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Le budget de l’Ontario annonce une réforme continue des régimes de retraite, sans toutefois entrer dans le détail

Le 29 mars dernier, le gouvernement de l’Ontario a déposé son budget pour l’année 2011, Remonter la pente pour un avenir meilleur. Le budget porte avant tout sur les réformes récentes et futures des régimes de retraite, mais soumet peu de propositions véritablement nouvelles.

 

Dans le budget, les propositions de réforme sont généralement avares de détails et sont énoncées en termes généraux. Elles semblent beaucoup plus limitées que les modifications énoncées dans les projets de loi 236 et 120 (adoptés respectivement le 18 mai 2010 et le 8 décembre 2010). Les avocats de McCarthy Tétrault qui œuvrent dans le domaine des régimes de retraite, des avantages sociaux et de la rémunération des dirigeants ont déjà livré leurs analyses du projet de loi 236 et du projet de loi 120.

D’autre part, la prochaine élection provinciale à l’automne remet en question la probabilité d’une réelle mise en œuvre de ces réformes. Cela dit, l’ajout d’une partie sur les enjeux des retraites dans le budget indique clairement qu’une réforme continue figure toujours parmi les priorités du gouvernement.

En bref, le gouvernement formule les nouvelles propositions suivantes :

  • mettre en place un nouveau type de régime de retraite pour les employés régis par des conventions collectives, le « régime de retraite à prestations cibles de gouvernance mixte »;
  • exiger que les régimes déposent un « énoncé des politiques et des procédures de placement » (EPPP) auprès de l’organisme de réglementation et qu’ils indiquent expressément si leur EPPP tient compte des facteurs environnementaux, sociaux ou de gouvernance dans les décisions de placement;
  • procéder aux augmentations — annoncées plus tôt — des cotisations des employeurs au Fonds de garantie des prestations de retraite à partir de 2012 (le gouvernement n’a pas proposé, au préalable, de date précise pour l’entrée en vigueur);
  • revoir les moyens de traiter le cas des participants non localisés;
  • revoir le processus de déblocage des comptes immobilisés en cas de difficultés financières;
  • codifier les nouvelles normes adoptées par des ordres professionnels, notamment les Normes internationales d’information financière.

Le présent article aborde ces questions et certaines des déclarations du budget les plus importantes, et ce, par ordre d’importance pour les employeurs.

1. Fonds de garantie des prestations de retraite (FGPR)

Le budget réaffirme la volonté du gouvernement d’augmenter les cotisations des employeurs au FGPR, volonté qui avait déjà été exprimée dans le Document d'information technique du 24 août 2010. Même si le budget ne reprend pas telles quelles les augmentations annoncées, le Document d’information technique faisait déjà mention des propositions suivantes:

  • établissement d’un seuil de cotisation de 250 $ par régime couvert par le FGPR;
  • augmentation de 1 $ à 5 $ de la cotisation de base par membre d’un régime;
  • augmentation de 100 $ à 300 $ de la cotisation maximale par membre pour les régimes de retraite sous-capitalisés;
  • élimination du plafond global de cotisations pour les régimes sous-capitalisés.

Avant le dépôt du budget, les employeurs ne savaient pas trop si ces nouvelles mesures entreraient en vigueur. Le budget précise fort à propos que ces augmentations prendront effet en 2012, et non cette année. Le gouvernement rappelle aussi qu’il prendra des mesures en faveur de nouveaux règlements pour garantir une meilleure stabilité du provisionnement des régimes de retraite et une bonification des prestations visant à réduire le fardeau qui pèse sur le FGPR.

2. Placements des régimes de retraite

Pour les régimes de retraite enregistrés en Ontario, la province a adopté les restrictions établies le 31 décembre 1999 par le gouvernement fédéral sur les placements autorisés pour les régimes de retraite sous réglementation fédérale. En conséquence, les modifications récentes et envisagées aux règles fédérales de placement ne s’appliquaient pas d’emblée aux régimes ontariens.

Le 25 mars 2011, le gouvernement ontarien a modifié la loi afin d’éliminer la référence « au 31 décembre 1999 ». et d’adopter de façon automatique les règles fédérales au fur et à mesure qu'elles sont modifiées. Cette modification retient les réformes fédérales suivantes proposées récemment :

  • l’élimination, ces derniers temps, de la plupart des limites quantitatives pour les placements dans les biens immeubles et les avoirs miniers, laquelle est entrée en vigueur le 17 juin 2010;
  • la proposition de modifier la limite de placement des actifs de retraite dans une seule entité ou groupe connexe afin qu’elle passe de 10 % de la valeur comptable des actifs du régime à 10 % de leur valeur marchande;
  • la proposition d’interdire tout investissement direct de l’employeur (notamment dans les actions ou la dette de son entreprise).

Le gouvernement ne s’engage pas à réexaminer l’interdiction qui empêche actuellement de placer des actifs de retraite dans plus de 30 % des actions avec droit de vote d’une société. Le Document d’information technique précité suggérait de revoir cette règle, mais cette proposition brille par son absence dans le budget.

Le budget propose pour sa part aux administrateurs de régime de déposer un  EPPP auprès de la Commission des services financiers de l’Ontario et d’indiquer si leur EPPP tient compte des facteurs environnementaux, sociaux ou de gouvernance dans les décisions de placement.

3. Bonification du Régime de pensions du Canada

Le budget insiste sur la détermination de l’Ontario à prévoir une bonification modeste, graduelle et entièrement capitalisée du Régime de pensions du Canada. Un rapport fédéro-provincio-territorial sur la faisabilité de cette bonification devra être déposé à l’été 2011.

