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Droit du cannabis

Par Ranjeev Dhillon, Rami Chalabi et Matthew Saunders

Avec l’adoption de la Loi sur le cannabis (Canada) en 2018, le Canada est devenu le premier pays du G7 à légaliser le cannabis à usage récréatif et à en permettre la production, la distribution et la vente. Depuis, la réglementation a évolué et le secteur du cannabis a connu une rapide croissance tant au pays qu’à l’étranger.

Licences

Les municipalités et les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux se partagent la responsabilité de surveiller la culture, la production et la distribution du cannabis. Santé Canada a établi un cadre juridique et accorde divers types de licences pour la culture et la production de cannabis. Un particulier ou une entreprise doit se procurer une licence auprès de Santé Canada pour pouvoir mener diverses activités liées au cannabis, comme la culture, la vente de cannabis destiné à un usage médical, les essais d’analyse et la recherche. Il existe aussi différentes sous-licences selon la nature et l’ampleur de l’activité. Les détenteurs de licence doivent respecter la Loi sur le cannabis et ses règlements, de même que se conformer à toutes les autres lois fédérales, provinciales et territoriales, et les réglementations municipales applicables.

Les licences de distribution sont octroyées par la province ou le territoire. Les modes de distribution du cannabis varient par province et territoire; il peut s’agir de ventes privées, de ventes gouvernementales ou d’une combinaison des deux.

Produits infusés

Au moment de la légalisation, l’offre se limitait principalement à des fleurs de cannabis séchées et à des huiles de cannabis, étant donné le cadre réglementaire strict. Le gouvernement fédéral a ensuite introduit un nouveau règlement autorisant un éventail beaucoup plus large de produits infusés au cannabis, y compris les produits comestibles, les extraits adaptés aux produits de vapotage et le cannabis pour usage topique. La réglementation prévoit des lignes directrices et des paramètres de production stricts en ce qui concerne ces produits, y compris des limites sur le THC et certains ingrédients et additifs, et des restrictions sur l’utilisation de vitamines, de nutriments minéraux, de produits carnés, de caféine et d’alcool.

Marque, emballage et étiquetage

Il est interdit de vendre du cannabis et des accessoires de cannabis dans un emballage ou avec une étiquette : (i) s’il y a des motifs raisonnables de croire que cet emballage ou cette étiquette pourraient être attrayants pour des mineurs (c’est-à-dire des personnes âgées de moins de 18 ans); (ii) qui présentent un témoignage ou une attestation; (iii) qui représentent une personne, un personnage ou un animal; (iv) qui sont associés à une façon de vivre particulière; ou (v) qui contiennent des renseignements faux, trompeurs ou susceptibles de créer une fausse impression quant à leurs caractéristiques.

Il est également interdit de vendre du cannabis s’il n’a pas été emballé conformément aux exigences en matière d’emballage et d’étiquetage prévues par la législation applicable. Ces exigences en matière d’emballage et d’étiquetage varient selon les catégories de cannabis et portent sur les caractéristiques de l’emballage ou du contenant lui-même (p. ex. capacité, couleurs de la surface et présentation, odeur, codes-barres, etc.) ainsi que sur l’étiquette qui y est apposée (p. ex. caractéristiques du produit, informations sur le producteur, éléments de la marque, date d’expiration, liste d’ingrédients, avertissements sanitaires, etc.).

Promotion

La Loi sur le cannabis prévoit des restrictions sévères et étendues quant à la promotion du cannabis, des accessoires de cannabis et des services liés au cannabis, pouvant faire l’objet de certaines exceptions restreintes. De nombreuses lois et politiques provinciales et territoriales imposent des restrictions supplémentaires en matière de promotion, en plus de celles prévues par la Loi sur le cannabis et ses règlements. Ces restrictions sont imposées dans l’intérêt de la protection de la santé et de la sécurité des citoyens canadiens, en particulier des mineurs.

La Loi sur le cannabis définit le terme « promotion » comme le fait de faire une présentation (sauf sur un emballage ou une étiquette) d’une chose ou d’un service, dans le but de les vendre, par tout moyen direct ou indirect étant susceptible d’influencer les attitudes, les croyances et les comportements à leur sujet.

