Passer au contenu directement.

Par Véronique Wattiez Larose, Caroline-Ariane Bernier et Jessica Cytryn

Dans la majeure partie du Canada, les règles linguistiques s’appliquent principalement aux institutions gouvernementales et non aux entreprises privées. La Constitution du Canada accorde à l’anglais et au français un statut égal quant à leur emploi au Parlement et dans les cours fédérales. Dans certaines provinces, dont le Québec, toutes les lois doivent être publiées en anglais et en français. La Loi sur les langues officielles fédérale, qu’est venue appuyer plus tard la Charte canadienne des droits et libertés, exige que toutes les institutions fédérales offrent des services dans les deux langues officielles là où la demande est importante ou lorsque les services sont fournis au public voyageur. L’instruction publique est offerte dans les deux langues officielles lorsque le nombre le justifie.

LA CONSTITUTION DU CANADA ACCORDE À L’ANGLAIS ET AU FRANÇAIS UN STATUT ÉGAL QUANT À LEUR EMPLOI AU PARLEMENT ET DANS LES COURS FÉDÉRALES.

À l’extérieur du Québec

À l’extérieur du Québec, l’emballage des produits de consommation constitue la principale exception aux règles relatives au secteur public. Les règlements établis aux termes de la Loi sur l’emballage et l’étiquetage des produits de consommation fédérale précisent les renseignements spécifiques devant paraître sur l’étiquette d’un produit de consommation préemballé vendu au Canada. Ces renseignements doivent être indiqués en anglais et en français. Il existe des exceptions qui concernent, notamment, les produits ayant un caractère religieux, les produits de marchés de spécialité et les produits d’essai, ainsi que les produits qui sont étiquetés dans la langue qui convient aux produits, comme les livres et les cartes de souhaits. Les produits ne respectant pas les directives établies par la loi peuvent être saisis et éventuellement détruits par les autorités fédérales.

Bien que le Canada soit bilingue dans la sphère de compétence fédérale, les autres gouvernements canadiens appliquent leur propre politique linguistique pour tout ce qui relève de leur compétence. Le Nouveau-Brunswick et les trois territoires nordiques sont officiellement bilingues. Plusieurs provinces ont adopté des lois qui exigent la prestation de services publics en français, lorsque la situation le justifie. Mais seules les lois linguistiques du Québec régissent le fonctionnement des entreprises.

Au Québec

La Charte de la langue française du Québec (la « Charte ») reconnaît le français comme la langue officielle de la province, la seule langue de la nation québécoise et l’un des fondements de son identité et de sa culture distincte. La Charte accorde à toute personne vivant au Québec, travailleur ou consommateur de biens et services, le droit d’exercer ses activités en français. Quiconque mène des activités au Québec est donc assujetti à des règles sur la façon d’interagir avec le public et sur le fonctionnement interne à l’intérieur de la province.

Le 1er juin 2022, des modifications majeures à la Charte sont entrées en vigueur au Québec, apportées par le Projet de loi 96, la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français. Ces modifications ont un impact aussi bien sur le secteur public que privé. Le Projet de loi 96 vise à clarifier et à renforcer les dispositions de la Charte, à apporter de nouvelles exigences et restrictions, et à renforcer le rôle de l’Office québécois de la langue française (« OQLF »), l’organe gouvernemental responsable de veiller au respect de la Charte. Certaines dispositions entrent en vigueur graduellement, sur une période de trois ans. Certaines modifications du Règlement sur la langue du commerce et des affaires (le « Règlement ») sont également à venir.

Droit d’être informés et servis en français

La Charte prévoit le droit pour les consommateurs d’être informés et servis en français, mais ces exigences s’étendent également aux clients non consommateurs et aux organismes de l’Administration puisqu’elles imposent aux entreprises d’offrir des biens et des services en français. Cette obligation est divisée en plusieurs obligations précises sur la façon dont les entreprises et leurs clients doivent interagir.

Toute inscription sur un produit, sur son contenant ou sur son emballage, sur un document ou objet accompagnant ce produit, y compris le mode d’emploi et les certificats de garantie, doit être rédigée en français. Le texte français peut être assorti d’une ou plusieurs traductions, mais aucune inscription rédigée dans une autre langue ne doit l’emporter sur celle qui est rédigée en français ou être accessible dans des conditions plus favorables. Le Règlement permet à certains termes d'apparaître en anglais seulement, par exemple les marques de commerce. Bien que cette exception soit actuellement applicable aux marques de commerce « reconnues » par la loi canadienne sur les marques de commerce (on peut affirmer que cela inclut à la fois les marques de commerce pour lesquelles une demande est en instance et les marques de commerce protégées par la common law), le Projet de loi 96 a réduit la portée de cette exception. À partir du 1er juin 2025, cette exception ne sera applicable qu’aux marques déposées, sous réserve qu’aucune version française correspondante n’apparaisse dans la Base de données sur les marques de commerce canadiennes. De plus, à compter de la même date, si un générique ou un descriptif du produit est compris dans cette marque, celui-ci doit figurer en français sur le produit ou sur un support qui s’y rattache de manière permanente.

