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Droit de la concurrence

Par Kate McNeece et Alykhan Rahim

La Loi sur la concurrence fédérale (la « Loi ») impose des sanctions criminelles aux personnes qui s’entendent avec des concurrents pour fixer des prix, limiter l’offre ou attribuer des clients ou des marchés, qui pratiquent le truquage des offres, le télémarketing trompeur ou qui sont coupables d’infractions de publicité trompeuse intentionnelle ou sans se soucier des conséquences. Un régime civil réglemente les formes moins flagrantes de publicité trompeuse. La Loi contient également des dispositions civiles ou administratives qui permettent au Tribunal de la concurrence, à la demande du commissaire de la concurrence, d’examiner certaines pratiques commerciales et, dans certains cas, de prononcer des ordonnances visant à interdire ou à corriger une conduite, afin d’éliminer ou de réduire son effet anticoncurrentiel. Ces pratiques susceptibles d’examen comprennent les fusions, la collusion entre concurrents, l’abus de position dominante et un certain nombre d’ententes verticales entre fournisseurs et clients, comme le maintien des prix, les ventes liées, le refus de fournir et les ententes d’exclusivité. En vertu de la Loi, des parties privées peuvent également porter à l’attention du Tribunal de la concurrence certains agissements, comme l’abus de position dominante, le maintien des prix, l’exclusivité, les ventes liées et le refus de fournir. Celui-ci peut également imposer des sanctions pécuniaires en cas d’abus de position dominante ou de publicités trompeuses.

Réglementation relative aux fusionnements

Le commissaire de la concurrence peut examiner et contester tous les fusionnements, qu’ils soient assujettis ou non aux conditions de préavis en vertu de la Loi (voir ci-dessous), dans un délai d’un an suivant leur conclusion. Un fusionnement est l’acquisition ou le contrôle d’un intérêt relativement important dans la totalité ou quelque partie d’une entreprise. Si le commissaire estime qu’un fusionnement est susceptible d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence et qu’il le conteste auprès du Tribunal de la concurrence, celui-ci procède alors à l’examen de ce fusionnement. En cas de décision défavorable, le Tribunal de la concurrence peut rendre une ordonnance afin d’empêcher ou de dissoudre (en partie ou en totalité) le fusionnement. La Loi comprend une liste de critères dont le Tribunal tient compte pour déterminer si un fusionnement est susceptible de diminuer sensiblement la concurrence. Ces critères sont généralement semblables à ceux que l’on retrouve dans la jurisprudence américaine, bien que leur application puisse différer. La loi offre également une « défense fondée sur les gains en efficience » contre les fusionnements anticoncurrentiels, propre au Canada. Elle s’applique dans les cas où les gains en efficience attribuables au fusionnement (réalisables au Canada et calculés conformément à la jurisprudence) auront vraisemblablement pour effet de surpasser les effets anticoncurrentiels et de neutraliser ceux-ci.

LE COMMISSAIRE PEUT EXAMINER ET CONTESTER TOUS LES FUSIONNEMENTS, QU’ILS DOIVENT FAIRE L’OBJET D’UN AVIS OU NON, DANS L’ANNÉE QUI SUIT LEUR CONCLUSION.

Certains types d’opérations qui dépassent les seuils prescrits nécessitent un préavis de fusionnement et le dépôt de renseignements auprès du commissaire. Ce préavis est généralement nécessaire si : i) les parties à l’opération (et leurs sociétés affiliées) ont des éléments d’actifs au Canada, ou des produits bruts tirés des ventes en provenance et à destination du Canada dont la valeur totale est de plus de 400 M$ CA; et que ii) l’ensemble des actifs canadiens de la cible (ou des actifs qui font l’objet de l’opération) ou des produits bruts annuels tirés des ventes en provenance et à destination du Canada générés par ces actifs est de plus de 93 M$ CA (en 2023; ce seuil est révisé chaque année). Les investissements en capitaux propres doivent également faire l’objet d’un avis si les seuils financiers sont atteints et que les seuils d’investissements en capitaux propres applicables ont été dépassés (de plus de 20 % dans le contexte des sociétés publiques et de plus de 35 % dans le contexte d’entités privées ou non constituées en personnes morales, ou lors de l’acquisition de plus de 50 % des actions conférant un droit de vote ou des capitaux privés d’une société publique, si l’acheteur possède déjà une participation minoritaire).

