Passer au contenu directement.

La Cour d’appel confirme la capacité de Brewers Retail d’intenter un recours collectif inversé contre ses retraités

Date de fermeture

10 août 2023

Bureau principal

Toronto

Une récente décision de la Cour d’appel de l’Ontario a fait jurisprudence dans le domaine des recours collectifs en reconnaissant le droit des administrateurs de régimes de retraite d’utiliser le système judiciaire pour résoudre des différends avec leurs retraités sur une base consensuelle, malgré les objections de l'autorité de réglementation des régimes de retraite de l'Ontario.

Dans l’affaire Brewers Retail Inc. c. Campbell, 2023 ONCA 534, la Cour d’appel de l’Ontario a rejeté un appel de l’Autorité ontarienne de réglementation des services financiers (ARSF), l'autorité de réglementation des régimes de retraite, qui contestait la compétence de la Cour à entendre les questions relatives à un recours collectif en matière de régime de retraite (comprenant une entente de règlement entre les parties au litige, soit l’administrateur du régime de retraite et un comité de participants au régime de retraite). L’ARSF n’a pas demandé l'autorisation d'en appeler de la décision de la Cour d’appel.

Les faits

McCarthy Tétrault (Dana Peebles et Leah Ostler de notre groupe Litige, et Randy Bauslaugh, ancien leader de notre groupe Régimes de retraite), a représenté Brewers Retail Inc. (« BRI ») dans un différend avec un comité composé de participants au régime de retraite qui a débuté en 2013, en lien avec certaines dispositions du régime de retraite relatives à l’indexation des prestations. Le comité réclamait une indemnisation pour les participants au régime de retraite découlant de ces dispositions qui étaient en vigueur depuis 1974 et contestait le droit de BRI de réviser les dispositions relatives à l’indexation des prestations du régime de retraite de l’entreprise à l’avenir.

Dans le cadre de négociations s’échelonnant sur plusieurs années, BRI et le comité ont convenu d’un règlement d’indemnisation pour les anciens participants au régime de retraite et ses participants actuels de manière à résoudre entièrement et de façon définitive tous les problèmes ayant trait aux dispositions relatives à l’indexation depuis 1974. Dans le cadre de cette négociation, les parties ont collaboré avec la CSFO, l’autorité de réglementation de l’époque, c’est-à-dire de 2014 à 2018, afin de résoudre les questions techniques de conformité en vertu de la Loi sur les régimes de retraite et d’obtenir ainsi un consentement réglementaire permettant aux parties de faire certifier un recours collectif inversé (devant être déposé par BRI) visant à mettre en œuvre le règlement. L’approbation de la Cour à l’égard de l’entente de règlement permettrait aux parties de résoudre certains problèmes ne relevant pas de l’autorité de réglementation, comme l’entente relative aux droits à la prestation de retraite de personnes non-identifiables qui auraient pu être membres du régime au cours de la période mentionnée et depuis 1974 (les « membres inconnus »). La CSFO a finalement approuvé le règlement proposé, sous réserve que ce dernier reçoive également l’aval du tribunal par le processus de recours collectif.

Toutefois, dans le cadre de circonstances particulières, l'autorité de réglementation des régimes de retraite a changé en 2019, quand l’ARSF a remplacé la CSFO. La nouvelle autorité de réglementation a révoqué l’approbation de l’entente de règlement accordée par la CSFO pour ensuite publier un avis d’intention rejetant les modifications proposées par BRI à son régime de retraite. BRI a fait appel de cette décision au Tribunal des services financiers (TSF) et a intenté son recours collectif (avec la collaboration du comité), malgré l’opposition de l’ARSF. L’ARSF a poursuivi BRI devant le TSF et a retenu un conseiller juridique externe afin de s’opposer à la certification du recours collectif de BRI et de déposer une demande de suspension du recours collectif fondée sur la compétence judiciaire.

Procédures antérieures

En 2022, BRI et le comité ont eu gain de cause devant le TSF et la Cour supérieure :

1) Au TSF, le tribunal a accueilli une requête de BRI et du comité visant à suspendre cette procédure afin de permettre aux parties de faire certifier le recours collectif par la Cour : Brewers Retail c. Ontario (CEO of l’ARSF), 2021 ONFST 15.

2) Par la suite, à la Cour supérieure, BRI a déposé avec succès une requête de certification conditionnelle du recours collectif inversé, avec le consentement du comité, et a fait rejeter la demande de l’ARSF de suspendre le recours collectif pour cause d’absence de compétence : Brewers Retail c. Campbell, 2022 ONSC 850. La Cour a également condamné l’ARSF à des dépens importants : Brewers Retail c. Campbell, 2022 ONSC 2795.

L’ARSF a fait appel de la décision de la CSJ sur les deux requêtes.

La décision de la Cour d’appel de l’Ontario

Dans ses motifs rendus le 10 août (rédigés par la juge Gillese, une autorité en matière de droit des régimes de retraite), la Cour d’appel de l’Ontario a rejeté l’appel de l’ARSF des ordonnances et a maintenu l’ordonnance de certification et le rejet de la demande de suspension de l’ARSF.

La Cour d’appel de l’Ontario a confirmé que de permettre à BRI et au comité de convenir d’un règlement au moyen d’un recours collectif était préférable, et vraisemblablement nécessaire, afin de régler certains enjeux ne pouvant pas être résolus par l’ARSF ou au TSF (c.-à-d. le traitement du groupe de « membres inconnus » dans le cadre du règlement). La Cour a conclu que de permettre le recours collectif ne remet aucunement en cause le régime réglementaire établi par la Loi sur les régimes de retraite. La Cour constate en effet qu’il pourrait être préjudiciable d’interdire aux parties de porter leur recours devant le tribunal dans certaines circonstances : « Obliger Brewers et le comité d’abandonner la demande pour favoriser une audience devant le TSF met les deux parties à risque. Contre leur volonté, ces parties seraient contraintes de participer à une audience du TSF, soit un forum de type tout ou rien. Après dix ans de négociations, ayant obtenu la pleine participation et approbation de l’autorité de réglementation antérieure, les deux parties risqueraient de perdre tout ce qu’elles avaient négocié. À mon avis, cela constitue un préjudice. »

Cette affaire a été suivie de près par la communauté du droit des régimes de retraite et elle a d’importantes incidences pour les entreprises qui choisissent de travailler avec les participants à leur régime de retraite pour résoudre des différends en matière de régime de retraite – mais qui préfèrent le faire au moyen d’un recours collectif (avec ses avantages procéduraux et sa large portée), plutôt que de faire une demande à l’autorité de réglementation, car cette démarche peut parfois ne pas offrir les mêmes solutions flexibles aux enjeux historiques.

L’équipe de McCarthy Tétrault qui a conseillé Brewers Retail Inc. était dirigé par Randy Bauslaugh (Régimes de retraite), Dana Peebles et Leah Ostler (Litiges).

Équipe