de 2024, sont abordées plus en détail ci-dessous.

Lois pertinentes

La LIC est la seule loi fédérale sur les investissements étrangers d’application générale au Canada. Elle est soutenue par deux ensembles de dispositions réglementaires pertinents : le Règlement sur Investissement Canada (DORS/85-611) et le Règlement sur les investissements susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale (DORS/2009-271).

Certaines dispositions législatives complètent le cadre de la LIC pour restreindre la propriété et l’investissement étranger dans des secteurs précis, dont les services financiers, le transport aérien, la radiodiffusion et les télécommunications. Il existe aussi des obstacles à l’investissement étranger dans les secteurs des médias (y compris l’industrie cinématographique) et de l’édition.

La Loi sur la concurrence (Canada) régit également de manière distincte les investissements ayant un lien avec le Canada. L’observation des dispositions de la LIC n’empêche pas l’examen ou la prise de mesures de la part du Bureau de la concurrence du Canada en vertu des dispositions relatives aux fusionnements de la Loi sur la concurrence. Voir la section Droit de la concurrence. De plus, les investissements dans des entreprises de transport soulevant des questions d’intérêt public et dépassant les seuils de préavis de fusionnement de la Loi sur la concurrence peuvent aussi faire l’objet de l’examen préalable prévu par la Loi sur les transports au Canada.

Confidentialité

Les renseignements fournis en vertu de la LIC sont considérés comme confidentiels et, sous réserve d’exceptions limitées, ne sont pas divulgués au public. Ces renseignements sont protégés contre les demandes présentées en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.

Les renseignements fournis par un investisseur peuvent néanmoins être communiqués à d’autres organismes d’enquête canadiens. Toutefois, de façon générale, les renseignements fournis dans le contexte de l’examen d’un investissement sont à l’abri de toute divulgation à d’autres organismes gouvernementaux, à moins que la divulgation ne soit nécessaire pour l’application et l’exécution de la LIC.

Dans le contexte d’un examen relatif à la sécurité nationale, le gouvernement peut les communiquer aux organismes d’enquête visés par règlement, ceux-ci pouvant eux-mêmes les communiquer à d’autres organismes aux fins de leur enquête. Le gouvernement communique également des renseignements à des organismes étrangers qui mènent des enquêtes semblables relatives à la sécurité nationale. Une telle coopération a habituellement lieu avec les proches alliés du Canada (p. ex., les pays du « Groupe des cinq »).

Cible de la LIC : les investissements étrangers

La LIC ne s’applique qu’aux investissements proposés ou réalisés par des non-Canadiens. Si l’investisseur qui exerce le contrôle ultime est un Canadien, la LIC ne s’applique pas. Un « Canadien » s’entend : i) d’un citoyen canadien ou d’un résident permanent du Canada; ii) du gouvernement canadien (y compris les organismes publics et les administrations provinciales ou locales); ou iii) d’une unité sous contrôle canadien (selon la nationalité de la ou des personnes qui exercent le contrôle ultime de l’investisseur).

Examen de l’avantage net pour le Canada

Application : acquisition du contrôle d’une entreprise culturelle canadienne

Comme mentionné ci-dessus, certains investissements qui atteignent des seuils prescrits font l’objet d’un examen obligatoire et suspensif en vertu du régime de l’avantage net. Ce régime vise les acquisitions du contrôle d’une entreprise canadienne.

Une acquisition, toujours par un non-Canadien, peut survenir de l’une des trois manières suivantes : a) l’acquisition d’actions avec droit de vote d’une personne morale constituée au Canada; b) l’acquisition d’intérêts avec droit de vote d’une société sans capital-actions, d’une société de personnes, d’une fiducie ou d’une coentreprise qui exploite l’entreprise; ou c) l’acquisition de la quasi-totalité des actifs d’exploitation de l’entreprise.

Une entreprise canadienne s’entend d’une entreprise exploitée au Canada qui : a) possède un établissement au Canada; b) emploie au Canada des personnes qui travaillent contre rémunération dans le cadre de son exploitation; et c) dispose d’actifs au Canada pour son exploitation.