En général, sauf quelques exceptions, la valeur des actifs et des produits se calcule d’après les valeurs comptables figurant dans les derniers états financiers audités de l’entité visée. Le préavis de fusionnement consiste à déposer un formulaire d’avis auprès du commissaire de la concurrence. Une opération qui doit faire l’objet de ce préavis ne peut pas être conclue avant que celui-ci ait été soumis au Bureau de la concurrence et que la période d’attente prévue par la loi soit expirée, à moins que le Bureau y ait mis fin plus tôt ou l’ait annulée. Le dépôt de cet avis est habituellement accompagné d’un important livre blanc, connu comme la demande de certificat de décision préalable (CDP).

Le dépôt des formulaires d’avis par les deux parties déclenche une période d’attente suspensive initiale de 30 jours. Au cours de cette période initiale, si le commissaire de la concurrence émet une demande de renseignements supplémentaires (DRS), qui est une demande considérable de documents et de données similaire à une deuxième demande aux termes de la Loi Hart-Scott-Rodino Act des États-Unis, la période d’attente est alors prolongée jusqu’au 30e jour qui suit la remise au commissaire de la concurrence d’une réponse complète à la DRS. Contrairement à la Loi sur Investissement Canada, une fois que le ministre pertinent a approuvé l’opération proposée, l’expiration de la période d’attente applicable en vertu de la Loi sur la concurrence n’empêche pas le Bureau de la concurrence de s’opposer au fusionnement en tout temps dans l’année qui suit sa conclusion. En conséquence, même si une opération peut légalement être approuvée après l’expiration de la période d’attente pertinente, les parties attendront généralement de recevoir une indication du commissaire que l’opération ne sera pas contestée avant de la conclure. Dans les cas de fusionnements complexes, l’examen du commissaire peut prendre plus de temps que la période d’attente obligatoire.

DANS CERTAINS CAS, LES PARTIES PEUVENT OBTENIR UN CERTIFICAT DE DÉCISION PRÉALABLE DU COMMISSAIRE AFIN D’ÉVITER LE PROCESSUS DE PRÉAVIS DE FUSIONNEMENT.

Dans certains cas, les parties peuvent obtenir un CDP de la part du commissaire de la concurrence afin d’éviter le processus officiel d’avis de fusionnement. Si le commissaire délivre un CDP concernant l’opération projetée, il ne peut plus contester l’opération par la suite, à moins d’un changement important dans la situation avant la conclusion. À noter toutefois que la délivrance du CDP est discrétionnaire, et qu’il n’est généralement accordé que lorsque le fusionnement ne pose aucun problème de concurrence. Au lieu de délivrer un CDP, le commissaire peut également dispenser l’opération de l’obligation de préavis et émettre une « lettre de non-intervention » indiquant qu’il n’a pas de motifs pour la contester, ce qui est habituellement une assurance suffisante pour que les parties procèdent au fusionnement.

Des frais de présentation d’avis de 82 719,12 $ CA (2023) s’appliquent aux sociétés qui déposent un préavis de fusion ou demandent un CDP. Ces frais font l’objet d’un rajustement annuel fondé sur l’indice des prix à la consommation.

Abus de position dominante

L’abus de position dominante sur un marché constitue une pratique susceptible d’examen pouvant aboutir en une ordonnance du Tribunal si celui-ci juge que cet abus a pour effet de diminuer sensiblement la concurrence. Cette ordonnance peut comprendre des sanctions pécuniaires pouvant atteindre jusqu’à trois fois la valeur du bénéfice sur lequel le comportement a eu une incidence (ou, lorsque cette valeur ne peut être déterminée raisonnablement, 3 % des recettes globales brutes annuelles).

Tout d’abord, il doit y avoir une position dominante ou le contrôle d’un marché. Il n’est pas nécessaire qu’il y ait monopole, mais la société dominante doit occuper une part de marché suffisamment importante pour qu’elle puisse dicter, dans une large mesure, les conditions de marché et exclure les concurrents.