Les restrictions à la promotion ne s’appliquent pas à certaines activités et il est expressément indiqué qu’elles sont exclues de leur champ d’application : (i) certaines œuvres créatives, certains commentaires et opinions qui décrivent ou traitent du cannabis, d’un accessoire du cannabis ou d’un service lié au cannabis, mais pour lesquels aucune contrepartie n’est donnée; et (ii) les promotions entre entreprises faites par des personnes autorisées à produire, à vendre ou à distribuer du cannabis et des personnes qui vendent des accessoires du cannabis ou qui fournissent des services liés au cannabis, qui sont destinées à des personnes autorisées à produire, à vendre ou à distribuer du cannabis (et non pas à des consommateurs).

Pour simplifier l'étendue des restrictions, on peut dire qu'il est interdit de promouvoir le cannabis, les accessoires du cannabis et tout service lié au cannabis, sauf avec autorisation contraire en vertu de la Loi sur le cannabis. La loi va plus loin en confirmant qu’il ne peut y avoir de communication de prix ou de disponibilité, de témoignages ou d’attestations, de représentations de personnes, de personnages ou d’animaux, d’implication d’une émotion ou d’une façon de vivre particulière, ou de toute autre représentation qui pourrait être attrayante pour les mineurs.

Outre l’interdiction principale, la Loi sur le cannabis et ses règlements prévoient d’autres restrictions, y compris notamment l’interdiction de : (i) la promotion fausse, trompeuse ou erronée du cannabis, des accessoires du cannabis ou des services liés au cannabis ou de leurs caractéristiques (ce qui est considéré par Santé Canada comme incluant toute allégation sur les effets escomptés de la consommation); (ii) le recours à des médias étrangers pour faire de la promotion au Canada d’une manière non conforme; (iii) la promotion de commandite de personnes ou de manifestations d’une manière particulière; (iv) la dénomination d’une installation d’une manière particulière; et (v) les actions, quelles qu’elles soient, ou les fournitures de toute chose par les vendeurs de cannabis ou d’accessoires du cannabis pour inciter à l’achat de cannabis ou d’accessoires du cannabis (par exemple, les promotions « achetez-en deux pour le prix d’un »), sous réserve d’une exception pour certains incitatifs entre entreprises (par exemple, des rabais de gros).

Malgré les restrictions, la Loi sur le cannabis prévoit également plusieurs voies de promotions autorisées, qui sont bien encadrées, à savoir :

  • Promotion informative. Promotion dans le cadre de laquelle des renseignements factuels sont fournis au consommateur sur le cannabis, un accessoire du cannabis, un service lié au cannabis ou les caractéristiques du produit ou du service (dont le prix ou la disponibilité), sous réserve de certains paramètres de livraison;
  • Promotion de marque. Promotion du cannabis, d’un accessoire ou d’un service lié au cannabis fondée sur les caractéristiques de leur marque, sous réserve de certains paramètres de livraison;
  • Promotion au point de vente. Promotion par le vendeur concerné de cannabis, d’un accessoire du cannabis ou d’un service lié au cannabis au point de vente, lorsque la promotion ne porte que sur leur disponibilité ou sur leur prix; et
  • Éléments de marque sur une autre chose. La promotion du cannabis, d’un accessoire du cannabis ou d’un service lié au cannabis en plaçant un élément de marque sur un article qui n’est pas du cannabis ou un accessoire du cannabis, à condition que l’article concerné : (i) ne soit pas associé aux mineurs; (ii) ne soit pas raisonnablement considéré comme attrayant pour des mineurs; (iii) ne soit pas associé à une façon de vivre particulière; ou (iv) ne dépasse pas certains paramètres liés au nombre, à l’emplacement et aux dimension définis dans le Règlement sur le cannabis.

Toute personne est autorisée à faire des promotions informatives et des promotions de marque en ce qui concerne les accessoires du cannabis et les services liés au cannabis, mais seules les personnes autorisées à produire, à vendre ou à distribuer du cannabis peuvent le faire en ce qui concerne le cannabis. Ces promotions informatives et de marque doivent notamment : (i) être communiquées à une personne âgée de 18 ans ou plus et l’identifier par son nom; (ii) se dérouler dans un endroit dont l’accès est interdit aux mineurs par la loi; ou (iii) être communiquées par des moyens de télécommunication pour lesquels des mesures raisonnables ont été prises afin de garantir que les mineurs ne puissent y avoir accès.