Examen sans rapport avec la perspective culturelle

En cas d’atteinte de certains seuils financiers, les prises de contrôle directes d’une entreprise canadienne qui n’est pas une entreprise culturelle (au sens donné dans la prochaine section) font l’objet d’un examen pour déterminer si l’opération est à l’avantage net du Canada. Le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie doit approuver de telles opérations avant qu’elles puissent être conclues. Les acquisitions d’entreprises canadiennes non culturelles, de leur côté, ne doivent faire l’objet que d’un avis d’investissement, lequel peut être présenté avant leur conclusion ou dans les 30 jours qui la suivent.

Le seuil qui déclenche l’examen de l’acquisition d’une entreprise canadienne non culturelle dépend de l’identité de l’investisseur. Le seuil d'un « investisseur (traité commercial) » (une personne ou une unité des pays avec lesquels le Canada a signé des accords commerciaux précis) est plus élevé que celui d’un « investisseur OMC » (une personne ou une unité d’un pays membre de l’Organisation mondiale du commerce, autre que le Canada). Ces seuils, calculés au moyen des valeurs comptables se fondant sur les derniers états financiers audités, sont les suivants :

  • 1,931 G$ CA (2023) en valeur d’affaire de la société cible lorsque l’acquéreur ou la cible est un « investisseur (traité commercial) » n’appartenant pas à l’État;
  • 1,287 G$ CA (2023) en valeur d’affaire de la société cible lorsque l’acquéreur ou la cible n’appartenant pas à l’État fait l’objet d’un contrôle dans d’autres pays membres de l’OMC (par exemple, des investisseurs contrôlés en Chine).
LE SEUIL DE L’EXAMEN DE L’« AVANTAGE NET » CHANGE SI L’INVESTISSEUR EST UNE SOCIÉTÉ D’ÉTAT.

Le seuil de l’examen de l’« avantage net » change si l’investisseur est une SE. Les investissements par des unités dont le contrôle ultime est exercé par une SE font l’objet d’un examen lorsque la valeur comptable des actifs de l’entreprise canadienne s’établit à 512 M$ CA (2023) ou à davantage.

La définition de ce qui constitue une SE au sens de la LIC est large. Elle comprend une unité contrôlée ou influencée, directement ou indirectement, par un gouvernement ou un organisme d’un État étranger. En plus de cette définition flexible, le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie dispose du pouvoir de déterminer rétroactivement qu’une unité est contrôlée en fait par une SE, de même que de déterminer rétroactivement s’il y a eu acquisition du contrôle de fait par une SE.

Examen du point de vue culturel

La LIC prévoit un régime d’examen de l’avantage net semblable pour les investissements qui concernent des entreprises en lien avec le « patrimoine culturel ou l’identité nationale » du Canada. Cela comprend la publication de livres, de revues et de journaux, la production et la distribution de films, la production et la distribution de musique, et les activités de télédiffusion et de radiodiffusion. Le gouvernement canadien a donné à ce terme une interprétation large, pour y inclure d’autres activités analogues non mentionnées dans la liste, comme les jeux vidéo, la présentation de contenu vidéo dans les médias en ligne et d’autres activités numériques.

L’examen d’une entreprise culturelle se distingue de l’examen de l’avantage net sans rapport avec la perspective culturelle par une portée plus large et des seuils plus bas. Lorsqu’un non-Canadien cherche à prendre le contrôle d’une entreprise culturelle canadienne, directement ou indirectement, l’examen et l’approbation de la ministre du Patrimoine canadien sont nécessaires si les seuils suivants (calculés au moyen des valeurs comptables se fondant sur les derniers états financiers audités) sont atteints :

  • lorsqu’il y a acquisition directe du contrôle d’une entreprise culturelle canadienne (c.-à-d. que l’unité cible qui réalise l’opération est domiciliée au Canada), la valeur comptable des actifs de l’entreprise canadienne s’établit à 5 M$ CA ou plus;
  • lorsqu’il y a acquisition indirecte du contrôle d’une entreprise canadienne, si : i) l’entreprise canadienne a des actifs d’une valeur de 50 M$ CA ou plus, ou ii) l’entreprise canadienne représente plus de 50 % des actifs du groupe d’unités acquises et elle a des actifs d’une valeur de 5 M$ CA ou plus.

Les acquisitions directes d’une entreprise culturelle dépassant le seuil applicable doivent être examinées et approuvées avant leur conclusion. En ce qui concerne les acquisitions indirectes, l’examen peut être réalisé et l’approbation peut être obtenue après leur conclusion.