Le budget réaffirme également que pour le gouvernement, cette bonification vient s’ajouter à la nouvelle proposition fédéro-provinciale de mettre en place des « régimes de pension agréés collectifs (RPAC) ». Cela dit, il ne mentionne pas les modalités de cette instauration en Ontario. McCarthy Tétrault a déjà abordé dans les grandes lignes la question des RPAC.

4. Régimes de retraite à prestations cibles

Le budget évoque la possibilité d’un nouveau type de régime de retraite, le régime de retraite à prestations cibles de gouvernance mixte (RRPCGM), proposé pour la première fois en 2008 dans le rapport de la Commission d’experts en régimes de retraite de l’Ontario.

Conformément aux recommandations de la Commission d’experts, les RRPCGM seraient des régimes administrés conjointement pour le compte de travailleurs régis par des conventions collectives. Ils offriraient des prestations déterminées cibles qui pourront faire l’objet d’une réduction en cas de sous-capitalisation. À cet égard, les RRPCGM devraient être financés seulement sur une base à long terme (à la différence de la plupart des régimes à employeur unique qui doivent respecter les exigences — souvent plus rigoureuses — de capitalisation sur une base de solvabilité).

Le budget précise pour sa part que l’Ontario discute actuellement des modifications nécessaires à apporter à la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) avec le gouvernement fédéral pour faciliter la mise en place de « régimes de retraite à prestations cibles à employeur unique ». Ces modifications concorderaient avec les modifications apportées en 2010 à la Loi sur les régimes de retraite qui prévoient expressément l’instauration de ces régimes. Ces modifications ne sont pas encore entrées en vigueur.

Pour terminer, le gouvernement annonce qu’il passera en revue les exigences de capitalisation des régimes de retraite interentreprises (RRI) à prestations cibles ayant des participants à l’extérieur de l’Ontario afin de régler les questions soulevées par les intervenants. Même si le budget n’en dit pas plus sur ces questions, elles se rapportent selon toute vraisemblance aux différentes exigences de capitalisation des RRI dans les provinces et territoires, notamment les incidences de la responsabilité légale des employeurs en matière de retraits dans d’autres provinces.

5. Autres déclarations

Adoption d’avant-projets de loi en cours
Le gouvernement s’engage à adopter les différentes séries de règlements proposés et publiés, plus tôt cette année, sous forme de projet pour permettre aux intervenants de présenter leurs observations. Ces règlements viendront (i) étendre les exemptions des exigences de capitalisation du déficit de solvabilité à certains régimes de retraite conjoints et (ii) compléter les modifications apportées en 2009 à la Loi sur les régimes de retraite (qui ne sont pas encore entrées en vigueur) pour remanier les règles de partage des prestations de retraite en cas d’échec d’un mariage.

Déblocage de comptes immobilisés en cas de difficultés financières
Le gouvernement est également déterminé à passer en revue le processus de déblocage de comptes immobilisés en cas de difficultés financières et annonce la prorogation de l’exemption temporaire des droits de demande d’accès aux comptes immobilisés. Cette annonce sera de bon augure pour les administrateurs qui traitent ces demandes assez souvent, même si les modalités gouvernementales de simplification du processus restent floues.

Participants non localisés
D’après les propositions du budget, le gouvernement est prêt à étudier les moyens de traiter les problèmes touchant les participants non localisés à des régimes en vue d’accélérer les liquidations de régime, totales ou partielles.

Cet engagement fait partie des quelques nouveautés du budget, mais se résume essentiellement à une étude gouvernementale approfondie. Le budget ne prévoit rien de semblable aux récentes réformes visant les régimes sous réglementation fédérale qui, dès leur entrée en vigueur, autoriseront les administrateurs à effectuer des versements se rapportant aux participants non localisés auprès d’une institution financière tierce.

Codification de nouvelles normes professionnelles
Chose intéressante, le gouvernement a formulé une nouvelle proposition pour codifier les récents changements apportés aux normes par des ordres professionnels, comme la récente adoption des Normes internationales d’information financières par le Conseil des normes comptables du Canada.

Nouvel accord sur les régimes de retraite relevant de plus d'une autorité gouvernementale
Le budget réaffirme une fois de plus la détermination du gouvernement à signer le nouvel accord multilatéral sur la réglementation des régimes de retraite multiterritoriaux, préparé conjointement par les dix organismes canadiens de réglementation des régimes de retraite. Aucune province ou territoire canadiens ne l’a officiellement signé. Cet accord remplacera la version quelque peu archaïque de 1968, qui est actuellement en vigueur.

Mesures pour certains régimes
En conclusion, le gouvernement rappelle qu’il souhaite une modification de la loi pour permettre aux participants du régime de retraite de Nortel de transférer, dans le cadre du processus de liquidation de leur régime, la valeur totale de leur régime de retraite à un fonds de revenu viager (FRV). Sans ces propositions de modification, la Loi sur les régimes de retraite exigerait normalement la constitution en rentes des prestations de retraite pour tous les participants concernés. Le gouvernement confirme en outre sa volonté d’offrir un allégement sur dix ans de la capitalisation des régimes de retraite d’AbitibiBowater dans le cadre de la restructuration de la société.

Les avocats de McCarthy Tétrault continueront à suivre l’évolution des mesures budgétaires. Dans l’intervalle, si vous avez des questions sur les incidences du budget de l’Ontario sur votre entreprise ou votre régime de retraite, veuillez communiquer avec l’un des membres du groupe du droit des régimes de retraite, des avantages sociaux et de la rémunération des dirigeants ou avec votre avocat habituel chez McCarthy Tétrault.

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