Il doit également y avoir abus du pouvoir conféré par cette position dominante, par la pratique d’agissements anticoncurrentiels. Cela comprend tout acte destiné à avoir un effet négatif visant l’exclusion, l’éviction ou la mise au pas d’un concurrent, ou à nuire à la concurrence. En soi, le fait de dominer un marché ne constitue pas automatiquement une infraction à la Loi; cela devient un problème lorsqu’une société adopte des tactiques commerciales d’éviction, d’exclusivité ou de sanction. Lorsqu’une société dominante tente d’exclure des concurrents potentiels ou d’éliminer une concurrence existante, le Tribunal de la concurrence peut être appelé à intervenir. Il n’est pas toujours facile de distinguer des agissements concurrentiels de la pratique d’agissements anticoncurrentiels. Il n’y a rien de mal à livrer une rude concurrence, même pour une société dominante. Toutefois, lorsque l’intention de la société est d’éliminer la concurrence ou d’empêcher l’entrée ou l’expansion de concurrents dans un marché, il peut y avoir abus de position dominante. La Loi dresse une liste non exhaustive de ces agissements anticoncurrentiels. Elle comprend la vente d’articles à un prix inférieur à leur coût d’acquisition, dans le but de discipliner ou d’éliminer un concurrent, le fait d’inciter un fournisseur à ne pas vendre à des concurrents, le fait, pour un fournisseur intégré verticalement, de facturer des prix plus avantageux à ses divisions de détail ou le ciblage, par un acteur en position dominante, d’un nouveau concurrent ou de la participation accrue d’un concurrent dans un marché. L’établissement de prix d’éviction peut également constituer un agissement anticoncurrentiel.

La Loi permet également à toute partie privée de présenter une demande au Tribunal de la concurrence, si elle est directement et sensiblement gênée par les agissements anticoncurrentiels d’une autre partie. Les demandeurs qui souhaitent présenter une demande doivent obtenir la permission du Tribunal et n’ont pas droit à des dommages-intérêts (le Tribunal ne peut ordonner que des sanctions administratives pécuniaires ou des injonctions interdisant le comportement anticoncurrentiel).

Infractions criminelles

La Loi considère comme un acte criminel (sous réserve des défenses possibles) la conclusion d’une entente ou d’un arrangement avec un concurrent en vue de fixer les prix relatifs à l’offre d’un produit, d’attribuer des clients ou des marchés pour la production ou la fourniture d’un produit, ou de limiter la production ou la fourniture d’un produit. Le truquage des offres constitue également une infraction criminelle. Ces pratiques sont toujours interdites, quel que soit leur effet sur la concurrence.

Les accords d’employeurs non affiliés visant à fixer ou à contrôler les salaires ou d’autres conditions d’emploi (accords de fixation des salaires), ou à s’entendre pour ne pas solliciter ni embaucher des employés de l’autre employeur (accords de non-débauchage) sont aussi criminalisés (depuis juin 2023). Il n’est pas nécessaire que les parties à l’accord soient des concurrentes, ou que l’accord ait un effet anticoncurrentiel. Ces accords ne feront pas l’objet de poursuites criminelles s’ils sont accessoires à une fusion, une collaboration, une alliance stratégique ou une coentreprise autrement légitime. Dans ces cas, toutefois, le Bureau de la concurrence peut toujours procéder à leur examen en vertu de la disposition du régime civil relative à la collaboration entre concurrents.

Les personnes trouvées coupables des infractions criminelles de la Loi sont passibles de peines d’emprisonnement allant jusqu’à 14 ans et d’amendes fixées à la discrétion du Tribunal, sans plafond prévu par la Loi. Une infraction aux dispositions criminelles de la Loi peut également entraîner une poursuite au civil pour dommages-intérêts, intentée par la ou les personnes ayant subi une perte par suite de cette infraction.

Pratiques commerciales trompeuses

La Loi interdit de faire de la publicité de biens et de services ou de les commercialiser d’une manière fausse ou trompeuse. Les dispositions de la Loi en matière de pratiques commerciales trompeuses s’appliquent à toutes les formes de marketing à l’égard des consommateurs canadiens, peu importe le support. Ses dispositions criminelles s’appliquent aux comportements les plus flagrants, comme le télémarketing trompeur, la publicité trompeuse intentionnelle ou sans se soucier des conséquences, la vente pyramidale et les systèmes de commercialisation à paliers multiples illégitimes. Certaines pratiques commerciales trompeuses, comme les indications de prix partiel et les indications fausses ou trompeuses, peuvent faire l’objet de poursuites criminelles ou civiles, selon la gravité du comportement. D’autres pratiques, comme les indications concernant la garantie d’un produit, les indications de rendement fondées sur une épreuve insuffisante et les tactiques de prix trompeuses, comme les faux prix de vente habituels et la vente à prix d’appel, ne sont assujetties qu’aux dispositions civiles de la Loi.

En vertu de ces dispositions civiles, le Tribunal peut ordonner des sanctions pécuniaires pouvant atteindre jusqu’à trois fois la valeur du bénéfice sur lequel la pratique a eu une incidence (ou, lorsque cette valeur ne peut être déterminée raisonnablement, 3 % des recettes globales brutes annuelles). Les sanctions criminelles sont les mêmes que celles indiquées ci-dessus pour les autres infractions criminelles.

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