Il faut souligner que même si l’acquisition ou l’établissement d’une entreprise culturelle ne rend pas applicable le seuil d’examen, le Cabinet fédéral peut néanmoins ordonner un examen s’il l’estime dans l’intérêt public.

Procédure et examen approfondi

Lorsqu’un investissement est assujetti à un examen de son avantage net pour le Canada, l’investisseur doit présenter une demande d’examen au ministre approprié (pour une entreprise culturelle, la ministre du Patrimoine canadien et pour les autres entreprises, le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie). Cette demande comprend deux éléments de base :

  • des renseignements de base compris dans le formulaire de demande (information générale sur l’investisseur, son contrôlant ultime et l’entreprise canadienne acquise); et
  • une description détaillée des projets pour l’entreprise canadienne après la fusion, couvrant des sujets pertinents pour les intérêts économiques du Canada, notamment : l’emploi, la participation canadienne dans la gestion, la présence de l’entreprise au Canada, l’investissement continu dans l’entreprise canadienne et la R-D.

Habituellement, la description des projets doit faire état du rendement historique de l’entreprise canadienne et le présenter comme point de référence au ministre approprié, aux fins d’évaluer la proposition de l’investisseur.

Pour obtenir l’approbation dans le cadre du régime de l’examen de l’avantage net, le ministre concerné doit être d’avis, ou réputé être d’avis, que l’investissement « sera vraisemblablement à l’avantage net du Canada ».

Pour déterminer en quoi consiste « l’avantage net du Canada », le ministre concerné doit tenir compte de ce qui suit :

  • l’effet de l’investissement sur le niveau et la nature de l’activité économique au Canada;
  • l’étendue et l’importance de la participation de Canadiens dans l’entreprise canadienne et le secteur d’activité dont elle fait partie;
  • l’effet de l’investissement sur la productivité, le rendement industriel, le progrès technologique, la création de produits nouveaux et la diversité des produits au Canada;
  • l’effet de l’investissement sur la concurrence dans un ou plusieurs secteurs d’activité au Canada;
  • la compatibilité de l’investissement avec les politiques nationales en matière industrielle, économique et culturelle; et
  • la contribution de l’investissement à la compétitivité canadienne sur les marchés mondiaux.

Dans le contexte de l’examen de l’investissement du point de vue culturel, le ministre concerné doit tenir compte de la mission du ministère du Patrimoine canadien de promouvoir le contenu canadien dans divers médias.

Dans les cas où un examen de l’avantage net est exigé, le ministre concerné peut déterminer si l’investissement sera vraisemblablement à l’avantage net du Canada ou non jusqu’à 45 jours après la réception de la demande remplie. Il a la possibilité d’étendre le délai de son examen de 30 jours civils, et c’est ce qu’il fait habituellement. D’autres prorogations surviennent très souvent, avec l’accord de l’investisseur.

Pour cette raison, les délais des examens de l’avantage net pour le Canada peuvent être longs. En 2021-2022 (la plus récente année pour laquelle les données étaient disponibles), huit entreprises non culturelles ont fait l’objet d’un examen. Le temps d’évaluation moyen a été de 88 jours. En 2019-2020 (la plus récente année pour laquelle les données étaient disponibles), cinq investissements culturels ont fait l’objet d’un examen automatique par le ministère du Patrimoine canadien. Le temps d’évaluation moyen de ces demandes d’examen a été de 143 jours.

Si le ministre concerné conclut initialement que l’investissement ne sera pas à l’avantage net du Canada, le non-Canadien aura l’occasion de présenter des observations et de soumettre des engagements à l’égard de l’investissement en vue de satisfaire à ces exigences. Dans la plupart des examens de l’avantage net, l’investisseur doit présenter des engagements contraignants au ministre concerné, habituellement ayant trait à des facteurs économiques nationaux comme l’emploi au Canada, les dépenses en capital au Canada, le maintien de Canadiens à des postes de direction et la conservation des droits de propriété intellectuelle canadienne.

LE GOUVERNEMENT DU CANADA A ÉGALEMENT PUBLIÉ DES LIGNES DIRECTRICES SUR LES EXAMENS DES INVESTISSEMENTS PAR DES ENTREPRISES D’ÉTAT ÉTRANGÈRES.