En plus des restrictions et autorisations fédérales décrites, de nombreuses provinces et territoires imposent des restrictions supplémentaires qui aggravent les difficultés liées à la promotion auxquelles sont confrontés les acteurs du secteur. Bien entendu, les possibilités de promotion sont fortement restreintes au Canada et il convient de naviguer avec prudence lorsqu’on tente de mettre en œuvre une initiative promotionnelle.

Fusions et acquisitions

À l’instar d’autres secteurs très réglementés, les opérations impliquant des acteurs de l’industrie du cannabis doivent tenir compte de certaines particularités. En plus des éléments traditionnels qui doivent être pris en compte dans le contexte de toute opération d’entreprise, les acteurs de l’industrie du cannabis doivent évaluer l’impact de certains facteurs qui sont uniques à leur industrie et qui pourraient avoir un impact significatif sur les perspectives de leurs entreprises une fois qu’une opération est achevée.

Dans le cadre des fusions, acquisitions et opérations sur titres (par exemple, des levées de fonds) impliquant des acteurs de l’industrie du cannabis, voici quelques-uns des éléments principaux dont il faut tenir compte :

  • Possibilité de transférer les licences. Les licences délivrées en vertu de la législation fédérale, provinciale et territoriale aux acteurs de l’industrie du cannabis ne peuvent pas être transférées de manière indépendante à une autre personne. Cela a une influence sur la structure de toute opération particulière dans la mesure où les licences ne peuvent être effectivement transférées que par l’achat et la vente des entités qui les détiennent (c’est-à-dire une opération d’achat d’actions). Dans le cadre d’une opération d’achat d’actifs, y compris dans le cas d’une installation faisant l’objet d’une licence, la licence en question ne sera pas automatiquement transférée avec la propriété des actifs achetés. En effet, l’acheteur de l’installation devra, s’il le souhaite, refaire une demande pour obtenir la licence détenue par le vendeur pour l’installation achetée.
  • Droits de consentement et de notification des organismes de régulation. Les organismes de régulation du cannabis se sont immiscés dans le processus d’opération de plusieurs manières. La législation applicable, les politiques imposées par les organismes de régulation ou les ententes commerciales entre les acteurs du secteur et les organismes de régulation (par exemple, les ententes d’approvisionnement avec les grossistes provinciaux et territoriaux) confèrent souvent aux organismes de régulation des droits de consentement et de notification qui doivent être respectés dans le cadre d’une opération. Ces droits peuvent constituer des conditions à remplir avant la clôture de l’opération ou des obligations postérieures à la clôture. Dans les deux cas, la stipulation de ces droits a conféré aux organismes de régulation certains pouvoirs d’exécution qui peuvent être exercés lorsque les obligations des acteurs du secteur ne sont pas respectées.
  • Habilitation de sécurité et communication de renseignements personnels. Lorsqu’une personne acquiert une participation importante dans une entité détenant une licence, elle peut être obligée (dans le cas des producteurs autorisés) d’obtenir une habilitation de sécurité en vertu de la législation fédérale ou (dans le cas des détaillants autorisés) de communiquer des renseignements personnels importants aux organismes de réglementation provinciaux ou territoriaux compétents, de la même manière que pour leurs processus d’autorisation respectifs. Comme décrit précédemment, le niveau de détails personnels à communiquer dans le cadre de ces deux processus est très significatif et peut être considéré comme insoutenable par les personnes associées à un acheteur.
  • Restrictions en matière de propriété. Certaines provinces interdisent aux producteurs autorisés d’acquérir des participations importantes dans des détaillants autorisés. Ces restrictions doivent être soigneusement gérées lorsque les acteurs du secteur souhaitent atteindre un certain degré d’intégration verticale.

Réglementation des valeurs mobilières

Comme nous l’avons vu précédemment, la légalisation du cannabis par le gouvernement fédéral du Canada contraste avec le cadre réglementaire américain. Bien qu’un certain nombre d’États américains aient légalisé le cannabis sous une forme ou une autre, il demeure une substance contrôlée en vertu de la loi fédérale. Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont publié des lignes directrices à l’intention des sociétés ayant des activités liées au cannabis aux États-Unis, tandis que la Bourse de Toronto (TSX) a entrepris un examen de la cote des sociétés de cannabis menant des activités aux États-Unis et soutient que ses émetteurs ne sont pas autorisés à participer aux activités liées à la marijuana aux États-Unis. La Bourse canadienne des valeurs mobilières, contrairement à la TSX, a adopté une approche plus permissive, n’exigeant qu’une divulgation complète de ces activités (conformément à l’avis des ACVM).