Dans le cas des logiciels, si une version française du logiciel existe et qu’elle a été commercialisée, les versions dans d’autres langues que le français peuvent être vendues au Québec uniquement si une version fonctionnelle équivalente en langue française est offerte simultanément au Québec à des conditions tout aussi intéressantes que celles applicables à la version dans une autre langue.

Même si les produits sont facturés ou créés en dehors du Québec, toute personne distribuant, vendant au détail, louant, offrant en vente ou en location, offrant autrement sur le marché ou détenant à ces fins un produit non conforme au Québec (à titre onéreux ou gratuit) peut faire l’objet d’une ordonnance de non-conformité, et éventuellement d’une amende, en application de la Charte.

Les documents et les communications de marketing, les catalogues, les brochures, les dépliants, les annuaires commerciaux et tout autre document de même nature doivent être rédigés en français. Ces documents ne peuvent être rendus accessibles au public dans une autre langue que le français lorsque leur version française n’est pas accessible dans des conditions au moins aussi favorables. Cette règle s’applique également aux sites Web et aux médias sociaux.

L’affichage public fait également l’objet d’exigences linguistiques particulières. En règle générale, les panneaux publics, les affiches et la publicité commerciale peuvent comporter d’autres langues, mais le texte français doit prédominer (sa taille doit faire le double environ) dans la mesure prévue par le Règlement. À l’instar de l’exception prévue pour les produits, une marque reconnue au sens de la législation canadienne sur les marques de commerce peut figurer sur des panneaux et des affiches publics exclusivement dans une langue autre que le français, à condition que la version française ne soit pas déposée. Le Projet de loi 96 réduit aussi la portée de cette exception et, à compter du 1er juin 2025, elle ne sera applicable qu’aux marques déposées.

Ceci étant dit, si une marque de commerce uniquement en anglais apparaît sur des affiches et des panneaux publics affichés à l’extérieur d’un immeuble, une présence suffisante du français est requise (au 1er juin 2025, cette exigence sera renforcée et le français devra alors être nettement prédominant, c’est-à-dire que la taille du texte en français devra correspondre au double de la taille de la marque de commerce). Pour répondre à ces exigences, il faut que l’un des trois éléments suivants soit présent en français : i) un générique ou un descriptif des produits ou des services visés; ii) un slogan; ou iii) tout autre terme ou mention, en privilégiant l’affichage d’information portant sur les produits ou les services au bénéfice des consommateurs ou des personnes qui fréquentent les lieux. Cette exigence vise à répondre aux préoccupations exprimées par certains consommateurs francophones du Québec, à savoir que les marques de commerce en anglais dominent le paysage commercial dans certaines villes.

LES RÈGLES QUI RÉGISSENT LA FAÇON DONT LES ENTREPRISES COMMUNIQUENT AU QUÉBEC DIFFÈRENT SELON QUE LA COMMUNICATION EST DIFFUSÉE DANS UN LIEU PUBLIC OU PRIVÉ.

Ces règles peuvent varier en fonction du lieu (public ou privé) de la communication. Les panneaux-réclame et les enseignes visibles d’une voie publique, sur un véhicule de transport public ou dans un abribus doivent être rédigés exclusivement en français.

Enfin, les contrats d’adhésion (par exemple les conditions d’utilisation et les politiques sur la protection des renseignements d’un site Web) doivent désormais être présentés en français à la partie qui y adhère avant qu’elle n’accepte de signer la version seulement en anglais du contrat en question. Cette règle ne s’applique pas aux contrats négociés entre les parties contractantes, ni aux contrats utilisés dans le cadre de relations en dehors du Québec.

Obligations des employeurs en matière de langue[1]

Les employeurs doivent veiller à ce que le droit des travailleurs à exercer leurs activités en français soit respecté et à ce que le milieu de travail doit exempt de discrimination ou de harcèlement lié à l'utilisation du français ou à la revendication d'un droit découlant de la Charte. Un salarié peut déposer une plainte auprès de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) si un employeur ne respecte pas ses obligations. 