Investissements par des sociétés d’État

Le gouvernement du Canada a publié un certain nombre d’énoncés de politique qui visent en particulier les SE. Certains sont propres à des secteurs. Les énoncés de politique du gouvernement expliquent que les investissements étrangers par des SE dans les sables bitumineux ou les minéraux critiques ne seront que rarement jugés être à l’avantage net du Canada. D’autres principes directeurs ont trait à l’identité de l’investisseur. L’Énoncé de politique sur l’examen des investissements étrangers et la crise en Ukraine, en particulier, indique que des investissements de la part de SE russes ne seront considérés être à l’avantage net du Canada « qu’à titre exceptionnel ».

En sus de cet énoncé de politique précis, le gouvernement du Canada a aussi publié des lignes directrices générales sur l’examen des investissements par des SE. Ces lignes directrices énoncent les facteurs particuliers que le ministre approprié doit examiner dans le cadre de son évaluation des facteurs susmentionnés relatifs à l’avantage net. Elles reflètent les préoccupations éventuelles que ce ministre pourrait avoir concernant « la gouvernance et l’orientation commerciale des SE ». Le ministre concerné examinera ce qui suit :

  • la gouvernance et la structure redditionnelle de la SE, notamment si elle respecte les normes canadiennes de gouvernance. Cela comprend des engagements en matière de transparence et de divulgation, l’indépendance des membres du conseil d’administration, l’indépendance du comité de vérification, le traitement équitable des actionnaires et le respect des lois et des pratiques du Canada;
  • si l’entreprise canadienne devant être acquise par une SE continuera de pouvoir fonctionner sur une base commerciale, les lignes directrices énonçant un certain nombre d’indications importantes. Celles-ci comprennent où exporter, où transformer, la participation des Canadiens aux activités et le niveau de dépenses d’immobilisations permettant de maintenir l’entreprise canadienne dans une position concurrentielle.

Une SE peut donc prévoir être obligée de prendre des engagements allant plus loin que ceux auxquels on s’attend normalement de la part d’un autre type d’entreprise afin d’obtenir l’approbation du ministre approprié. D’ailleurs, le gouvernement du Canada s’attend à ce qu’une SE désirant investir aborde la question de ses caractéristiques inhérentes (plus précisément qu’elle est susceptible d’être sujette à l’influence d’un État) dans ses projets pour l’entreprise canadienne devant être acquise et dans ses engagements connexes.

Examen relatif à la sécurité nationale

Le gouvernement du Canada a le pouvoir d’examiner tous les investissements proposés (sans égard à leur taille et qu’il y ait eu prise de contrôle ou non) concernant un non-Canadien lorsque le ministre responsable a des motifs raisonnables de croire qu’un investissement est « susceptible de porter atteinte à la sécurité nationale ».

En ce qui concerne les investissements devant faire l’objet d’un avis, le gouvernement peut commencer l’examen de l’opération proposée à tout moment à partir duquel il est avisé de l’investissement et jusqu’à 45 jours après sa réception du formulaire d’avis rempli par l’investisseur. Quant aux investissements qui ne sont pas assujettis à une obligation d’avis, le pouvoir du gouvernement de procéder à leur examen pour des motifs de sécurité nationale expire cinq ans après leur réalisation (à moins que l’investisseur ne dépose un avis volontaire à leur égard, ce qui réduit ce délai à 45 jours).

Un examen relatif à la sécurité nationale peut être réalisé, à l’initiative du gouvernement, avant ou après qu’un investissement est effectué. Lorsqu’un examen est entamé avant qu’un investissement soit effectué, il entraîne la suspension de celui-ci (l’investisseur ne peut conclure l’opération avant que l’examen relatif à la sécurité nationale ne soit terminé). Un examen relatif à la sécurité nationale passe par plusieurs étapes et peut prendre jusqu’à 200 jours (ou plus, en cas de prorogations convenues). Dans les grandes lignes, l’examen se déroule de la façon suivante :