Rétrospective de l’année et perspectives

Au cours de l’année 2022, l’industrie canadienne du cannabis a connu plusieurs évolutions importantes :

  • En décembre 2022, Santé Canada a annoncé des modifications à la Loi sur le cannabis et aux règlements connexes afin, entre autres, de : (i) augmenter les limites de possession (et d’achat) par le public des boissons contenant du cannabis qui étaient fixées à 2,1 litres (l’équivalent de cinq canettes de 355 millilitres chacune) et qui sont passées à 17,1 litres (l’équivalent de 48 canettes de 355 millilitres chacune); et de (ii) mettre à jour la réglementation de la recherche non thérapeutique avec des participants humains pour permettre de mener plus facilement des recherches sur le cannabis impliquant des participants humains.
  • Certains producteurs autorisés ont, à partir de 2021, introduit des « extraits comestibles » sur le marché récréatif afin d’essayer de bénéficier des limites légales de concentration en THC plus élevées pour les extraits comestibles. Vers la fin de l’année 2022, Santé Canada a commencé à demander à certains des producteurs autorisés concernés de cesser de vendre leurs produits par crainte de non-conformité.
  • Santé Canada a entamé son examen législatif de la Loi sur le cannabis (qui était censé commencer l’année précédente, après trois ans de légalisation) pour lequel les acteurs de l’industrie espèrent qu’il sera le catalyseur de changements progressifs dans l’industrie.
  • En juillet 2022, le Comité consultatif scientifique sur les produits de santé contenant du cannabis de Santé Canada a publié un rapport sur ses conclusions à ce jour, qui servira probablement de ressource pour orienter la rédaction de toute loi légalisant et réglementant les produits de santé contenant du cannabis ou mettant à jour d’une autre manière le cadre réglementaire applicable au CBD.
  • La Commission des alcools et des jeux de l’Ontario a apporté des précisions sur les incitatifs interentreprises autorisés entre les producteurs et les détaillants titulaires d’une licence. Elle a notamment déclaré expressément que les détaillants autorisés pouvaient passer des contrats avec des producteurs autorisés en vue de produire des produits portant la marque du détaillant.

Bien qu’il y ait eu plusieurs mises à jour importantes dans l’industrie canadienne du cannabis au cours des derniers mois, l’avenir est imprévisible en raison de la volatilité inhérente à ce secteur. Compte tenu de la situation financière relativement difficile dans laquelle se trouvent les acteurs du secteur depuis plusieurs années, la plupart d’entre eux espèrent voir évoluer la manière dont les obligations en matière de droits d’accise sont appliquées ou d’autres mises à jour des limites de concentration de THC applicables aux produits comestibles, aux extraits et aux produits pour usage topique.

Nous espérons que le gouvernement canadien aidera les acteurs de l’industrie du cannabis à court terme. Justin Trudeau, le premier ministre du Canada, a déclaré : « Maintenant que les questions de santé et de sécurité publiques sont réglées, ou en voie de l’être, je pense que vous avez tout à fait raison de dire que nous devrions absolument réfléchir à ce que nous pouvons faire pour nous assurer que cette industrie soit rentable. » Dans le cadre du budget fédéral canadien de 2022, le gouvernement fédéral a noté qu’à mesure que l’industrie légale du cannabis au Canada se développe, il y a des possibilités pour le gouvernement fédéral « de rationaliser, de renforcer et d’adapter spécifiquement le cadre du droit d’accise sur le cannabis, ainsi que d’autres régimes de droits d’accise en vertu de la Loi de 2001 sur l’accise. » Ces travaux sont menés, en partie, par Innovation, Sciences et Développement économique Canada, une agence fédérale qui s’efforce d’accroître la présence du Canada dans le commerce mondial. Cette aide gouvernementale est nécessaire compte tenu des sombres perspectives économiques actuelles de l’industrie qui continueront probablement de conduire à davantage de transactions financières stratégiques, de procédures de faillite et de regroupements entre les parties prenantes. 

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