Les offres d’emploi, les contrats de travail et les offres de promotion doivent être fournis d’abord en français; c’est seulement une fois que le candidat ou salarié a consulté la version française qu’il peut décider d’être lié par une version anglaise. Tous les autres documents relatifs aux conditions de travail, y compris les documents relatifs aux avantages collectifs et aux politiques de l’employeur, ainsi que les documents de formation, doivent être rédigés en français ou, s’ils sont rédigés dans une autre langue, ils doivent être accessibles en français dans des conditions au moins aussi favorables. Un employeur diffusant une offre d’emploi dans une langue autre que le français doit veiller à ce que l’offre d’emploi dans l’autre langue soit diffusée simultanément, par des moyens de transmission de même nature et atteignant publique cible de taille comparable, toutes proportions gardées. De plus, le fait d’exiger d’une personne la connaissance d’une langue autre que le français est autorisé uniquement si l’employeur a, au préalable, pris toutes les mesures raisonnables pour éviter d’imposer cette exigence, et les raisons de cette exigence doivent être indiquées dans l’offre d’emploi.

Le Projet de loi 96 introduit également l’obligation pour l’employeur de rédiger les communications écrites à ses salariés (cela ne concerne pas les communications entre collègues) en français, sauf si le salarié demande qu’elles soient rédigées en anglais. Bien que les communications orales ne soient pas abordées explicitement par la Charte, il est recommandé aux employeurs de veiller attentivement à ce que les salariés parlant français sentent qu’on respecte leur droit à travailler en français et qu’ils ne sont pas désavantagés par rapport aux autres salariés du fait que les communications orales se déroulent uniquement en anglais.

Francisation

Au Québec, les entreprises ayant 50 salariés ou plus durant une période de six mois (ce seuil sera réduit à 25 salariés au 1er juin 2025) doivent s’inscrire auprès de l’OQLF. Elles doivent également transmettre à l’OQLF, dans les trois mois de la date de délivrance de leur attestation d’inscription, une analyse de leur situation linguistique. Si l’OQLF estime, après examen de l’analyse de la situation linguistique de l’entreprise, que l’utilisation du français est généralisée à tous les niveaux de celle-ci selon les termes de la Charte, il lui délivre un certificat de francisation. Si ce n’est pas le cas, l’entreprise doit adopter un programme de francisation pour y parvenir. Les obligations en matière de francisation dépendent du nombre de salariés au Québec dans l’entreprise, et il peut être requis d’instituer un comité de francisation chargé de surveiller l’utilisation du français sur le lieu de travail. Le Projet de loi 96 a également créé une unité administrative, « Francisation Québec », chargée de fournir des services d’apprentissage de la langue française aux personnes n’étant pas en mesure de communiquer en français et étant employées par une entreprise employant moins de cinq personnes.

Interactions avec le gouvernement du Québec

À quelques exceptions près, les communications écrites des exploitants d’entreprises au Québec avec l’Administration doivent être rédigées en français. De plus, tous les documents conclus par l’Administration du Québec, comme les contrats ainsi que les documents envoyés dans le cadre d’un contrat ou en vue d’en conclure un, doivent être écrits exclusivement en français. D’une façon semblable à la règle qui s’applique déjà, le fait que l’entreprise exerce ses activités au Québec ou non peut justifier des exceptions, certains documents pouvant ainsi être rédigés dans une autre langue.

Cas d’inobservation

Le non-respect des exigences de la Charte peut entraîner des amendes ainsi que l’éventuelle suspension ou révocation du certificat de francisation (qui est souvent obligatoire dans le cadre d’attributions de marchés publics) en cas de contraventions répétées à la Charte.

De plus, le Projet de loi 96 permet aux personnes qui estiment que leurs droits découlant de la Charte ont été violés d’intenter une action civil. Enfin, les dispositions d’un contrat, d’une décision ou d’une autre loi qui entraînent un préjudice en contrevenant aux dispositions de la Charte peuvent être annulées à la demande de la personne victime du préjudice.

Les amendes aux entreprises en cas de manquement à la Charte peuvent varier entre 3 000 $ CA et 30 000 $ CA. Le Projet de loi 96 prévoit le doublement des amendes pour une première récidive et leur triplement pour toute récidive additionnelle, et considère chaque jour durant laquelle l’infraction se poursuit comme une infraction distincte. Enfin, il permet à l’OQLF de demander une injonction pour obliger la conformité aux exigences de la Charte ou encore une ordonnance judiciaire pour que soient enlevées détruites les affiches, les enseignes ou les annonces qui contreviennent à la Charte, et ce, aux frais de l’entreprise contrevenante.

 

[1] https://www.mccarthy.ca/fr/references/blogues/conseiller-de-lemployeur/projet-de-loi-96-impacts-sur-les-employeurs; https://www.mccarthy.ca/fr/references/blogues/consumer-markets-perspectives/le-projet-de-loi-96-du-quebec-modifiant-la-loi-sur-la-langue-francaise-comment-votre-entreprise-sera-t-elle-touchee.

Retour à la liste des chapitres

 


 

View DBIC Cover FR

Faire des affaires au Canada