  • Avis d’examen. Le ministre responsable peut délivrer à l’investisseur un avis qu’une ordonnance d’examen relatif à la sécurité nationale pourrait être rendue afin d’obtenir un délai supplémentaire de 45 jours pour décider de lancer ou non cet examen.
  • Examen officiel relatif à la sécurité nationale. Si le ministre responsable a des motifs raisonnables de croire que l’investissement est susceptible de porter atteinte à la sécurité nationale, il peut transmettre le dossier au Cabinet fédéral pour qu’il ordonne la tenue d’un examen officiel relatif à la sécurité nationale, ce qui prolonge le délai de l’examen de 45 jours supplémentaires. Ce délai peut être à nouveau prorogé de 45 jours supplémentaires sans avoir à obtenir le consentement de l’investisseur. D’autres prorogations de 45 jours peuvent avoir lieu avec ce consentement (lequel est habituellement accordé).
  • Détermination ultime du Cabinet fédéral. À la fin du délai d’examen, le ministre responsable peut transmettre au Cabinet fédéral le dossier avec une recommandation. Le Cabinet fédéral dispose de 20 jours pour décider d’approuver l’investissement (avec ou sans condition), d’interdire l’opération (avant sa conclusion) ou de demander à l’investisseur de se départir de son investissement dans l’entreprise canadienne (après sa conclusion).

Quand déposer un avis : dépôts obligatoires

Comme mentionné ci-dessus, le pouvoir du gouvernement du Canada d’examiner un investissement pour des motifs de sécurité nationale expire soit : i) cinq ans après la réalisation de cet investissement (s’il n’est pas assujetti à une obligation d’avis); soit ii) 45 jours après que le ministre responsable prenne connaissance de l’opération ou soit réputé en avoir pris connaissance du fait de la réception d’un « avis » complet.

Comme un avis peut être déposé avant ou après la conclusion d’un investissement, le choix du moment de ce dépôt est une importante décision stratégique. Le début du processus d’examen relatif à la sécurité nationale entraîne une suspension : l’investisseur ne peut pas conclure l’opération si cet examen est en cours. Habituellement, lorsqu’il y a un risque lié à la sécurité nationale, déposer un avis avant la conclusion de l’opération est plus amical pour l’acheteur, car cela cristallise la possibilité d’intervention avant que l’acheteur ne devienne propriétaire de la cible. Au contraire, les vendeurs préfèrent généralement déposer un avis après la conclusion de l’opération, pour éviter de devoir participer à tout examen relatif à la sécurité nationale en découlant.

Cela dit, le gouvernement du Canada n’a pas actuellement la possibilité d’imposer des conditions provisoires à l’investisseur (c.-à-d., limiter la capacité de l’investisseur d’intégrer et d’exploiter l’entreprise cible comme il le souhaite en attendant le résultat de l’examen). Par conséquent, après la conclusion de l’investissement, l’acheteur a la pleine jouissance de l’entreprise jusqu’à la détermination définitive de l’examen relatif à la sécurité nationale. Pour cette raison, lorsque le risque d’atteinte à la sécurité nationale est faible ou inexistant, il est souvent préférable pour l’acheteur de déposer un avis après la conclusion de l’opération.

Choix de déposer un avis : dépôts volontaires

De nombreux investissements n’ont pas besoin d’un examen ou d’un avis en vertu du régime de l’avantage net, mais sont soumis au régime de la sécurité nationale. Pour cette catégorie d’investissements, l’investisseur doit décider s’il souhaite présenter un « avis volontaire ».

Déposer un avis volontaire permet aux investisseurs d’éviter l’incertitude liée au délai. Sans avis, le ministre responsable pourra soumettre l’investissement à un examen pendant les cinq années suivant sa réalisation. Le dépôt d’un avis volontaire limite le ministre à 45 jours pour décider d’entamer ou non un examen relatif à la sécurité nationale. En intégrant ce délai à la documentation de l’opération concernée, l’investisseur peut cristalliser tout risque possible lié à la sécurité nationale au Canada en déposant un avis volontaire suffisamment à l’avance pour permettre au délai de 45 jours d’expirer.

Sécurité nationale : évaluation rigoureuse

La LIC ne prévoit aucune définition de ce qui peut « porter atteinte à la sécurité nationale ». Cependant, certains secteurs sont susceptibles d’entraîner un examen plus rigoureux. Les entreprises qui présentent une exposition à la technologie, aux infrastructures essentielles, aux produits et aux services essentiels, aux minéraux critiques, à la défense ou aux données personnelles sensibles de Canadiens entraînent toutes un risque plus grand lié à la sécurité nationale. Les Lignes directrices sur l’examen relatif à la sécurité nationale des investissements du gouvernement canadien, mises à jour en 2021, comprennent une liste non exhaustive d’activités pouvant relever de la sécurité nationale. Bien qu’elles donnent une idée du moment où un examen relatif à la sécurité nationale peut avoir lieu, elles présentent des lacunes notables et n’offrent souvent aux investisseurs étrangers qu’une transparence limitée pendant le processus d’examen. Si le gouvernement canadien croit qu’une opération peut porter atteinte à la sécurité nationale, il peut la bloquer, l’assujettir à des conditions ou, si elle est déjà réalisée, à des mesures correctives, notamment le dessaisissement.

Les données gouvernementales publiées en 2022 ont révélé que l’année 2021-2022 a connu le plus grand nombre d’examens relatifs à la sécurité nationale à ce jour. Alors que le ministre responsable a émis le même nombre d’« avis » de sécurité nationale (auxquels a recours le gouvernement pour proroger le délai disponible pour déterminer si un examen complet relatif à la sécurité nationale est justifié) qu’au cours de l’année précédente (soit 24 au total), il a rendu le plus grand nombre d’ordonnances d’examen relatif à la sécurité nationale jamais enregistré (12). En d’autres termes, 50 % des avis ont mené à un examen prolongé (lequel peut s’échelonner sur une période de 200 jours ou plus). De ces 12 examens prolongés, quatre investisseurs provenaient de Russie et six de Chine. Malgré la présence d’investisseurs provenant des autorités à risque plus élevé dans ces dossiers, les conclusions des 12 examens approfondis relatifs à la sécurité nationale se sont avérées plus permissives qu’elles ne le furent au cours des années précédentes. En effet, sept des 12 enquêtes ont donné lieu à une acceptation inconditionnelle, tandis que seulement quatre ont été abandonnées (empêchant ainsi vraisemblablement une ordonnance d’interdiction ou de dessaisissement).

Considérations particulières pour les SE

Comme les principes directeurs du régime de l’avantage net se rapportant aux SE, certaines des lignes directrices en matière de sécurité nationale visent particulièrement les SE. En général, les investissements effectués par des SE font l’objet d’une surveillance plus attentive dans le cadre du régime de la sécurité nationale, surtout de la part d’investisseurs provenant de pays non alliés.

En outre, des considérations propres au secteur et à l’identité de l’investisseur sont prises en compte à l’égard des SE dans le cadre du régime de la sécurité nationale, comme c’est le cas pour le régime de l’avantage net. Les investissements de SE dans des minéraux critiques sont plus susceptibles de faire l’objet d’un examen plus minutieux relatif à la sécurité nationale, comme ce sera le cas d’investissements de SE russes.

Modifications prévues de l’examen relatif à la sécurité nationale

Le 7 décembre 2022, une série de propositions de modifications ont été présentées par le gouvernement fédéral à la Chambre des communes. Ces modifications, si elles sont adoptées, entraîneront une série de changements importants du régime de la sécurité nationale du Canada. Il n’y a pas actuellement d’échéance fixée pour leur entrée en vigueur, mais au moment de la publication, leur promulgation n’est pas prévue avant le premier semestre de 2024. Elles apporteront les ajouts particuliers suivants :

  • Conditions provisoires. La possibilité pour le ministre responsable d’imposer des conditions à l’investisseur en attendant la fin du processus d’examen relatif à la sécurité nationale.
  • Avis obligatoire préalable à la réalisation pour certains investissements précis. Les investissements dans certains secteurs prescrits (encore à définir, mais qui comprendront vraisemblablement les entreprises de secteurs plus sensibles), susceptibles de permettre à l’investisseur d’avoir accès à des renseignements précis et procurant à l’acheteur certains droits seront assujettis à une obligation d’avis préalable à leur réalisation.
  • Approbation conditionnelle du ministre. Sous le présent régime de la sécurité nationale, seule une ordonnance du Cabinet fédéral peut imposer des engagements contraignants à l’investisseur. Ces nouvelles modifications permettraient au ministre d’approuver des investissements en les conditionnant à des engagements contraignants. Cela lui éviterait d’avoir à recourir au Cabinet pour une décision définitive relative à la sécurité nationale dans les cas où une mesure d’atténuation serait efficace pour résoudre les préoccupations relevées.

Nous conseillons aux investisseurs d’obtenir les conseils d’un avocat pour s’assurer de rester au courant des derniers développements du régime de la sécurité nationale du Canada.

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Lois en matière d’investissements étrangers et sécurité nationale

Par Mike Caldecott et Will Rooney

 


 

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